Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous.
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Donner le goût de lire à son enfant c’est lui ouvrir deux formidables voies d’accès pour grandir et se construire. D’abord celle de la connaissance : le monde de l’écrit est celui de l’information, mais aussi de l’analyse et de la pensée. Ensuite celle de l’imaginaire avec ces infinies possibilités de mondes, d’espaces et de personnages qui sont autant d’expériences humaines. Car la lecture est un extraordinaire laboratoire d’observation qui ouvre des perspectives, suscite des émotions et des réflexions. Et en accédant au stade de lecteur expert, l’enfant développe différents axes d’appréciation littéraire. Il repère les usages linguistiques, la portée esthétique et éthique du texte, ressent des émotions, élargit ses connaissances sur le monde et sur lui-même (cognition)… Alors comment aider son enfant à accéder à toute cette richesse ? Comment lui transmettre le goût de lire afin qu’il accède à la culture de l’écrit ?
Des bébés et des livres : la lecture chez les tout-petits
De nombreuses études montrent que l’initiation à la lecture et au livre a tout intérêt à démarrer dès la petite enfance. La familiarisation avec l’objet livre puis l’intégration de schémas narratifs à travers la lecture de courtes histoires constituent une première étape vers le monde de l’écrit.
L’objet livre pour les bébés : quels critères retenir ?
Les premiers livres pour bébé ont pour vocation à initier l’enfant à l’objet en tant que tel. Robuste, cartonné, en tissu ou en plastique pour le bain, le livre est d’abord un objet. Après une phase d’exploration, le bébé expérimente la tourne des pages, puis le sens de lecture des images. Il aborde les notions spatiales de haut et de bas, de gauche et de droite avec l’aide l’adulte. En pointant les éléments de l’image et en les commentant, l’adulte donne du sens aux images. Il met des mots sur des formes et montre un sens de lecture, sans brimer l’exploration libre. Petit à petit, de brefs schémas narratifs se mettent en place. La notion de début et de fin s’installent avec un effet d’attente qui entretient le plaisir de l’enfant.
Les premiers livres pour enfant stimulent différents sens, principalement la vue bien sûr mais aussi le toucher et l’ouïe. Les bébés perçoivent préférentiellement les contrastes de couleurs aux formes simples. C’est pourquoi les livres en noir et blanc d’abord, puis aux couleurs vives attirent plus facilement leur attention. Ensuite, les livres à toucher constituent de véritables lieux d’exploration sensorielle : surfaces rugueuses, gondolées, duveteuses, soyeuses etc.
Enfin les livres sonores remportent également un vif succès auprès des tout-petits. Ils ont l’avantage d’associer un son à une image et de travailler la coordination manuelle. Du point de vue de la lecture, ce type de livre initie à une certaine forme de narration, principalement illustrative comme l’abécédaire. Et dès 1 an, on trouve des livres qui reprennent des contes et opéras classiques et qui s’achèvent sur une conclusion. L’effet de clôture associé à la fermeture physique du livre prépare l’enfant à des textes plus longs et impulse le goût de lire.
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Très tôt se mêlent des récits imaginaires souvent inspirés des contes classiques et des récits du quotidien portés par des héros. On y retrouve de nombreux personnages anthropomorphes avec lesquels l’enfant pourra s’autoriser à vivre de multiples aventures imaginaires : Petit Ours Brun (Danièle Bour), T’choupi (Thierry Courtin), Miffy (Dick Bruna)… Puis plus tard, Simon le lapin (Stéphanie Blake), Le Loup (Orianne Lallemand), Babar (Jean de Brunhoff), Mimi la souris (Lucy Cousins),…
Les albums jeunesse : choisir des livres variés et riches d’expériences pour donner le goût de lire
La variété des albums jeunesse donne aux enfants et aux parents qui en accompagnent la lecture différents niveaux d’expérience. Il y a l’intrigue et ses personnages bien sûr, mais il y a aussi une relation texte/image souvent inattendue, originale qui en font un moment de réflexion. Qu’est-ce que les auteurs disent, montrent ou suggèrent ? L’écrivain et l’illustrateur jouent souvent sur l’alternance explicite/implicite et soulèvent, volontairement ou non, différents niveaux de lecture et d’interprétation. Au travers de cette richesse et de cette complexité, l’enfant vit mentalement, émotionnellement des événements qui ont tout l’aspect du réel. Tout repose sur le contrat fictionnel, de même que le théâtre convoque la catharsis pour faire vivre au public les émotions des personnages. Et c’est souvent ce qui génère le goût de lire chez les plus jeunes.
