Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
Gribouillis, bonhomme patate, princesse et château fort… l’univers graphique des tout-petits s’enrichit à mesure qu’ils grandissent et découvrent le monde. Le dessin d’enfant est souvent considéré comme le miroir de son développement. Il informe sur sa représentation symbolique de son environnement proche puis de son imaginaire. Et il s’étoffe lorsque l’enfant gagne en précision graphomotrice. Dès lors, ménager des temps d’atelier dessin pour son enfant revient à lui donner des occasions d’améliorer sa dextérité tout autant que son sens de l’observation, de l’analyse et de la formalisation.
Les bienfaits du dessin pour les enfants
Sous ses airs un peu banals ou peu aboutis, le dessin d’enfant regorge pourtant de qualités indéniables.
Développement de la motricité fine et de la coordination
La réalisation d’un dessin réclame des compétences qui s’acquièrent en faisant mais qui ne sont possibles qu’à un certain stade de développement. Avant d’être capable de produire une forme satisfaisante, l’enfant explore les différents outils et supports graphiques à sa disposition. Dès que bébé se tient assis tout seul, il peut tenir fermement dans sa main un crayon adapté à son âge. Ceux-ci sont gros et solides et évidemment non toxiques.
Vers l’âge de 12/18 mois, le résultat visé n’est pas graphique mais plutôt de l’ordre du geste : tenir un crayon et réussir à appliquer la pointe sur une feuille. L’enfant est souvent émerveillé de constater l’apparition de la couleur et se réjouit de produire lui-même ces effets sur la feuille blanche. Avec ses mains ou ses doigts, il rencontre la matière de la peinture et du support. Et il peut observer ses nuances en variant les pressions qu’il exerce et en modulant ses mouvements.
Progressivement, il se familiarise avec la tenue du crayon ou du pinceau. Les muscles de sa main se développent et lui ouvrent de nouvelles possibilités de représentation. En maternelle, il fait l’expérience des grands formats qui l’aident à délier son épaule et à assurer sa préhension de l’outil graphique. Il est capable de tracer des lignes, droites ou obliques, des cercles, des formes de corps, de maisons et d’arbres. Son univers se peuple de créatures signifiantes qui racontent petit à petit une histoire. Vers 4/5 ans, l’enfant utilise des graphismes et des couleurs pour traduire ses idées et pensées : des croix pour les étoiles, du rouge pour la colère… Sa coordination s’améliore et il obtient un résultat qui correspond mieux à ses attentes. Par ailleurs, il commence à écrire des mots familiers avec des lettres bâtons d’après modèle.
À noter que chez les jeunes enfants, il existe souvent un décalage entre la représentation mentale et la représentation graphique.
Décalage entre perception et représentation : la zone proximale de développement appliquée au dessin
Il arrive parfois que certains enfants refusent de dessiner, se considérant comme de mauvais dessinateurs comparativement à des camarades dont la motricité fine est plus développée. La frustration est grande pour l’enfant lorsqu’il y a un décalage entre ce qu’il imagine et ce qu’il dessine réellement. D’où la nécessité de penser une séance de dessin en fonction des capacités de l’enfant et de sa zone proximale de développement. Cette théorie de Lev Vygotski, pédagogue et psychologue du développement, stipule que l’enfant n’apprend rien si c’est trop facile ou trop difficile pour lui. Il existerait un seuil, propre à chaque enfant, où le niveau de difficulté est optimal, lui permettant de relever des défis en cohérence avec ses capacités.
Attention donc à proposer des ateliers de dessin adaptés à l’âge et aux capacités des enfants. Les aplats de couleurs et graphismes simples (ronds, points, traits) constituent la première base à maîtriser. Il peut passer ensuite à des formes plus complexes (frises, compositions et combinaisons) puis figuratives. Pour faciliter son apprentissage, donnez-lui un seul objectif à la fois. Ou bien procédez en plusieurs étapes : une séance pour le tracé des ronds, une autre pour la frise décorative etc.
