Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
Le harcèlement scolaire touche 5% des élèves du CE2 au CM2, presque autant qu’au collège (6%) et au lycée (4%), d’après une enquête nationale de novembre 2023. Une statistique prise au sérieux par les pouvoirs publics qui déploient chaque année des campagnes de sensibilisation dans les établissements scolaires. On définit le harcèlement selon trois critères : volonté de nuire, répétition des faits et emprise du harceleur sur le harcelé. Le harcèlement peut prendre une forme physique (coups et blessures volontaires) ou verbale (insultes, moqueries, humiliations), en personne ou en ligne. On parle dans ce dernier cas de cyberharcèlement.
Les victimes sont souvent des enfants fragiles, handicapés, timides, atypiques etc. On reconnait un cas de harcèlement à des symptômes tels que le changement brutal de comportement, le repli sur soi, la dépression, l’anxiété, la colère, des blessures inexpliquées, des résultats scolaires en baisse, des cauchemars etc. Comment réagir en tant que parent face à une situation de harcèlement scolaire ? Voici 5 conseils pour prévenir, soutenir et protéger ses enfants du harcèlement à l’école, sur internet et sur les réseaux sociaux.
Prévenir le harcèlement grâce à une éducation bienveillante et proactive
Comme pour de nombreux autres domaines (santé, environnement…), la prévention demeure une arme essentielle. En éduquant nos enfants dans le respect, de soi et des autres, nous éloignons les brutalités dont sont malheureusement capables les humains entre eux. Pour cela il est fondamental de commencer dès le plus jeune âge à reconnaître et parler de ses émotions.
Apprendre à gérer ses émotions
Ainsi, l’éducation familiale sert de base à la compréhension des autres et stimule l’empathie. Comment faire cesser le harcèlement sinon en comptant sur le réveil de la sensibilité des agresseurs ? Prendre conscience dès le plus jeune âge des conséquences de ses actes et de ses paroles est crucial pour prévenir le harcèlement. Avec pédagogie et sans remontrance excessive pour ne pas créer de blocage rédhibitoire, l’adulte explique aux tout-petits la peine ou la douleur. En la matière, le cadeau émotionnel fait partie des outils éducatifs à disposition du parent pour expliciter à son enfant quel comportement on attend de lui.
Qui dit éducation bienveillante ne dit pas absence de règles et de limites. Les enfants ont besoin d’un cadre éducatif structuré pour se sentir en sécurité et savoir comment se comporter. La bienveillance n’élimine pas les règles mais mise sur la co-construction des limites, sur la confiance réciproque et une attitude encourageante. Les parents saluent les réussites et progrès et soutiennent en cas d’échec et de frustration. Ils intègrent les obstacles dans leur démarche éducative en ne condamnant pas l’enfant à une place figée.
Favoriser l’autonomie et le bien-être de l’enfant
De fait, l’éducation proactive cherche à rendre l’enfant autonome dans son quotidien, pour accomplir toutes sortes de tâches, mais aussi pour asseoir son bien-être émotionnel. En la matière, la méditation, sophrologie, yoga, mindfulness, etc. ont fait leur preuve pour diminuer le stress et l’anxiété.
Parallèlement, et ce dès le plus jeune âge, il convient d’inculquer les valeurs de respect, de tolérance et d’empathie à ses enfants. Par ailleurs, les parents servent également de modèle pour montrer à l’enfant l’importance de traiter les autres avec dignité, quelles que soient leurs différences. Cette sensibilisation rend les enfants vigilants face aux actes de harcèlement : pour s’en prémunir mais aussi pour soutenir les victimes.
Éduquer aux médias et aux réseaux sociaux pour contrer le cyberharcèlement
Il est essentiel que les parents abordent de manière très pragmatique tous les dangers d’Internet, dont le harcèlement en ligne. Démoralisation, souffrance psychique, risque de déscolarisation etc. Aucun aspect ne doit être négligé et les parents seront particulièrement attentifs à alerter sur l’impact des commentaires postés sur les médias et réseaux sociaux.