Difficile de définir la palette des sentiments éprouvés à la lecture, s’en en avoir soi-même vécu les délices. Et bien souvent, l’enfant s’appuie sur la lecture orale pour collecter des informations sur l’acte de lire. Lors de la lecture à voix haute par l’adulte, qualifiée aussi de lecture offerte à l’école, l’enfant décèle des indices qui révèlent à la fois le plaisir des mots dits, pour s’amuser, pour se faire peur, mais aussi le sens du texte. Quand l’adulte lit, il partage en même temps son interprétation personnelle et ouvre des pistes. En outre, pendant la durée de la lecture, le regard de l’enfant vagabonde dans l’univers pictural et fait dialoguer texte et image pour créer du sens. Les albums les plus réjouissants sont souvent ceux dont les images complètent les « vides » du texte, voire adoptent un point de vue différent et même contradictoire.
L’adulte n’intervient donc pas systématiquement dans le rapport de l’enfant à l’image. Même s’il peut bien sûr faciliter la prise d’indices, relever une incongruité, un élément intéressant pour l’interprétation de l’histoire. L’album pour enfant, appelé aussi iconotexte, est une porte d’entrée incontournable vers la littérature. Il explore dans un même élan la créativité textuelle, avec ses nombreux jeux de langue, et visuelle avec toute la richesse des arts graphiques (peinture, encre, collage, pliage, découpe, typographie…).
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Comment aider mon enfant à développer le goût de lire dès son plus jeune âge ?
Tous les livres donnent le goût de lire !
Même s’il existe indéniablement de meilleurs livres que d’autres sur des critères notamment textuels ou graphiques, tous les types de livres sont susceptibles d’intéresser les enfants. Et donc de leur donner l’envie et le plaisir de lire. Il y a les livres documentaires (historiques, animaliers, scientifiques…), les romans, les bandes dessinées, les livres d’activités, de jeux, d’énigmes, de cuisine, les atlas, les encyclopédies etc. Tous ont leur attrait et leur intérêt dans le développement et les apprentissages des plus jeunes. C’est Bernard Friot, auteur des célèbres Histoires pressées (Milan), qui relatait avoir croisé lors d’une rencontre scolaire un petit garçon passionné par un catalogue de matériel professionnel. L’écrivain comprenait que cet enfant vivait son admiration pour son père à travers cet objet-livre qui lui permettait d’imaginer le maniement des engins et de s’inventer des histoires.
De fait, Bernard Friot oeuvre beaucoup pour la lecture qu’il souhaite désacraliser pour que tous les enfants y accèdent et développent le goût de lire. Il a d’ailleurs multiplié les expériences formelles autour du texte pour convier les enfants à devenir eux aussi des auteurs et créateurs. Il a publié récemment chez Milan Histoires pressées, à toi de jouer ! un livre d’activités ludiques autour de la lecture et de l’écriture. En rendant « actif et plus libre » le lecteur, il espère ainsi que l’enfant pourra entrer plus facilement dans les textes, les interpréter et les comprendre. Et le plaisir qui découle de la reconnaissance, de l’interprétation d’un album ou roman entretient le goût de lire.
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Ainsi, en évitant les jugements de valeur sur les goûts et choix de lecture de l’enfant, on respecte sa liberté et on lui permet de se forger son expérience personnelle. Ce qui n’empêche pas de lui proposer aussi des livres pour le surprendre, le sortir de sa zone de confort, l’emmener vers d’autres chemins.
Les premières lectures : une transition importante vers la lecture autonome
Quand l’enfant commence à apprendre à lire, parfois très tôt vers 4 ans mais le plus souvent entre 6 et 7 ans, le choix des lectures s’avère crucial pour lui donner envie de lire seul.