Stimulation de la créativité et de l’expression artistique enfantine
C’est en faisant qu’on apprend et en la matière le dessin ne déroge pas à la règle. L’enfant est mu par une énergie, une curiosité et une soif d’apprendre qui le pousse à se dépasser. Or le dessin, langage d’évocation, s’acquiert et suit le développement de l’enfant tout en y contribuant lui-même. Il y a donc un va-et-vient permanent entre le besoin de représenter le monde tel que l’enfant le perçoit et la nécessité d’apprendre, de maîtriser les gestes de cette représentation. Dans sa tête, l’enfant voit le soleil dans le ciel et sur sa feuille il dessine un rond jaune qu’il investit symboliquement. Sa position sur la feuille le montre en hauteur, parfois dans un angle de la page, partiellement évoqué, comme l’extrait d’un tout bien trop grand pour être vu en entier.
Dans ses choix de représentation, l’enfant exprime sa vision du monde. Son expression artistique, souvent jugée naïve, a aussi été perçue par certains artistes contemporains comme un regard intuitif, originel, l’expression de la créativité pure. Le groupe CoBrA (Asger Jorn, Karel Appel, Constant, Corneille…) s’en est inspiré et en a revendiqué la liberté, hors des contraintes académiques ou des courants artistiques. À partir de 7 ans, les enfants seront sans doute captivés par le parcours de grands artistes des siècles passés : à découvrir avec Les Odyssées du Louvre et Les Odyssées des musées d’Orsay et de l’Orangerie, podcasts France Inter à écouter sur l’enceinte Merlin (en accès libre).
Par ailleurs, la psychanalyse lui a donné un rôle de révélateur de l’inconscient. L’enfant représenterait ses pensées à travers ses dessins. On pourrait alors y prendre la mesure de ses troubles éventuels. Le dessin est d’ailleurs largement utilisé lors de bilans de santé, notamment en psychomotricité et en psychiatrie infantile.
Renforcement de la confiance en soi et de la gestion des émotions
Pour toutes ces raisons, le dessin d’enfant a des vertus d’exutoire. Il sert à extérioriser des pulsions, des émotions que les mots ne peuvent pas encore traduire ou du moins que de manière imparfaite. Un graphisme donne corps à une idée, un questionnement, un souvenir joyeux ou douloureux. C’est un langage d’évocation qui ramène dans le présent des événements antérieurs. Il peut aussi matérialiser une émotion en train d’être ressentie par l’enfant. Ainsi lorsqu’il est en colère ou triste, il peut exprimer graphiquement ce qu’il ressent.
Tous les sentiments trouvent sur la feuille le droit à se manifester librement, qu’ils soient compréhensibles ou non. Par exemple, l’enfant peut dessiner une scène qui l’a marqué et la recouvrir de couleurs sombres pour la masquer. Il signifie ainsi qu’elle n’appartient qu’à lui. Il est avant tout son premier spectateur et il peut contempler longuement son œuvre pour lui-même, sans la partager. Cela peut sembler un peu surprenant, mais il ne faut pas oublier qu’à travers son dessin l’enfant s’expose au jugement des autres. Il est donc tout à fait compréhensible qu’il ne souhaite pas montrer tous ses dessins. Surtout si ces derniers révèlent des pans de son psychisme.
C’est surtout vrai pour les grands enfants qui ont compris que les adultes cherchaient souvent des significations aux dessins d’enfants, tout comme on interprète les rêves. En revanche, les plus jeunes n’en ont pas toujours conscience. Ils peuvent nous montrer des dessins très personnels sans comprendre ce qu’ils disent d’eux. Une raison supplémentaire pour se garder de tout jugement de valeur ou d’interprétation en leur présence. Le risque de blessure narcissique est important et une rupture de la confiance parent/enfant également. Lorsque l’enfant nous offre un dessin, c’est qu’il a suffisamment confiance en lui pour le faire. À nous de le remercier en lui renvoyant un message positif sur sa production.
