Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
La phobie scolaire est un phénomène peu documenté. En effet, elle compte parmi les causes d’absentéisme sans qu’une statistique précise puisse lui être attribuée. Selon l’INSERM, « le « refus scolaire anxieux » (RSA), selon le terme consensuel, concernerait entre 1 et 2 % des élèves, de la maternelle au lycée, dans de nombreux pays. » Que recouvre le terme de phobie scolaire chez les enfants de 3 à 6 enfants ? Comment dépister l’anxiété scolaire de son enfant et surtout comment l’aider à la surmonter ?
Qu’est-ce que la phobie scolaire chez les jeunes enfants ?
Le site du ministère de l’éducation nationale donne pour définition des élèves absentéistes « les élèves absents de façon non justifiée quatre demi-journée ou plus par mois. » La proportion d’élèves absents s’élève en moyenne à 7 % par mois. Elle fluctue dans le courant de l’année : faible en septembre (3%) et élevée en mars (12%). Les causes englobent aussi bien les absences pour départ anticipé en vacances, refus scolaire anxieux ou éviction disciplinaire. Difficile par conséquent d’évaluer la prévalence de la phobie scolaire en maternelle.
Phobie scolaire ou angoisse de séparation ?
Cris et pleurs, enfants accrochés aux jambes et aux bras de leurs parents… Les premiers jours, voire semaines, sont un passage parfois difficile pour les enfants qui rentrent en Petite Section. Pour autant, on considère comme tout à fait normale l’angoisse de séparation vécue par les tout-petits.
Face à l’inconnu que représente l’école, les enfants de 2 à 3 ans ressentent une crainte légitime. Ils ont tout à découvrir : les locaux, les horaires, le personnel éducatif, les apprentissages. De plus, l’école maternelle a des exigences que la crèche ou une nounou n’ont pas avec les bébés. Ainsi, la maîtresse ou le maître réclament le calme, le silence, une certaine tenue et une participation plus soutenue aux activités.
À chaque nouvelle rentrée, les directeurs et enseignants organisent un accueil spécifique des nouveaux élèves. Accueil échelonné, journées écourtées, repas pris à la maison, ces aménagements facilitent l’adaptation des enfants à l’école maternelle. Le temps d’accoutumance varie d’un enfant à l’autre. Mais on considère qu’au moment des premières vacances à l’automne, la situation doit s’être nettement améliorée. Donc pendant les deux premiers mois, les parents et les enseignants font tout leur possible pour rassurer les enfants. Ils les conduisent progressivement à mieux accepter la séparation du matin, moment crucial pour bien démarrer la journée.
Comment reconnaitre la phobie scolaire ?
Petit à petit, les bénéfices de la collectivité prennent le pas sur le confort du cocon réservé aux bébés. Les enfants développent leurs compétences sociales à travers le jeu, dans la cour et en classe. Ils découvrent de nouvelles activités et centres d’intérêt, développent leur curiosité en même temps que leurs capacités psycho-motrices et cognitives. Lors de cette phase d’enthousiasme et de naissance de grandes amitiés, certains enfants paraissent cependant en retrait et moins investis dans les relations entre pairs.
Même si les crises des enfants lors de la séparation du matin peuvent être éprouvantes – y compris pour les parents – elles sont généralement passagères. Bien souvent en discutant avec l’enseignant, on apprend que notre loulou a cessé immédiatement de pleurer après notre départ. Parfois, l’enseignant conseille même aux parents de quitter plus rapidement l’école pour écourter la phase de pleurs. Certains enfants en font leur rituel d’au revoir, sans pour autant souffrir de l’absence de leurs parents le reste de la journée.
Toutefois, dans certains cas, les enseignants signalent un enfant craintif, effacé, ne se mêlant pas au groupe. Quand des signes physiques récurrents y sont associés, comme des maux de ventre, des vomissements, des démangeaisons etc., cela doit alerter les adultes. Parfois l’enfant verbalise une peur de l’école, sans que celle-ci préfigure forcément une phobie scolaire. Le fait de pouvoir mettre des mots sur ses angoisses est souvent un excellent signe de résilience. La parole permet de résoudre des conflits internes et d’apaiser des craintes, souvent non justifiées.
Toutefois, lorsque dès le réveil ou le soir au coucher, l’angoisse vient perturber les repas et le sommeil, elle devient problématique. Plus la peur de l’école envahit le quotidien de l’enfant et plus les signes physiques sont forts, plus il devient nécessaire d’agir pour le bien-être de l’enfant.