Cependant, il faut bien garder à l’esprit que l’acquisition de la lecture est complexe et dépend de plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’enfant doit acquérir les bases du déchiffrage et comprendre le système d’encodage/décodage par assemblage de syllabes (méthode syllabique). On considère que tant que l’enfant ne maîtrise pas les correspondances grapho-phonétiques et qu’il n’a pas atteint un certain niveau de « fluence », il lira avec difficulté. Or ce sont justement ces difficultés qui le détournent du plaisir de la lecture. La joie de lire dépend donc en premier lieu d’une maîtrise technique qui s’acquiert par paliers successifs. Ainsi, au fil des exercices d’entrainement, l’effort de déchiffrage disparait au profit d’une activité d’exploration des sens du texte.
En outre, il reste important de proposer parallèlement aux exercices de déchiffrage, la lecture (offerte) de textes attractifs. Cela permet de favoriser l’acquisition et le renforcement du vocabulaire, mais aussi de la grammaire de phrase et de texte. Ainsi, les élèves engrangent des métadonnées qu’ils utiliseront plus tard au cours de leurs lectures scolaires et personnelles. À ce titre, les histoires audio font partie du prisme de la lecture orale et participent pleinement aux apprentissages des enfants.
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À présent, comment choisir les ouvrages de premières lectures pour les enfants de 6 à 8 ans ?
Les prescripteurs du livre jeunesse qui donnent le goût de lire
Ce qui distingue la littérature jeunesse de la littérature générale c’est principalement son lectorat double et le fait que les lecteurs/auditeurs dépendent de prescripteurs adultes. On distingue plusieurs types de prescripteurs dont les objectifs diffèrent et se complètent :
- les enseignants qui disposent d’une bibliothèque dans leur classe, effectuent des commandes de livres chaque année, conseillent leurs élèves. Et bien sûr ils imposent des lectures sur le temps scolaire, que ce soit au travers de manuels de lecture, de livres ou d’extraits de différents genres et types (poésie, théâtre, roman…).
- les parents qui empruntent ou achètent des livres avec ou sans l’avis de leurs enfants.
- les libraires qui peuvent conseiller en boutique en puisant dans les classiques ou dans les nouveautés.
- les magazines pour enfants qui relaient parfois les sorties littéraires.
- les pairs (camarades de classe ou frères et soeurs plus âgés). Entre enfants, on peut se recommander ou se prêter des livres.
La démarche personnelle de l’enfant dans le choix du livre
Cela pourrait être une évidence de laisser l’enfant choisir seul ses livres. Et c’est effectivement une bonne idée, même si elle est souvent compliquée. En effet, l’enfant peut se sentir perdu devant l’abondance de la production éditoriale. Il peut aussi éprouver de l’anxiété à l’idée d’être jugé pour son choix. La peur de « faire bébé » ou d’être obligé de terminer un livre qui au final ne plait pas ou est trop difficile peuvent inhiber la capacité à choisir un ouvrage. Pour éviter ces désagréments, l’emprunt en bibliothèque est une bonne solution. L’enfant peut naviguer d’un rayon à l’autre, de l’album à la BD en passant par les recueils de contes, les livres de recettes et d’activités… Ainsi, il n’est pas tenu de se décider pour un seul ouvrage, mais peut au contraire en sélectionner souvent jusqu’à vingt toutes les trois semaines.
Cela lui laisse largement de quoi tester différents types de textes et genres littéraires. En particulier, il pourra choisir des albums de grand format dont les illustrations l’attireront tout particulièrement. L’absence de mention d’âge évite toute prévention et favorise la diversité du choix. Telle illustration de couverture semblera intrigante, une autre amusante ou encore fascinante. En outre, l’enfant s’autorise plus facilement à ne pas lire jusqu’au bout, à feuilleter ou à ne regarder que les images, d’autant plus que les livres n’ont pas été achetés.
En effet, il est préférable de réserver les achats en librairie aux livres désirés et séries préférées. Les enfants ont souvent la fibre collectionneuse et aime posséder des séries complètes pour les admirer lorsqu’ils les ont terminées. Quelle fierté de pouvoir embrasser du regard leur propre bibliothèque ! Tester un premier tome en bibliothèque et l’acquérir par la suite en librairie avec les volumes suivants peut être une bonne solution. Tout comme le commerce des livres d’occasion permet de limiter le coût des longues séries. À titre d’exemple, La cabane magique comporte 55 tomes et Geronimo Stilton 100 ! Quand un enfant a le goût de lire, on ne peut plus l’arrêter !