Enseigner à son enfant les bonnes pratiques numériques
Même si en théorie les enfants ne sont pas censés disposer d’un compte sur Tik Tok, Instagram ou autres (loi du 7/07/23 sur la majorité numérique à 15 ans), ils naviguent parfois sur Internet pour des recherches en classe de CM1 et CM2. Ils doivent donc être prévenus du risque de pédocriminalité et de cyberharcèlement sur les forums et messageries instantanées. En particulier, les groupes de classes WhatsApp constituent un danger de harcèlement en ligne pour les élèves de primaire.
Bien souvent, les parents ne se méfient pas des groupes classes supposés fonctionner sur l’entraide. Or, les réflexions désobligeantes sont malheureusement monnaie courante… Il convient donc de contrôler régulièrement les échanges et de prévenir ses enfants de l’illégalité des propos déplacés. En cas de doute, contactez l’administrateur du groupe et réclamez l’application de la charte de bonnes pratiques. Chaque année, les équipes enseignantes rappellent des possibles débordements et invitent les parents à une vigilance constante. L’école n’est pas responsable des groupes d’échanges privés, mais connait bien leurs possibles répercussions négatives. Elle conseille généralement aux parents d’éviter ce type de communication et de privilégier le contact direct avec les professeurs.
Néanmoins les groupes WhatsApp de classe sont répandus (parfois même à l’initiative de l’enseignant). C’est pourquoi il est indispensable que vous expliquiez à vos enfants les dangers des réseaux sociaux.
Les outils techniques pour limiter l’impact des réseaux sociaux
Pour y faire face, expliquez-lui comment utiliser les outils numériques de manière responsable. Enseignez-lui à protéger sa vie privée en ligne en choisissant un pseudo neutre et un mot de passe sécurisé (qui ne soit pas sa date de naissance !). Montrez-lui aussi comment signaler les comportements inappropriés et bloquer les harceleurs. En simulant ces actions avec lui, vous transformez vos paroles en actes concrets et prouvez qu’ils sont aisés à mettre en place.
Par ailleurs, veillez à respecter le temps d’écran et à installer un contrôle parental sur les équipements numériques. Il est plus sûr de créer des sessions enfants sur les ordinateurs et de paramétrer les applications pour la tranche d’âge concernée. En revanche, le contrôle parental n’a aucune action sur les messages privés, numériques comme scripturaux. Attention donc à sensibiliser vos enfants aux principes de base de la courtoisie et de la communication. Au-delà des insultes, les moqueries répétées ont déjà des effets néfastes sur le bien-être et l’humeur des personnes visées.
Il est bon de le rappeler explicitement, afin que l’enfant réagisse pour se défendre ou le signale s’il se sent démuni.
Rester à l’écoute et maintenir le dialogue avec les victimes de harcèlement
Même si vous avez déjà sensibilisé votre enfant au harcèlement, il se peut qu’il y soit confronté et n’ose pas vous en parler. Si vous remarquez un changement de comportement et des signes de mal-être, tâchez de relancer le dialogue. Posez des questions bienveillantes et montrez que vous êtes prêt à écouter sans juger. Votre enfant doit sentir qu’il n’est pas seul et qu’il a votre soutien inconditionnel.
Identifier les signes de harcèlement
Parmi les signes les plus fréquemment évoqués, on trouve :
- isolement ;
- troubles du sommeil ;
- troubles de l’alimentation ;
- chute des résultats scolaires ;
- désintérêt pour les activités plaisir ;
- mutisme ;
- phobie scolaire ;
- maux de ventre et maux de tête ;
- colère, crise de larmes, agressivité…
Prêtez attention aux bobos également en recherchant systématiquement la cause d’un bleu ou d’une blessure. Vérifiez aussi que le goûter a bien été consommé par votre enfant. S’il a très faim en rentrant de l’école, demandez-lui pour quelle raison. Le repas de la cantine n’était-il pas à sa convenance ? Ou y a-t-il une autre raison qui l’a empêché de manger (le midi ou à 16h30). Le racket de goûter existe bel et bien dans les écoles et les surveillants n’en ont que rarement conscience. Cela se passe souvent furtivement et sans témoin. De même, si vous constatez qu’il manque des paquets de biscuits ou autres friandises dans votre placard, tâchez d’élucider rapidement la question. Votre enfant pourrait être victime d’un chantage de la part de camarades qui l’exhortent à fournir un goûter.
