Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
Vous vous souvenez de la petite fille capricieuse et gâtée par ses parents dans Charlie et la chocolaterie ? On a tous oublié qu’elle s’appelait Veruca Salt, en revanche on se souvient très bien des ravages éducatifs de ses parents. En réponse à la relation d’hyper matérialité qu’entretiennent Veruca et ses parents, l’éducation reçue par Charlie Bucket brille par sa bienveillance et son équilibre émotionnel. La tablette de chocolat Wonka constitue un bon exemple de cadeau émotionnel, mais sans recouvrir la même valeur pour tous. Transmission et lien familial fort chez les Bucket, piège du laxisme et de la permissivité chez les autres… Le cadeau émotionnel est un moyen de nouer une relation forte avec ses enfants… Mais il peut aussi comporter des travers.
En quoi consiste un cadeau émotionnel ? Quels sont ses avantages et inconvénients et comment trouver le bon équilibre éducatif ? Voyons ensemble comment trouver le vrai ticket d’or gagnant !
Qu’est-ce qu’un cadeau émotionnel ?
Le concept de « cadeau émotionnel » a été développé par l’auteur espagnol Andrés Paris, expert en coaching éducatif et intelligence émotionnelle. Selon lui, les cadeaux reçus lors des occasions calendaires – anniversaire et fêtes traditionnelles – ne sont pas les seuls à procurer de la joie et du bonheur aux enfants. Il propose d’utiliser une gratification, de préférence immatérielle, pour féliciter et encourager les enfants dans leur développement et leurs apprentissages.
Les différentes formes de cadeaux émotionnels
Il n’y a pas de définition unique du cadeau émotionnel. Mais par essence, il s’agit d’un présent qui procure un plaisir émotionnel et qui renforce la confiance en soi.
Pour féliciter et encourager leurs enfants, les parents leur offrent :
- un simple sourire pour lui montrer qu’ils l’ont vu escalader tout seul la toile d’araignée au parc.
- un geste de félicitation pour saluer ses performances. Par exemple, il s’agira d’applaudir quand l’enfant a réussi à réciter sa poésie intégralement sans faute.
- un compliment verbal pour souligner un essai, une réussite.
- un câlin pour réconforter après une infortune, une contrariété, un bobo… Le câlin est un moyen de reconnecter l’enfant avec lui-même, surtout après une grosse colère. Le parent manifeste sa compréhension et son soutien en prenant son enfant dans ses bras. Le câlin répond au besoin instinctif de se protéger, de trouver un refuge en cas de peur, de stress, de honte…
- du temps de jeu : les enfants apprécient que leurs parents rentrent dans leur monde. Ils rêvent de les voir interpréter la famille labrador des ©Sylvian’s, construire un bateau pirate en ©Lego, reproduire la Tour Eiffel en ©Kapla ou encore faire une partie de Mario Kart sur ©Nintendo switch. Ils se sentent valorisés dans leurs domaines de prédilection et heureux d’y embarquer leurs parents.
- du temps d’activités ludiques et/ou domestiques. Une partie de foot dans le jardin, un spectacle de Guignol le dimanche après-midi. Ou encore le rempotage, l’épluchage des légumes ou toute autre tâche ménagère. Tout ce temps passé en famille est une fête pour les enfants. En effet, ils aiment participer, montrer qu’ils sont capables et être considérés comme des grands.
Que recouvre la notion de cadeau ?
De fait, l’acception du cadeau émotionnel est assez large. Elle comprend des gestes et attitudes du quotidien qui soutiennent une éducation bienveillante. La notion de « cadeau » ajoute une dimension de « récompense » pour un bon comportement ou un accomplissement. Mais elle peut aussi concerner un geste d’apaisement ou de réconfort de l’enfant. En outre, cette pratique sert à encourager des comportements positifs et aide l’enfant à surmonter des moments difficiles. Le « cadeau émotionnel » correspond aux principes éducatifs prônés dans la parentalité positive, relayée en France par Isabelle Filliozat. Celle-ci fait appel aux qualités d’écoute, d’attention et d’empathie du parent envers son enfant.
Par ailleurs, la transmission intergénérationnelle grands-parents/enfants apporte également un « cadeau émotionnel » aux plus jeunes. Ils reçoivent littéralement de leurs aînés de précieuses anecdotes et astuces pour se construire et devenir des adultes équilibrés.
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Passer du temps avec son papy et sa mamie ouvrent des perspectives nouvelles qui élargissent la compréhension du monde. Bien souvent les grands-parents aiment à choyer leurs petits-enfants. Ainsi, ils leur consacrent du temps pour se promener, faire un gâteau, jouer aux poupées et ©Playmobil ayant appartenus aux parents. De cette manière, ils renforcent le sentiment de sécurité familiale.