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Parallèlement rien n’empêche les « cadeaux » surprise à l’occasion d’un anniversaire ou de la visite des grands-parents. Un bel album, un petit roman humoristique pourront faire mouche auprès des plus jeunes. Pour les plus grands, des séries comme Anatole Latuile, Ariol ou encore Mortelle Adèle plairont sans doute plus qu’une édition ancienne de la comtesse de Ségur ! Même si on a le goût de lire et qu’on est curieux, une médiation est souvent nécessaire pour aborder les oeuvres classiques.
Comment choisir des livres adaptés à l’âge et aux intérêts de mon enfant ?
Si votre enfant ne sait pas quoi lire ou qu’il a envie que vous le « surpreniez » avec des nouveautés, il y a plusieurs possibilités pour trouver des idées :
- effectuer une recherche sur les catalogues en ligne des éditeurs. Souvent ces derniers proposent un classement par âge et par thématique, ce qui permet de filtrer et de cibler les goûts de ses enfants.
- abonner son enfant à L’école des loisirs, Le livreur d’histoires (partenariat Gallimard Jeunesse, Flammarion Jeunesse, Casterman et Sarbacane), la Kube 7-11 pour recevoir à domicile une sélection de livres par tranches d’âge.
- opter pour un abonnement à la presse jeunesse (Mes premiers J’aime Lire puis J’aime Lire, J’apprends à lire…). À noter que si vous êtes abonné, vous pouvez retrouver la version audio des grandes histoires de Bayard et Milan chaque mois sur l’enceinte Merlin.
- suivre des blogs de spécialistes de la littérature jeunesse (LU cie & co, La mare aux mots),
- les revues et sites spécialisés en littérature jeunesse comme La Revue des livres pour enfants de la BnF, le site suisse Ricochet, la sélection Kibookin du SLPJ (Salon du livre et de la presse jeunesse) ou encore le site généraliste Babelio.
Et bien sûr vos bibliothécaires et libraires préférés pourront aussi vous aiguiller pour vous aider à choisir des livres adaptés à vos enfants. Et n’oubliez pas que rien n’est définitif. Un enfant qui n’aime pas lire en CP parce qu’il rencontre des difficultés de déchiffrage ou de concentration pourra développer le goût de lire plus tard lorsqu’il sera plus à l’aise. L’essentiel est de continuer à le nourrir de lectures diverses afin de lui transmettre le plaisir des histoires.
Le rôle des parents pour donner le goût de lire aux enfants
D’après l’enquête du CNL sur les Français et la lecture en 2019, « la place de la lecture accordée au sein du foyer pendant l’enfance continue d’avoir une forte incidence sur les pratiques de lecture des Français. » Ainsi, 30% des personnes interrogées déclarent que la lecture était très importante pendant leur enfance et celles-ci représentent plus de 95% de lecteurs, dont 41% de grands lecteurs (ayant lu 20 livres et plus au cours des 12 derniers mois).
Le modèle parental comme modèle de lecteur
Il est plus aisé à un enfant de se projeter lecteur si dans son environnement il dispose de modèles de lecteurs. En premier lieu, le parent qui lit fréquemment pour son plaisir personnel illustre par son attitude une proximité, voire une intimité enviable avec la lecture. Que ce soit par le livre papier ou la liseuse, le livre numérique ou le livre audio, il représente un modèle pour son enfant. Ainsi, la fréquentation assidue de l’écrit montre son omniprésence dans le quotidien pour s’informer, se détendre et s’instruire.
Le goût de lire devient alors un exemple incontournable d’autonomie et de maturité. Pour grandir et devenir un adulte responsable et éclairé, la maîtrise de la lecture constitue un facteur indispensable. Et le goût de lire provient autant du plaisir, de la détente, de l’évasion en imagination que de la certitude d’accéder à une somme de connaissance sur le monde.
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Par ailleurs, l’enfant peut prendre modèle sur d’autres adultes ou enfants de son entourage. Cela peut être un membre de sa famille, un frère ou une soeur, mais aussi un proche (un camarade, un enseignant, un éducateur…).