Les causes de la phobie scolaire chez les enfants de 3 à 6 ans
On pourrait aisément penser qu’entre 3 et 6 ans, la phobie scolaire n’existe pas encore. Pourtant, certains mécanismes se mettent déjà en place et influencent la perception de l’école et du collectif par l’enfant.
Quelles circonstances conduisent à avoir peur de l’école ?
Chez les enfants du primaire et du secondaire, les causes principales de refus scolaire anxieux découlent de deux causes majeures. La première est liée au stress scolaire, la seconde à des troubles relationnels.
À l’école primaire, dès le CP, l’enfant peut ressentir une pression à la réussite. Il a peur de l’échec et de décevoir ses parents et pense qu’il n’arrivera jamais à briller scolairement. Plus il avance dans les niveaux, plus il souffre de résultats inférieurs à ses ambitions. Des mauvaises notes et appréciations négatives renforcent encore son sentiment de faiblesse. En outre, celles-ci altèrent la confiance en soi, pourtant essentielle à la réussite dans les apprentissages.
Par ailleurs, même lorsque l’enfant est bon élève, il peut avoir peur de ne plus être à la hauteur des attentes de ses professeurs et de ses parents. Le droit à l’erreur n’est malheureusement que peu admis à l’école comme dans les familles. Cela crée bien trop souvent un climat anxiogène propice à la phobie scolaire.
Le refus scolaire anxieux existe-t-il à l’école maternelle ?
En principe, chez les très jeunes enfants, la pression de la réussite n’est pas encore présente. Les enseignants de maternelle ont conscience de l’hétérogénéité des élèves et adaptent leur pédagogie en différenciant les activités. La patience est de mise et on sait qu’un enfant qui n’a pas encore acquis une compétence en PS pourra encore le faire en MS, voire en GS avec un soutien adapté. Le développement de l’enfant suit des étapes mais celles-ci ne surviennent pas au même moment pour tous les élèves. Ceux nés en début d’année ont généralement plus de facilité que ceux nés au dernier trimestre. Mais cette tendance disparait complètement vers 5/6 ans.
Dans cette perspective, la phobie scolaire pour cause d’échec aux apprentissages parait peu probable en maternelle. C’est donc plutôt sur l’aspect relationnel qu’il faut se pencher. La plupart des enfants n’apprécient pas certains aspects de l’école, comme la cantine, la sieste ou les jeux dans la cour. Mais pour une poignée d’entre eux, la peur prend le dessus et peut dégrader la qualité de vie de l’enfant.
Les causes de l’anxiété scolaire chez les enfants de 3 à 6 ans
Plusieurs facteurs participent à l’anxiété scolaire du jeune enfant. On peut retenir en premier lieu le facteur psychologique. Dans ce cas, l’enfant présente une sensibilité accrue et une anxiété de séparation particulièrement marquée. Il peut aussi être doté d’un tempérament calme qui lui fait craindre les turbulences de l’école. Ensuite, les facteurs environnementaux jouent un rôle important sur l’état général de l’enfant. Un enfant qui vit un épisode douloureux, comme un divorce ou un décès, est souvent fragilisé et peut éprouver des difficultés à quitter ses parents pour une journée d’école. De même, un changement de rythme ou de lieu de vie, suite à une naissance ou à un déménagement, peuvent affecter l’humeur de l’enfant et soulever de l’anxiété.
Enfin, les rapports entre l’école et la famille influencent aussi les dispositions de l’enfant à vivre sereinement sa scolarisation. Plus les parents éprouvent de crainte et de méfiance envers l’institution et son personnel et plus l’enfant adopte cette défiance à son tour. Attention donc aux remarques que l’on peut faire sur l’école et les équipes éducatives en présence de l’enfant. Mal comprises, elles peuvent générer de l’angoisse et aggraver le rejet de l’enfant. Par exemple, si vous insistez sur le fait que les menus de la cantine semblent peu appétissants, il y a des chances pour que votre enfant s’abstienne de goûter le moindre plat.
Par ailleurs, parents et éducateurs doivent rester vigilants pour éviter aux jeunes enfants des traumatismes précoces. En effet, des faits de violence ou de moquerie non résolus peuvent avoir un impact durable sur la vie scolaire de l’enfant. Même si les cas de harcèlement sont rares, il ne faut pas négliger la sensibilité des tout-petits. Il convient d’agir au plus vite et avec tact avec toutes les parties prenantes pour éviter que ne s’installe des relations de type victime/bourreau. Les conséquences d’un geste ou d’une parole négatifs doivent être clairement exposées. Et chaque enfant doit pouvoir reprendre sans crainte le chemin de l’école en se sentant grandi et plus responsable de soi et des autres.