Les avantages du cadeau émotionnel
Le cadeau émotionnel est souvent compris comme une technique de gestion des émotions de l’enfant. L’objectif est de conduire celui-ci à réguler ses émotions et à s’épanouir dans le groupe en acquérant des compétences psycho-affectives.
Apprendre aux enfants à gérer leurs émotions
Un des avantages du cadeau émotionnel est de favoriser la régulation des émotions.
Qu’est-ce que l’emotion coaching ?
L’emotion coaching est une technique qui consiste à aider les enfants à identifier, comprendre et gérer leurs émotions. Lorsqu’un cadeau émotionnel est utilisé de manière stratégique et réfléchie, il peut renforcer cette approche. Par exemple, en offrant un présent à un enfant qui a réussi à gérer sa colère ou sa frustration, on salue ses efforts pour réguler ses émotions. Ainsi, cela encourage l’enfant à continuer à développer des compétences émotionnelles saines.
Le cadeau émotionnel facilite la résilience
La résilience émotionnelle est la capacité à rebondir après des expériences émotionnelles difficiles. Elle a été popularisée par le psychiatre Boris Cyrulnik (Le Murmure des fantômes, 2003). On sait que la sécurité affective est un bon précurseur des facultés de résilience. Dans ce contexte, on peut penser que les cadeaux émotionnels aident à renforcer la capacité de résilience de l’enfant.
Par exemple, après une journée particulièrement stressante ou un événement décevant, un geste affectueux ou un petit cadeau peuvent apporter du réconfort et aider l’enfant à se sentir valorisé et soutenu. Cela montre également qu’à des moments difficiles succèdent de plus joyeux.
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Le cadeau émotionnel sert à relativiser les épreuves de la vie en réintroduisant un équilibre entre bonne et mauvaise expérience. Il éloigne les pensées négatives et invite à considérer les difficultés sous l’angle de leur résolution et non de leur seule expression. En somme il s’agit de rebondir plutôt que de ressasser.
Pratiquer le renforcement positif pour éduquer les enfants
Par ailleurs, les cadeaux émotionnels peuvent également servir de renforcement positif pour encourager des comportements souhaitables. Par exemple, féliciter un enfant pour son attitude envers les autres ou encore sa persévérance à l’école l’incite à reproduire ces comportements. En reconnaissant et en récompensant les comportements positifs, les parents aident leurs enfants à développer des habitudes et des attitudes constructives. Ils en auront besoin tout le long de leur vie pour partager le quotidien de leurs proches et pour évoluer professionnellement.
L’impact des cadeaux émotionnels sur le développement de l’enfant
Afin d’accompagner au mieux les enfants dans leur développement, les parents recourent au cadeau émotionnel pour renforcer leurs compétences psycho-affectives. Quel impact le cadeau émotionnel a-t-il sur l’autonomie et la confiance en soi des enfants ?
Développement de l’estime de soi
Les cadeaux émotionnels peuvent avoir un impact positif sur l’estime de soi des enfants. En reconnaissant et en récompensant les efforts et les comportements positifs, les parents les mettent en valeur. L’enfant se sent apprécié et gagne en confiance, ce qui améliore sa motivation, clé de voûte de la réussite. L’estime de soi se construit grâce aux feedback de l’entourage. Le psychologue Albert Bandura a montré comment le soutien des proches et des enseignants était fondamental pour restaurer l’estime de soi suite à un échec. En envisageant les voies d’amélioration, l’enfant restaure son sentiment d’efficacité personnelle et renoue avec la réussite. L’estime de soi est un ciment indispensable à la résilience de l’enfant.
Apprentissage de la gratification différée
Par ailleurs, il convient de réserver les cadeaux, émotionnels ou matériels, à la gratification d’actions et de comportements à forte valeur ajoutée, ceci afin de ne pas créer une dépendance à la récompense. L’objectif, ambitieux mais réaliste, est fixé à l’avance et conquis étape par étape.
Le cadeau doit être proportionnel à l’effort fourni. Par exemple, dans l’acquisition de la propreté, l’enfant a droit de coller une gommette dans le tableau du jour pour chaque pipi fait aux toilettes. Ce n’est qu’au bout d’une semaine où il aura réussi à remplir les cases qu’il aura droit à un « bon pour » (« sortir tous les jouets de bain », « jouer à un jeu de société » etc.).