En outre, les lectures reçues influencent également l’attrait pour la lecture. C’est le cas lorsqu’un adulte soigne sa lecture orale en mettant le ton et en ménageant le suspens du texte. Mais aussi quand l’enfant accède à des contenus audios spécifiquement conçus pour lui, avec ses silences et habillages sonores (voir à ce sujet l’interview d’Antoni Fournier, producteur audio chez Bayard). Ou encore quand il a la chance d’entendre plusieurs versions et interprétations d’un même texte au théâtre, en livre audio, dans un podcast pour enfant… Toutes ces interprétations textuelles créent un bain linguistique et culturel favorable à l’acquisition de la lecture et à l’appétence pour l’acte de lire.
Créer un environnement propice à la lecture à la maison
Créer un espace et un temps dédiés à la lecture entretient l’effet d’attente lié au plaisir de lire.
Tout d’abord, cela peut passer par des rituels comme la fréquentation régulière de la bibliothèque. L’enfant sait par exemple que tous les mercredis il pourra feuilleter des ouvrages sur place ou les emprunter. Et éventuellement profiter des animations proposées par les bibliothécaires (lectures, théâtre, marionnettes, dédicaces, ateliers créatifs etc.).
Ensuite, l’aménagement d’un coin lecture est propice à la détente et au calme qui accompagnent l’acte de lire. Dans les classes, les enseignants installent des banquettes et des coussins à proximité des étagères de livres. Ainsi, les enfants peuvent s’y installer pour lire seul ou à plusieurs autour de grands formats. C’est souvent un moment convivial qui contribue à une bonne ambiance de classe.
En outre, on peut impliquer l’enfant dans l’aménagement et le rangement de la bibliothèque. Cela se pratique en classe où les élèves tiennent à tour de rôle la responsabilité de bibliothécaire (mise à jour du registre d’emprunt et rangement des livres en fin de journée). À la maison, l’enfant peut décider comment ranger ses ouvrages : par couleur, par taille, par séries, par ordre alphabétique, par genres et types… Depuis tout petit, l’enfant apprécie de classer et ranger les objets – dont les livres, d’abord dans un bac puis selon des critères plus personnels dans sa propre bibliothèque. Certaines couvertures rassurantes et aimées se trouveront contre un mur en apparence, d’autres livres s’aligneront sagement, tandis que certains rejoindront des hauteurs inaccessibles le temps d’une transition. La question du tri et du don pourra d’ailleurs être abordée lorsque l’enfant sera prêt à se séparer de certains ouvrages.
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Enfin, le principe du quart d’heure lecture à l’oeuvre dans les établissements scolaires peut être appliqué à la maison. En fonction de l’emploi du temps de chacun, on détermine un moment où tous les membres de la maison arrêtent leurs activités pour lire 15 minutes par jour. Pour les enfants de CP, on peut commencer avec 5 minutes, puis augmenter progressivement la durée. L’idée est qu’adultes comme enfants se prêtent à ce rituel. Mais si cela n’est pas possible, n’importe quel temps régulièrement programmé présente aussi son intérêt : tous les samedis matins, tous les mercredis après-midi etc. En effet, la dernière enquête du CNL montre que le principal frein à la lecture évoqué par les sondés est le manque de temps. D’où l’intérêt de dégager un créneau dédié ! Par ailleurs, la pratique quotidienne de la lecture entretient le lien avec le livre et favorise le goût de lire.
Les activités qui contribuent à développer le goût de lire
Vérifier au préalable si l’enfant présente des difficultés dans l’apprentissage de la lecture
Avant toute chose, il est bon de s’assurer que l’enfant ne rencontre pas de difficultés « techniques » liées au déchiffrage. En cas de trouble de l’apprentissage écrit (dyslexie notamment), l’enfant a tendance à désinvestir l’acte de lecture. C’est pourquoi, en cas de doute, il est fondamental de faire un bilan chez l’orthophoniste. Par exemple, si vous remarquez que votre enfant inverse les sons écrits (au lieu de « roi », il lit « rio »), s’il a du mal à déchiffrer les syllabes avec des sons complexes (au lieu de lire « pou », il lit d’abord « po » puis « u »), il pourrait avoir besoin de séances de rééducation…
En conséquence, si vous trouvez que les difficultés persistent, mieux vaut demander un avis médical pour obtenir une ordonnance pour une consultation d’orthophonie. Lors des séances de rééducation, le spécialiste conduit l’enfant à développer des outils opérationnels pour compenser son handicap et reprendre confiance en soi. Le goût de lire ne peut s’épanouir que dans un contexte de lecture fluide débarrassée des contraintes du déchiffrage.