Comment repérer la phobie scolaire chez son enfant ?
La phobie scolaire peut emprunter plusieurs langages pour s’exprimer : celui des mots bien sûr mais aussi celui du corps. C’est pourquoi parents et éducateurs doivent observer régulièrement le comportement des enfants pour dépister au plus tôt des difficultés comportementales. Plus la situation est prise en charge tôt, plus elle a de chance de se résoudre rapidement. Si un enfant perd sa vivacité, son enthousiasme, s’il s’isole et refuse de jouer, de communiquer ou de participer aux activités, c’est qu’il est confronté à des problèmes personnels qui méritent votre attention.
En effet, tout changement brutal ou dégradation du comportement sont des signes de mal-être. Il peut s’agir de conflits entre enfants non résolus ou d’une incompréhension des attentes de l’enseignant. De même, l’enfant peut souffrir d’une défaillance de son sentiment de sécurité qui le maintient dans une angoisse chronique. Au-delà des paroles, l’adulte perçoit la tristesse de l’enfant, relève sa perte d’appétit, ses troubles du sommeil, ses fréquents troubles digestifs, son isolement, sa colère etc.
Si le dialogue avec l’enfant n’améliore pas rapidement sa qualité de vie, une consultation chez un professionnel, psychologue ou pédopsychiatre, est recommandée. Guérir de la phobie scolaire peut prendre plusieurs années chez des enfants plus grands. C’est pourquoi il est fondamental de ne pas négliger les signes précoces de sa manifestation et d’y apporter un remède immédiat.
Stratégies pour gérer la phobie scolaire chez les jeunes enfants
Quels que soient les symptômes de la phobie scolaire, l’adulte a tout intérêt à initier et maintenir un dialogue constant avec l’enfant. À l’aide de mots simples et en désamorçant les quiproquos et malentendus, il aide l’enfant à prendre confiance en lui et à se sentir mieux. Par ailleurs, des stratégies existent pour favoriser l’épanouissement de l’enfant à l’école. Les parents et les enseignants ont un rôle important à jouer dans la gestion de la phobie scolaire.
Trucs et astuces de profs pour instaurer un climat scolaire chaleureux
L’instauration de rituels au moment de l’accueil du matin, des récréations, des repas, de la sieste et des autres activités contribuent à instaurer un environnement stable et donc rassurant.
Ainsi, les enseignants de maternelle parviennent à capter l’attention des plus jeunes par des comptines et chansons. Celles-ci éloignent le chagrin grâce au rythme et à la mélodie apaisants de la musique. Elles aident aussi à se concentrer et dévient les pensées négatives vers l’ouverture d’esprit et la curiosité naturelle des enfants. Au bout de quelques jours, l’enfant possède déjà les repères qui constitueront son cadre de vie pendant toute l’année scolaire.
Après deux mois de familiarisation, l’enfant pourra développer des stratégies d’adaptation au sein de ce cadre. Il sera alors capable d’intégrer des nouveautés et des changements raisonnables lorsqu’il a acquis la certitude d’un cadre pérenne. La décoration de la classe peut évoluer, un stagiaire peut être accueilli avec bienveillance, un nouvel animateur apporte son lot de surprises amusantes etc. Vers le milieu de l’année, l’enseignant pourra envisager des sorties scolaires de courtes distances. De fait, il s’appuiera justement sur le cadre qu’il a établi avec son groupe classe pour que le déplacement soit une fête et non une épreuve.
Comment aider son enfant à surmonter sa phobie scolaire ?
En tant que parents, nous nous sentons souvent démunis face à la phobie scolaire. Elle distille diverses inquiétudes liées à la réussite scolaire, la santé mentale et le bien-être de son enfant. On peut avoir l’impression qu’il démarre « mal » sa scolarité et que tout est fichu d’avance… Or, cette pensée négative peut avoir des répercussions graves sur l’avenir de l’enfant en créant un biais cognitif. Face à la réaction angoissée de ses parents, l’enfant entretient l’idée qu’il est faible et une source de problèmes. Attention donc à ne pas véhiculer inconsciemment des projections qui vouent l’enfant à l’échec.