Encouragement à la concentration et à la patience
Le dessin suppose de la concentration et un minimum de gestion corporelle. L’enfant doit tenir correctement son crayon et maîtriser son geste pour ne pas dépasser de la feuille. De même, il apprend à contrôler la pression sur le crayon. En dosant sa force, il expérimente l’épaisseur du trait, sa saturation. Il prend également conscience de la vigilance nécessaire pour éviter de froisser ou percer le papier. Toutes ces nécessités tendent à développer la concentration et la patience. Le dessin demeure une activité manuelle assujettie aux contraintes du monde physique.
À l’heure du tout digital et des écrans omniprésents, il est bon que les enfants gardent un lien avec le monde concret et tangible. Pour développer leurs compétences, mais aussi pour conserver la main sur le monde matériel. Savoir concevoir, créer, représenter, bricoler, c’est être capable de s’adapter à son environnement. C’est aussi ciseler son sens de l’observation et forger sa capacité de réflexion et d’analyse. Des compétences qui servent toute la vie pour résoudre les problèmes et surmonter ses peurs.
Comment aider un enfant à développer sa créativité en dessin ?
Pour stimuler la créativité d’un enfant, il est essentiel de lui proposer une grande variété de matériaux et d’activités. Crayons de couleur, feutres, pastels, peinture, craies… Chaque outil offre une texture et une sensation différente, permettant à l’enfant d’explorer de nouvelles façons de dessiner. Varier les supports, comme le papier, le carton ou même le tissu, enrichit également son développement artistique et affûte sa motricité fine.
Laisser l’enfant libre dans ses choix artistiques est tout aussi important. En évitant de lui imposer des modèles stricts ou des résultats précis, on l’encourage à exprimer ses idées sans crainte de se tromper. L’expérimentation est une clé essentielle dans l’apprentissage du dessin. L’enfant peut essayer le dessin au doigt, le grattage, l’aquarelle ou encore le collage pour découvrir ce qui lui plaît le plus et affiner son propre style.
Enfin, un environnement adapté favorise la créativité. Un espace calme, lumineux et équipé de matériel facilement accessible permet à l’enfant de dessiner quand il en ressent l’envie. L’ambiance doit être bienveillante et propice à l’expression libre, où chaque création est valorisée. En lui offrant cet espace d’exploration, on l’aide à développer sa confiance en soi et son plaisir de créer, mais aussi son autonomie. Veillez à fixer les règles dès le départ pour maintenir l’espace propre et rangé. Les tâches ménagères sont un excellent moyen de responsabiliser l’enfant et de lui enseigner le respect de son matériel. Dès l’âge de 2 ans, il est tout à fait capable de passer l’éponge sur la table, laver les pinceaux, ranger les crayons dans un pot etc.
Et pour nourrir leur imaginaire et varier les exemples artistiques, vous pouvez faire découvrir les grandes œuvres qui ont jalonné l’histoire de l’art.
Comment encourager un enfant à dessiner ?
Pour aider un enfant à prendre confiance en son dessin, il est essentiel de valoriser chacune de ses productions, même imparfaites. Plutôt que de pointer les défauts, soulignez les points positifs et les progrès. N’hésitez pas à décrire ce que vous voyez et à livrer votre interprétation. On dirait un arbre, il me semble que ce sont des feuilles et là il y a une petite bête qui vole. Ça me fait penser au printemps, c’est agréable. Grâce à votre retour, votre enfant mesure la portée de sa représentation, tant d’un point de vue formel qu’émotionnel. Il sera heureux que vous investissiez son dessin et que vous lui témoigniez votre ressenti. Cette reconnaissance et ce dialogue contribuent à renforcer son estime de soi et l’encourage à poursuivre sans crainte du jugement.