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Quels sont les ressources et les outils disponibles pour soutenir l’apprentissage de la lecture chez mon enfant ?
En outre, lorsqu’une difficulté est repérée, de nombreux supports d’aide visuelle à la lecture pourront être mobilisés : recours à une police de couleur pour séparer les sons, mise en évidence des liaisons, taille de la police et espacement (notamment pour les enfants dyspraxiques). L’idée est vraiment de permettre à tous les enfants d’accéder à une lecture fluide afin de laisser place à la compréhension et à l’interprétation du texte.
À noter que des applications, comme Lalilo par exemple, utilisées en classe et/ou à la maison proposent des parcours de lecture personnalisés et adaptés aux difficultés des élèves. L’objectif est de faire progresser tous les élèves, quels que que soient leur profil et niveau de lecture, pour les conduire vers une lecture fluide. Condition indispensable pour initier le goût de lire.
Quelles sont les activités ludiques et interactives pour encourager mon enfant à lire ?
Parallèlement au suivi de l’apprentissage de la lecture, certaines activités donnent aux enfants l’envie de lire.
En classe ou à la maison, de nombreux projets créatifs incitent les enfants à fréquenter les livres. Cela peut être :
- la lecture à voix haute. Par exemple le concours « Si on lisait à voix haute » organisé par l’Éducation nationale et relayé par François Bunuesl de la Grande Librairie rassemble chaque année de nombreux participants venant d’écoles de toute la France. Cette pratique peut également se faire en famille lors d’un temps de partage.
- l’expression orale : on incite l’enfant à raconter un souvenir ou à inventer une histoire dans le cadre d’un jeu. Le développement du langage oral contribue à l’acquisition du vocabulaire et de la syntaxe mais aussi à la reconnaissance écrite des mots connus.
- la pratique théâtrale invite les élèves à maîtriser le sens et l’oralisation du texte. Ils peuvent également écrire leur propre texte, seul ou en groupe.
- la production d’écrit. Celle-ci renforce la maîtrise de la lecture puisqu’elle participe à la compréhension du code (encodage et décodage de l’écrit). Il peut s’agir d’un sujet libre ou de poursuivre ou écrire à la manière d’un auteur, en poésie notamment. Ou alors on peut demander aux enfants d’imaginer une variante ou une suite à l’histoire d’un auteur.
- projet de création de livre. Sans nécessairement se lancer dans la production d’un journal comme l’a pratiqué Freinet avec ses élèves en classe, on peut proposer aux enfants de devenir auteur. À l’aide de quelques feuilles collationnées avec des agrafes, de la colle ou un fil de laine, l’enfant déroule son histoire qu’il agrémente d’illustrations. Il peut emprunter à l’album, à la BD, au roman illustré etc. ou créer des tableaux thématiques (un dessin et une phrase). Toutes les formes sont possibles et ce sont l’enthousiasme et l’intérêt qui priment… avant la correction orthographique !
- ateliers créatifs autour du livre. Certains intervenants spécialisés dans la médiation du livre organisent toute l’année des ateliers, cours et stages autour du livre, du bébé à l’adolescent. Il y a l’Attrape nuages à Paris qui mêle arts plastiques, théâtre, lecture et écologie, ou encore l’atelier Il était un livre à Bordeaux, l’atelier Les Minuscules à Lyon, les ateliers de la librairie du Poisson Lune à Marseille ou encore celle de Cabourg (Normandie), Pomme mouette et colibri…
En dehors de ces activités, on peut aussi recourir à certaines astuces toutes simples pour donner envie de lire aux plus jeunes.
Astuces pour donner le goût de lire aux enfants
Voici quelques conseils pour rendre la lecture attrayante et plaisante pour son enfant !
La lecture théâtrale pour donner envie de lire aux enfants
On l’a dit à plusieurs reprises, le théâtre est un excellent vecteur du livre. Il en révèle le contenu en en faisant un véritable spectacle pour les sens. Si vous aimez interpréter les textes, la lecture des albums jeunesse vous donne l’occasion de partager le plaisir des mots. Par votre ton et votre enthousiasme, vous allez transmettre le goût des mots : les mots bizarres, incongrus, inventés mais toujours évocateurs, ceux que tout le monde connait sans savoir ce qu’ils signifient vraiment, les gros mots, les mots doux, les onomatopées, ceux qu’on chuchote et ceux qu’on crie.