Un soutien parental indispensable
Au contraire, les parents sont les piliers du développement de l’enfant. Ce sont eux, avec d’autres éducateurs (enseignants, grands-parents…), qui étayent la construction de soi. Cela passe par la création d’un environnement rassurant, d’une écoute active et d’un soutien émotionnel constant. L’enfant doit se sentir compris, sans que ses problèmes soient minimisés du fait de son âge. Janusz Korczak disait que « l’enfant mérite que l’on respecte ses peines, même si leur cause n’est que la perte d’un caillou. »(Quand je redeviendrai petit, 1925).
Faire découvrir l’école avant la rentrée scolaire
En aidant l’enfant à prendre du recul sur sa situation, mais aussi à se projeter en tant qu’élève, les éducateurs favorisent son adaptation au monde scolaire. Il existe plusieurs façons pour y parvenir. Tout d’abord, on peut préparer en amont la rentrée scolaire. D’une part, il y a la traditionnelle visite de l’établissement au mois de juin, accompagnée de lectures thématiques sur l’école (documentaires et fictions). D’autre part, les jeux d’imagination, d’imitation, ou encore jeux de rôle aident l’enfant à anticiper des situations standards. On pourra jouer avec eux aux élèves et à la maitresse, « comme » dans Petit Ours Brun. Ce sera l’occasion d’explorer en imagination des lieux comme la salle de classe, le préau, la cantine, le dortoir…
Aménager l’emploi du temps des premières semaines d’école
Ensuite, en concertation avec l’école, il peut être décidé un aménagement de l’emploi du temps. En mettant en place une transition progressive, on laisse le temps à l’enfant d’assimiler, de digérer les nouveautés qui l’assaillent lors de sa rentrée en PS. L’enfant viendra d’abord deux matinées la première semaine, puis quatre la semaine suivante, puis progressivement les après-midi, sans sieste puis avec sieste. Cette phase d’adaptation tient compte des capacités émotionnelles du tout-petit, surtout lorsqu’il n’a jamais fréquenté la crèche ou la garderie.
Organiser des temps de relaxation et de méditation
Enfin, les parents peuvent aider leurs enfants à se détendre grâce à des séances de relaxation et de yoga. De même, la méditation peut être un excellent moyen pour éloigner les pensées négatives. Pensez aussi à proposer à votre enfant des activités variées (sport, loisirs, culture…) pour enrichir son répertoire d’expériences et l’initier au changement et à la découverte de nouveaux environnements. À vous de doser l’équilibre entre un cadre rassurant et stable à la maison et une ouverture vers le monde extérieur.
Encourager l’autonomie de l’enfant pour favoriser son adaptation scolaire
Pour terminer, préparer son enfant à s’adapter à l’environnement scolaire passe inévitablement vers le développement de son autonomie. N’attendez pas qu’il rentre à l’école pour l’inciter à mettre ses chaussures à scratch tout seul. De même, expliquez à votre enfant qu’il est assez grand pour manger avec une fourchette ou une cuillère. Et félicitez-le dès qu’il prend des initiatives ! Peut-être que l’école agira comme un moteur pour développer son autonomie, mais même s’il n’est pas encore prêt à faire tout tout seul, chaque petit geste compte.
En l’encourageant à devenir plus autonome, vous l’aidez à mieux comprendre quelle est sa place à l’école et ce qu’on attend de lui. Les animateurs ont l’habitude des tout-petits et savent intervenir pour aider les plus jeunes ou les plus timides. Pas d’inquiétude donc, tous les enfants arriveront à se débrouiller dans le cadre qui leur aura été indiqué. Vous pouvez d’ailleurs leur faciliter la tâche en les habillant avec des vêtements et des souliers faciles à enlever et à remettre. Privilégiez les fermetures éclair, les boutons pression, les scratch…
Lorsqu’un enfant entre 3 et 6 ans présente des symptômes de stress et d’anxiété relatifs à l’école, il faut intervenir au plus tôt pour l’aider. En l’écoutant d’abord et en lui montrant qu’on comprend ses inquiétudes, puis en mettant en place des moyens d’amélioration. Cela passe par un aménagement des horaires, par des stratégies d’adaptation progressive et par un dialogue constant avec l’équipe éducative. En cas de doute ou de situation qui perdure et affecte le quotidien et le bien-être de l’enfant, il vaut mieux prendre un conseil médical. Des astuces préventives, comme le jeu de rôle et la méditation, mais aussi l’encouragement à l’autonomie, permettent de préparer l’enfant à son entrée à l’école maternelle.
Et chez vous, comme ça se passe ? Avez-vous déjà été confronté à la phobie scolaire ? Quelles astuces et stratégies avez-vous mis en place pour aider votre enfant ? Rendez-vous sur nos réseaux sociaux FB et Instagram pour partager votre expérience !