Nourrir le dialogue à partir de la lecture d’album
Afin de vous aider à nouer ou renouer le dialogue, la lecture d’albums peut permettre d’aborder des sujets délicats de manière moins frontale. Par exemple, Tyranno le terrible (Hans Wilhelm, l’école des loisirs) aborde la question du harcèlement avec justesse et montre les réactions de la victime, mais aussi de ses amis. Ce livre fait appel à la fonction symbolique pour dénouer des enjeux de taille pour le jeune enfant.
Il existe d’autres ouvrages qui traitent de ce sujet et qui peuvent se trouver facilement en bibliothèque ou en librairie :
- Un renard dans mon école (Lola et Olivier Dupin, Ronan Badel, Gautier Languereau). À partir de 3 ans ;
- Un monde de cochons (Mario Ramos, l’école des loisirs). À partir de 6 ans,
- Comme un million de papillons noirs (Laura Nsafou, Barbara Brun, Cambourakis). À partir de 3 ans.
- On trouve aussi aux éditions Milan, en association avec e-Enfance, un livre documentaire sous forme de BD très bien fait pour initier le dialogue avec les enfants : C’est quoi, le harcèlement ?(Nathalie Michel, ill. Camille Pichon et Jacques Azam). À partir de 8 ans.
Collaborer activement avec l’école pour lutter contre le harcèlement
En cas de harcèlement ou si vous avez le moindre doute concernant votre enfant, contactez immédiatement les enseignants et la direction. Il est de leur responsabilité de veiller à la sécurité des enfants. Bien qu’ils soient vigilants et sensibilisés au harcèlement scolaire, ils ne détectent pas toujours les situations critiques. D’autant plus que les harceleurs se débrouillent souvent pour agir en cachette, littéralement dans le dos des adultes. N’attendez pas que le problème s’envenime et surtout conservez toutes les preuves que vous pouvez collecter (captures d’écran, lettres de menace, certificats médicaux en cas de blessure etc. ).
En vous rapprochant au plus vite de l’établissement scolaire, vous optimisez l’efficacité de la prise en charge. Vous fédérez les intervenants éducatifs et augmentez le niveau de vigilance des équipes. Ensemble, vous travaillez à identifier des solutions adaptées à l’âge et aux capacités cognitives des élèves. Cela peut prendre la forme de :
- groupes de parole au sein de l’école (sur le temps de classe ou dans le cadre périscolaire) ;
- médiations : intervention du psychologue scolaire ou d’une association ;
- campagne de sensibilisation : relai des actions ministérielles et associatives ou initiatives académiques. De même, le projet d’école peut y être consacré ou inclure un volet dans le cadre du vivre ensemble et de l’éducation morale et civique (EMC).
Au moindre problème de harcèlement, pensez également à prévenir l’association des parents d’élèves. Elle pourra vérifier la mise en place d’actions concrètes, notamment une surveillance accrue dans les lieux à risque (cours, cantine, sanitaires).
Proposer des solutions pour faire face et renforcer la résilience
Désamorcer le harcèlement par la répartie
De nombreuses associations de lutte contre le harcèlement sensibilisent les parents à l’apprentissage de la répartie. D’une part, elles rappellent que prendre la défense de son enfant directement face aux fauteurs de trouble peut inhiber sa capacité de résilience. D’autre part, elles soulignent l’importance de la thérapie comportementale ou du jeu de rôle pour améliorer ses facultés de défense verbale. Bien sûr il est naturel et souhaitable de protéger son enfant, mais parler en son nom résout rarement une situation de harcèlement. En revanche, une présence en nombre de ses camarades s’avère utile dans des situations conflictuelles. Donc plutôt que de se substituer à son enfant, il est préférable de lui montrer comment socialiser avec ses pairs et l’entraîner à employer l’humour, le tacle verbal même, pour contrer ses attaquants.