Grâce à votre lecture, votre enfant pourra avoir envie lui aussi d’essayer de lire à voix haute pour mettre le ton sur son livre préféré. Par exemple, si vous lui lisez Au lit petit monstre de Mario Ramos (Pastel, école des loisirs) depuis qu’il a deux ans, il aura sans doute envie à 6 ans de s’y essayer. Rien que pour le plaisir de dire : « Je t’ai déjà dit mille fois que c’est une brosse à dents et pas une brosse à robinets. »
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Être capable de lire une phrase entendue depuis tout petit procure souvent une grande satisfaction à l’enfant. Alors ne donnez/revendez pas tout de suite tous ses albums de maternelle, votre enfant pourrait avoir envie de les relire tout seul. Comme il se souvient de l’histoire, sa lecture en sera facilitée et il gagnera confiance en lui.
Garantir une accessibilité physique aux livres
L’enfant doit pouvoir accéder facilement à ses livres. Veillez à ce qu’ils soient rangés à sa hauteur et de préférence dans sa chambre ou un espace dédié. Par ailleurs, vous pouvez aussi laisser à disposition sur une table basse quelques livres susceptibles de lui plaire ou de l’intéresser. Il se passionne pour les animaux ? Proposez-lui une sélection d’ouvrages documentaires et de premières lectures avec des héros animaliers. Vous prévoyez de visiter le château de Versailles ? Un aperçu historique agrémenté de quelques fictions autour du roi Soleil pourraient l’intéresser, surtout si vous feuilletez et lisez les ouvrages ensemble, car la lecture est aussi un moment de partage !
Varier les genres et les styles pour définir ses préférences de lecture
Le meilleur moyen de trouver ce qui nous plait est encore d’essayer. Pour la lecture c’est la même chose ! N’hésitez pas à diversifier les types et genres d’écrits pour que votre enfant forge ses préférences. Certains apprécieront les intrigues fantastiques dans des mondes peuplés de créatures et de dragons. D’autres plutôt les romans réalistes ou encore les BD et les mangas. Montrez-lui que chaque type de livres a ses spécificités et que dans chaque catégorie il existe de bons ouvrages avec des histoires intéressantes, captivantes et illustrées avec soin.
Vérifier le niveau de difficulté des ouvrages destinés aux enfants
Inutile de donner un pavé à lire à votre enfant. S’il n’est pas prêt ou ne l’a pas lui-même réclamé, vous risqueriez de l’éloigner du plaisir de la lecture. Les éditeurs indiquent souvent une tranche d’âge sur la quatrième de couverture pour servir de critère de sélection. Mais celui-ci est insuffisant car chaque enfant est unique et évolue à son rythme. Le but est plutôt de lui proposer un livre à sa portée : c’est-à-dire suffisamment difficile pour lui donner de la matière à réfléchir et éviter qu’il s’ennuie, mais pas trop ardu pour ne pas le décourager.
Pour les petits lecteurs, privilégiez les textes courts bien illustrés pour entrer dans l’histoire. Et la meilleure façon de savoir si le livre est adapté au niveau de votre enfant, c’est de le lire vous-même avant et d’en évaluer les difficultés et intérêts. N’oubliez pas que vous pouvez aussi partager la lecture et lire une page sur deux ou un chapitre sur deux. Comme dans tout apprentissage, l’enfant progresse en lecture par paliers successifs. À chaque étape il franchit un niveau de difficulté. Cela peut être la longueur du texte, la diminution du nombre d’illustrations, un niveau de langue supérieure avec des mots de vocabulaire plus compliqués etc.
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Le choix du livre par la couverture
On l’oublie souvent, mais le premier contact avec le livre est sa couverture et son titre. Pour un enfant ces informations sont fondamentales et peuvent susciter plus ou moins d’envie. Essayez de vous mettre à la place de votre enfant et d’évaluer leur attractivité. Estimez également l’épaisseur du livre, la taille de la police. Plus le livre est épais et plus les caractères sont de petite taille, plus l’enfant aura l’impression que le texte est difficile, avant même d’avoir démarré sa lecture.