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La gratification différée véhicule des valeurs de persévérance, de courage et de patience. Elle montre à l’enfant qu’il est souvent nécessaire de produire des efforts pour arriver à ses fins. Elle enseigne aussi à dépasser la frustration et à se mettre en mouvement, à agir pour trouver des solutions et progresser. L’exemple de la performance sportive illustre bien le principe de la gratification différée. Killian Mbappé et Rafael Nadal auraient-ils été de grands champions sans entraînement acharné et sans gestion patiente de l’échec ?
Gestion des émotions et résolution de problèmes
Un des objectifs du cadeau émotionnel peut être d’aider l’enfant à gérer ses émotions. On peut par exemple valoriser l’usage de techniques pour se calmer : respiration, retrait dans la chambre, verbalisation de ses émotions. Ainsi, l’enfant comprend que la gestion des émotions est une compétence à part entière et qu’elle fait partie des outils de résolution de problèmes. Garder son calme, s’exprimer poliment sont des compétences utiles pour vivre en société et se faire respecter. La cadeau émotionnel offert en retour par les parents illustre l’utilité de cette compétence. Cela réclame sans doute un certain degré de maturité. Mais en avançant petit pas par petit pas, l’enfant peut progresser dans la maîtrise de soi.
Les inconvénients potentiels du cadeau émotionnel
Toutefois, le système de récompense peut prêter à discussion, dans la mesure où il fait appel à un mécanisme de conditionnement et qu’il met en question la notion de sincérité et de spontanéité. En effet, si compliments et câlins ne sont pratiqués qu’à des fins de gestion du comportement de l’enfant, qu’en est-il de l’amour parental et du respect de la liberté ? Certains spécialistes de l’enfance alertent sur les travers possibles du « cadeau émotionnel ».
Le danger d’une dépendance excessive aux cadeaux émotionnels
L’un des principaux risques associés aux cadeaux émotionnels est le développement d’une dépendance. Si les enfants en viennent à s’attendre à recevoir des récompenses matérielles ou des gestes affectifs chaque fois qu’ils ressentent une émotion intense ou qu’ils accomplissent quelque chose de positif, ils peuvent devenir dépendants de ces récompenses pour se sentir bien. Cela peut les empêcher de développer une véritable résilience émotionnelle et une capacité à gérer leurs émotions de manière autonome.
Éviter le double piège du laxisme et de l’autoritarisme
Tout comme Caroline Goldman (Établir les limites éducatives, 2022) évoque le désarroi des parents parvenus aux limites de l’éducation positive, le cadeau émotionnel a lui aussi ses limites. Alors que la psychologue prône un retour de l’autorité parentale par le biais du « time out », autrement dit la mise au coin, la gratification systématique semble, à l’opposé, virer vers la permissivité. Féliciter l’enfant pour la moindre de ses actions laisse entendre que la récompense s’obtient facilement. Ce n’est certainement pas un principe de vie réaliste. Si les barrières ont intérêt à être perçues comme surmontables, elles ne doivent pas être pour autant aisées à dépasser. Pour éprouver de la satisfaction et du mérite, encore faut-il qu’il y ait eu un défi à relever.
Par ailleurs, certains parents peuvent avoir tendance à recourir au cadeau pour éviter le conflit ou apaiser immédiatement les frustrations de leurs enfants. Or ce sont des épreuves indispensables à la construction de soi et à l’acquisition de l’autonomie.
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Si le cadeau constitue un moyen pour les parents d’éviter la confrontation à la règle et aux limites, celui-ci perd sa valeur d’origine et produit un effet contraire au but initial. Par exemple, au moment de la séparation du matin, si les parents s’attardent en au revoir, les enfants ont tendance à leur réclamer toujours davantage. Bien sûr, il ne s’agit pas de tourner les talons sans rien dire mais de fixer une limite de temps, de câlins ou d’histoires avant que chacun entame sa journée sereinement.
Biais de comportement induits par le cadeau émotionnel
En outre, le mécanisme qui associe franchissement de limite et réponse par un cadeau peut rapidement conduire à un chantage affectif, les enfants réclamant toujours davantage de gratifications de leurs parents. C’est la situation exploitée dans Charlie et la chocolaterie avec le personnage de Veruca, ainsi que dans Harry Potter avec le cousin Dudley. En poussant leurs parents à bout, en jouant sur la corde sensible de leurs sentiments, ils essaient d’obtenir des récompenses sans effort ni mérite. À terme, ce procédé nuit à l’apprentissage des compétences psycho-sociales et à celui de la responsabilité. De plus, le climat familial s’en trouve dégradé et une tension perpétuelle alourdit la communication parents/enfants et présage de difficultés relationnelles au moment de l’adolescence.