En la matière, la méthode développée par Emmanuelle Piquet, psychopraticienne, pour lutter contre le harcèlement scolaire a fait ses preuves. Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter l’ouvrage Manuel de survie face aux harceleurs et autres brutes de la cour d’école (Les arènes éditions, 2024) qu’elle a écrit avec Jean-François Marmion et Camille Blandin.
Développer sa résilience pour faire face au harcèlement
De fait, il est fondamental que l’enfant développe ses propres ressources pour faire face à l’adversité. La résilience – résistance psychologique aux épreuves de la vie – se forge en affrontant les difficultés. Bien sûr toujours avec le soutien émotionnel des parents. La résilience se développe concomitamment à l’acquisition de l’autonomie et constitue un impératif éducatif. Le but d’un parent n’est-il pas que son enfant parvienne à l’âge adulte à une complète autonomie affective, financière etc. ? Et ce, pour lui éviter un sentiment de dépendance dommageable pour ses projets de vie ?
Évidemment le chemin est long et les parents sont là pour garantir une sécurité affective et matérielle à leurs enfants, aussi longtemps que nécessaire pour se construire sereinement. Mais il faut savoir aussi laisser des responsabilités à son enfant. En réalisant des tâches par lui-même, il se sent fort, maître de son existence et volontaire pour aller de l’avant. La meilleure aide qu’un parent puisse donner à son enfant c’est de contribuer à sa confiance et son estime de soi, dans le respect des autres.
Éduquer tous les enfants au respect mutuel
Cette dernière remarque rappelle aussi que les harceleurs sont également des enfants qu’il faut éduquer. Commencer par inculquer à ses enfants le respect de soi ET des autres sert aussi de moyen préventif contre le harcèlement. On parle souvent du soutien aux victimes, à juste titre, mais il faut aussi se pencher sur les erreurs qui ont conduit certains enfants à se comporter de manière cruelle envers d’autres. Les parents ont aussi une responsabilité dans ces comportements. Il convient donc de faire sa propre auto-critique et de surveiller l’attitude de ses enfants envers les autres.
Faire appel à un psychologue ou une association spécialisée
Si malgré tout, la situation demeure préoccupante pour la victime, il est nécessaire de mettre en place un accompagnement approfondi. N’hésitez pas à faire appel à un psychologue ou à des associations spécialisées. Ces professionnels peuvent guider l’enfant, l’aider à surmonter ses blessures émotionnelles et fournir des outils pour gérer la situation.
Que retenir du harcèlement scolaire ?
Le harcèlement scolaire, qu’il soit au sein de l’école ou en ligne, recouvre des comportements déviants et discriminants envers des enfants perçus comme plus faibles ou différents. On peut agir préventivement auprès de nos enfants en les sensibilisant aux conséquences terribles sur la santé physique et mentale des victimes, mais aussi en les incitant au respect de soi et des autres.
Le harcèlement scolaire est une problématique complexe qui engage la responsabilité de tous : victimes, témoins, parents, enseignants et établissements scolaires. Si la victime doit être écoutée et soutenue pour retrouver confiance en elle, il est tout aussi crucial d’agir sur le collectif, en mobilisant témoins et camarades pour briser la dynamique d’isolement imposée par le harceleur. Les initiatives comme les jeux coopératifs et les groupes de parole permettent de renforcer l’empathie, la solidarité et la communication entre élèves. De même, les thérapies comportementales fournissent des outils opérationnels pour apprendre à se défendre (attitude corporelle, réponses verbales adaptées…).
Par ailleurs, la lutte contre le harcèlement ne peut se limiter à l’école. À la maison, l’éducation aux bonnes pratiques numériques est essentielle pour prévenir le cyberharcèlement, protéger les données personnelles et réagir efficacement face aux abus.
Si vous voulez partager vos ressources sur la question du harcèlement et en faire profiter la communauté de parents, rendez-vous sur FB et Instagram. Une de nos lectrices nous a déjà recommandé un guide sur le cyber-harcèlement. Un grand merci à Mia !