Lire les livres avant de les donner à son enfant
En plus des informations sur l’objet livre, vous pouvez lire le texte pour en estimer l’intérêt et les qualités. À condition bien sûr de pouvoir adopter le point de vue de votre enfant. Il ne s’agit pas d’imposer vos propres goûts, mais plutôt de permettre à votre enfant de découvrir toute la richesse de la production littéraire jeunesse.
Pour vous aiguiller dans votre primo-lecture, voici quelques questions à se poser en lisant :
- les personnages sont-ils consistants (caractère bien défini, variation de sentiments, émotions, pensées et réflexions) ?
- l’intrigue est-elle cohérente, bien menée, avec un rythme soutenu ?
- la thématique correspond-elle aux préoccupations de l’enfant ? (que ce soit dans le registre réel ou imaginaire).
- quelle est la particularité de ce livre ? Son ton humoristique ? Ses illustrations décalées ? Des thèmes forts qui répondent aux grandes interrogations des enfants (amitié, peur, deuil, construction de soi et recherche d’identité etc.).
Si vous avez le sentiment que l’ouvrage manque d’originalité, n’oubliez pas que votre enfant n’a pas encore construit sa culture littéraire. Ce qui peut vous paraître rebattu mille fois ne l’est pas forcément pour lui. L’idéal est de pouvoir déterminer quel ouvrage aborde le mieux un sujet de façon adapté à l’âge de l’enfant. Par exemple, l’album Okilélé de Claude Ponti (école des loisirs) aborde le thème de la maltraitance de manière détournée, ce qui le rend accessible dès la maternelle. En revanche, L’Enfant silence de Cécile Roumiguière illustré par Benjamin Lacombe (Seuil jeunesse) s’adresse à un lectorat plus âgé (6-8 ans) et accompagné.
Convoquer les univers transmédiatiques pour donner le goût de lire aux enfants
Enfin, la tendance actuelle exploite l’univers du livre dans des prolongements, réappropriations et détournements qui anticipent, accompagnent et perpétuent la lecture à travers divers médias. Il y a le cinéma bien sûr qui s’inscrit dans la veine des contes (Disney, Pixar, Dreamworks) et des séries à succès (Harry Potter notamment). Mais il y a aussi les jeux et jouets, les magazines, les cahiers de coloriages et d’activités qui empruntent au livre. C’est un moyen de prolonger le plaisir de la lecture en retrouvant les personnages aimés, les décors qui font rêver etc. D’une part, l’enfant peut avoir envie de lire les ouvrages qui s’y rapportent après avoir emprunté une voie ludique. D’autre part, il peut avoir lu les romans puis avoir envie de rester encore dans leurs univers à travers des produits dérivés.
D’autant que souvent les séries télévisuelles ou films de cinéma tirés des best seller misent sur la qualité. La fidélité au texte et le soin dévolu aux décors, costumes et effets spéciaux rendent hommage à l’oeuvre originale. Parfois aussi, de nouveaux personnages apportent un point de vue intéressant, ou testent des pistes narratives non traitées dans le texte. Toutes ces expériences de respect ou de remaniement des oeuvres originales (souvent dans une veine comique) créent des ponts entre différentes expressions artistiques. De plus, elles contribuent à développer les capacités de réflexion et d’analyse et à forger sa propre culture.
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Enfin, d’autres activités culturelles peuvent également étayer la lecture. Votre enfant aime la mythologie ? Vous pouvez l’emmener au musée admirer des antiquités égyptiennes, grecques et romaines. Il est plutôt branché Préhistoire ? Pourquoi ne pas visiter la grotte Cosquer à Marseille ou Lascaux 2 en Dordogne ? Vous avez chez vous un fan de Tom Tom et Nana ? Vérifiez si près de chez vous il existe un escape game sur ce thème (c’est le cas à Paris !).
Et chez vous, quelles astuces déployez-vous pour inciter votre enfant à lire ? Peut-être abritez-vous un véritable « Buveur d’encre » (c.f. la série d’Éric Sanvoisin, Martin Matje et Olivier Latik chez Nathan). Comment choisit-il ses lectures ? Pour partager vos expériences et conseils, rendez-vous sur nos réseaux sociaux FB et Instagram !