De fait, un « non » ferme et fondé sur une règle adaptée à l’âge de l’enfant, cohérente et juste, est nécessaire pour donner un cadre rassurant. En outre, les déceptions font partie des aléas de la vie et s’affrontent sans nécessairement obtenir une compensation, autre que sa propre satisfaction personnelle. Être fier de soi constitue la gratification suprême ! Pour leur bien-être présent et futur, il est essentiel que les enfants apprennent à reconnaître et à gérer leurs émotions sans toujours compter sur des récompenses ou des apaisements externes.
Stratégies pour une utilisation équilibrée des cadeaux émotionnels
Il est certain que le développement émotionnel de l’enfant dépend de l’éducation parentale. Même si chaque enfant a sa propre personnalité, l’attitude des parents influence sa perception du monde et de lui-même. Il se construit en positif et/ou en négatif par rapport au modèle parental perçu. De son côté, le parent s’adapte aux particularités de son enfant. Il ui fournit tout le soutien émotionnel nécessaire à son épanouissement. Mais il veille aussi à ne pas créer de dépendance émotionnelle pour permettre l’acquisition de l’autonomie et des règles de vie en société.
Comment équilibrer les besoins émotionnels de l’enfant avec la nécessité de discipline ?
La pratique de la parentalité émotionnelle implique la reconnaissance de l’importance des émotions des enfants. Néanmoins, elle n’évacue pas pour autant les limites et se fonde sur une discipline juste. Les cadeaux émotionnels y trouvent leur place dans la mesure où ils viennent saluer des progrès et des efforts. Lorsque l’enfant revient avec un 10/10 à ses tables de multiplication, le cadeau vient clore une étape. L’enfant peut désormais accéder à d’autres compétences mathématiques comme la multiplication posée.
Le cadeau n’est pas une fin en soi mais un rituel qui ménage une transition vers de nouveaux défis. C’est pourquoi, pour être efficace sans créer de dépendance excessive, le cadeau émotionnel ne doit pas devenir une habitude. Il doit être réservé aux événements importants pour l’enfant.
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Parallèlement, il est primordial d’établir des limites claires qu’on aura explicitées et contextualisées avec les enfants. En effet, lorsqu’ils comprennent et acceptent les règles, ils sont plus susceptibles de les respecter et de s’auto-réguler. Ainsi, les cadeaux ne sauraient remplacer l’exercice de l’autorité parentale et éviter une punition si elle est nécessaire. Sans s’énerver ni crier, le parent fait respecter les règles familiales qui préfigurent celles de la société.
Enfin, la parentalité émotionnelle s’intéresse à l’apprentissage de la régulation des émotions. En aidant les enfants à identifier et à comprendre leurs émotions, les parents les guident vers une meilleure gestion de leurs sentiments. Cela passe par le dialogue, la verbalisation des problèmes, mais aussi l’apprentissage de techniques de régulation.
Quelles sont les meilleures pratiques pour enseigner la régulation des émotions aux enfants ?
Il existe différentes techniques pour réguler ses émotions : relaxation, méditation, sophrologie etc. Elles s’appliquent sans problème aux enfants qui s’initient par de courtes de séance, seuls avec un support audio ou en famille. Il existe notamment la technique développée par Eline Snel, Calme et attentif comme une grenouille (Éditions les Arènes, 2010) disponible en 15 séances audio pour les 5-12 ans.
L’organisation de temps calmes à différents moments de la journée ou d’activités de méditation en pleine conscience portent leurs fruits sur le long terme et profitent à toute la famille. Bien plus qu’un cadeau émotionnel employé pour excuser ou ignorer un comportement inadéquat ! En effet, le recours systématique au cadeau risque d’éloigner l’enfant d’un apprentissage fondamental et de créer un conditionnement néfaste à son développement.
Un cadeau émotionnel gagne a être accompagné d’une discussion sur les émotions et leur gestion. Il est important de prendre le temps de parler de ce que ressent l’enfant, de ce qu’il a accompli, et de la manière dont il gère ses émotions. La qualité du dialogue entre les parents et leurs enfants renforce le lien de confiance et d’attachement. Il favorise le sentiment de sécurité, indispensable au développement de l’enfant. Enfin, les parents servent d’exemple et montrent eux-mêmes comment ils contrôlent leurs émotions. Cela peut passer par la respiration profonde, la méditation ou la prise de recul.
Finalement, le cadeau émotionnel est une bonne idée quand il s’inscrit dans une approche éducative incluant le dialogue, le respect des règles et l’apprentissage des techniques de gestion des émotions.
Et chez vous, comment ça se passe ? Quels sont vos outils et astuces pour favoriser le développement émotionnel sain et équilibré de vos enfants ? Rendez-vous sur nos réseaux sociaux FB et Instagram pour partager vos idées !