Par ailleurs, l’approche du dessin doit rester ludique et adaptée à l’âge. Proposer des jeux autour du graphisme, comme des devinettes illustrées ou des dessins collectifs, transforme l’apprentissage en un moment de plaisir. L’atelier doit être un lieu et un temps de détente et de plaisir et non de performance si l’on veut préserver l’enthousiasme des dessinateurs en herbe.
En effet, il est important d’expliquer à l’enfant que l’erreur fait partie du processus d’apprentissage. Un trait qui déborde ou une forme imparfaite ne sont pas des échecs, mais des étapes normales vers la maîtrise du geste graphique. Pour étayer son propos, on peut montrer que même les grands artistes font des essais avant d’arriver à un résultat final. Chaque dessin constitue une opportunité d’apprendre et de progresser ! N’oublions pas que Léonard de Vinci (roman doc à écouter sur l’enceinte Merlin, 7,99 euros) a exécuté la Joconde entre 1503 et…1519, y trouvant toujours des retouches à y apporter (Beaux Arts Magazine, 2022).
À quel âge un enfant peut-il commencer à dessiner ?
Dès l’âge de 2 à 3 ans, les tout-petits commencent à faire leurs premiers gribouillages. Ces traits désordonnés ne sont pas seulement un jeu, ils participent activement au développement de leur motricité fine et de leur coordination main-œil. À cet âge, l’essentiel est de leur laisser expérimenter librement avec des crayons épais et des supports variés.
Entre 4 et 5 ans, l’enfant commence à reconnaître et reproduire des formes simples comme des cercles, des carrés ou des bonshommes. Il découvre également les couleurs et apprend à les associer. C’est une période où il commence à structurer ses dessins en puisant dans cette activité un plaisir spontané proche du jeu.
À partir de 6 ans, les enfants s’engagent dans des projets graphiques plus construits d’après l’observation de modèles simples et l’apprentissage des proportions. Toutefois, chaque enfant évolue à son propre rythme, et il est important de respecter ses envies et son intérêt pour le dessin. L’essentiel est de l’encourager à explorer de nouveaux horizons sans pression, afin qu’il développe son plaisir de créer.
Les erreurs à éviter lors d’un atelier de dessin pour enfants
L’une des principales erreurs est d’imposer des résultats précis et des modèles rigides aux enfants. Leur créativité s’épanouit lorsqu’ils sont libres d’explorer et de manifester leur propre vision. Trop de contraintes risquent de les frustrer et de les détourner du plaisir de dessiner. L’objectif d’un atelier de dessin n’est pas de copier parfaitement un modèle, mais de laisser chaque enfant s’exprimer librement en se saisissant pleinement des supports et outils à sa disposition. Pour se sentir confiant et détendu, il ne doit pas craindre un jugement négatif qui pourrait l’empêcher de vivre des expériences créatives. Il serait contreproductif de lui imposer une manière unique de dessiner ou de sous-entendre que son dessin n’est pas abouti, pas réaliste ou trop éloigné des canons esthétiques standards.
Le dessin est avant tout un moyen pour l’enfant d’exprimer ses émotions et de laisser libre cours à son imagination. Pour y parvenir, il a besoin de temps pour explorer différentes approches et affiner son style graphique. Ainsi, même si certains dessins peuvent sembler inachevés ou maladroits, ils font partie intégrante de son apprentissage. Plutôt que de juger ou de corriger à l’excès, il est donc essentiel de valoriser ses efforts et de l’encourager dans sa progression. En adoptant cette attitude bienveillante, non seulement l’enfant gagne en confiance, mais il développe aussi son envie d’apprendre et son plaisir de créer.
Et chez vous, quelles sont vos astuces pour faire des ateliers de dessin des séquences d’éducation artistique, de détente et d’amusement ? Rendez-vous sur nos réseaux sociaux Facebook et Instagram pour les partager !