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Peur du noir et autres angoisses nocturnes de l’enfant : comment y remédier ?

peur du noir enfant

Il est l’heure d’éteindre la lumière dans la chambre. Vous vous éloignez sur la pointe des pieds, puis vous faites demi-tour. Des pleurs vous rappellent au chevet de votre enfant. Des monstres ont envahi l’obscurité et menacent de peupler la nuit de cauchemars. Que se passe-t-il ? La peur du noir a encore frappé. Entre 2 et 6 ans, les enfants redoutent ce moment de la séparation du soir et sont submergés par l’angoisse nocturne. D’où vient la peur du noir et comment aider son enfant à la surmonter ? Maria Chiara Ragazzi*, spécialiste de la petite enfance et autrice d’un mémoire sur la peur du noir dans l’album jeunesse nous accompagne dans cet article.

D’où vient la peur du noir chez l’enfant ?

Personne n’est vraiment surpris quand on évoque la peur du noir chez l’enfant. Il est communément admis que les tout-petits passent par une période, plus ou moins longue, d’angoisse liée à l’obscurité. Et cela ne date pas d’aujourd’hui !

La peur du noir remonte aux origines humaines

La psychanalyste Marie-José Latour rappelle que « depuis la nuit des temps, la Nuit occupe une place particulière dans les mythes de la genèse du monde. Zeus lui-même ne craignait-il rien si ce n’est la Nuit, comme Homère le raconte dans l’Iliade ? » (Pourquoi les enfants ont raison d’avoir peur de l’obscurité, 2016). Si on demande à un enfant pourquoi il a peur du noir, il ne décrira pas la couleur en tant que telle mais plutôt ce qu’il imagine qu’elle dissimule. Car dans la peur du noir, la crainte se loge dans l’invisible, dans ce reste tapi dans les recoins d’une grotte ou d’une chambre.

Croyances et superstitions liées à la nuit

De fait, l’humain a de piètres capacités visuelles nocturnes. Il peut donc légitimement craindre une attaque de bête sauvage la nuit. On suppose d’ailleurs que les hommes préhistoriques se protégeaient des prédateurs nocturnes en laissant un foyer allumé la nuit. Au passage, on peut relever que le terme de foyer associe le feu à un groupe humain. Et au Moyen Âge, le feu se rapporte à la fiscalité et désigne la famille redevable des taxes et impôts. De même, dans la symbolique chrétienne, la lumière s’oppose aux ténèbres. La peur du noir aurait donc de multiples origines à la fois biologiques, spirituelles et sociales. Les Lumières des philosophes du XVIIIe siècle éclairent les consciences et font advenir le triomphe de la science sur l’obscurantisme. L’obscurantisme désignant l’état d’ignorance des hommes qui les pousse à mal agir.

Peur du noir et pouvoir d’imagination

Les enfants qui ont la phobie du noir (nyctophobie) s’inscrivent finalement dans une peur ancestrale nourrie d’anecdotes dramatiques, mais surtout imaginaires. Car quand on n’y voit rien, on s’imagine beaucoup. Le noir prend soudainement consistance, une ombre devient une forme puis une bête sauvage, voire un monstre. Les hommes ont inventé de nombreuses créatures imaginaires vivant exclusivement de nuit comme les vampires ou les lycanthropes (loups-garous). D’innombrables bêtes sanguinaires aux mâchoires acérées illustrent des récits légendaires rendus vivant lors des veillées au coin du feu. La nuit noire et changeante constitue un terreau fertile pour la métamorphose, de docteur Jekyll et Mr Hyde à Dracula. Et les rires des sorcières résonnent dans le raffut infernal des soirs de sabbat, rivalisant avec des fantômes hideux qui trainent paresseusement leurs chaînes sur le parquet.

Les contes pour enfants regorgent d’histoires entre chien et loup où se glissent des ombres menaçantes. La nuit, puits sans fond, symbole du vide et de la chute dans l’infini, mais aussi ciel immense chargé de nuages inquiétants, plonge le monde dans un chaos grouillant de mille créatures. Les enfants frémissent à l’idée d’entrer dans la forêt ou de s’approcher de la rivière. Le moindre bruit les fait sursauter. La peur, même produite par l’imagination est bien réelle. Mais heureusement, la parole rassurante d’un parent parvient à apaiser cette peur ancestrale du noir.

enfant qui dort
Peur du noir et trouble du sommeil chez l’enfant (©Canva Pro)

Le noir comme symbole du passage de la veille au sommeil

La fermeture des paupières sonne la fin de l’état de veille et le renoncement au contrôle du monde tangible. Lorsque l’enfant bascule dans le sommeil, il est en quelque sorte rendu à l’obscurité originelle et matricielle de l’humanité. Car la nuit s’apparente aussi à l’ouverture du champ des possibles, notamment à travers le rêve. Dans Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, les personnages sont justement plongés dans une rêverie qui permet toutes les métamorphoses et audaces. La nuit et son obscurité consubstantielle sont un terrain de jeu aussi attirant qu’inquiétant. L’absence de limites tangibles fait craindre aux enfants des rencontres imaginaires dangereuses. Impossible de prédire si un loup, squelette ou monstre visitera l’enfant la nuit.

Peurs associées au noir et conséquences sur le sommeil

La peur du noir charrie avec elle de nombreux troubles du sommeil.

Des cauchemars peuplés de monstres, sorcières et araignées géantes

Par exemple, la crainte de faire des cauchemars peut prendre le dessus sur le besoin physiologique de repos. L’enfant, angoissé à l’idée que des monstres et bêtes sauvages l’attaquent pendant qu’il est vulnérable, refuse de céder au sommeil. Les difficultés d’endormissement impliquent souvent des angoisses au coucher. L’enfant ne parvient pas à lâcher-prise et ne s’endort que lorsqu’il tombe d’épuisement. Dans ce cas, il va avoir tendance à se réveiller en sursaut une ou plusieurs fois en pleine nuit. Il est en quelque sorte victime de son cerveau hyper-vigilant qui lui rappelle sa mission de contrôle sur son environnement.

Le cauchemar n’est pas le seul à perturber le sommeil des enfants. Certains bébés ayant une activité cérébrale nocturne intense, se réveillent en hurlant, sans que leurs parents ne parviennent à les calmer. On parle alors de terreur nocturne.

Les terreurs nocturnes et autres troubles du sommeil

En effet, un épisode de terreur nocturne revêt un caractère incontrôlable et irrationnel. L’enfant se lève, s’agite, crie et refuse d’être consolé. Quand on cherche à le prendre dans nos bras, il nous repousse en donnant des coups et en hurlant de plus belle. Une expérience inquiétante et perturbante pour les parents qui se sentent impuissants et ne reconnaissent pas leur enfant. Tout se passe comme s’il dormait toujours. Il ne répond pas aux questions ou sollicitations de l’adulte et repart tout seul se coucher. Le lendemain, il ne conserve aucun souvenir de sa nuit. Toutefois, il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure. Les terreurs nocturnes sont majoritairement transitoires et s’estompent avec l’âge pour disparaître complètement avant l’entrée en CP.

Enfin, la peur du noir peut également être associée à d’autres troubles du sommeil comme le somnambulisme, la somniloquie, l’énurésie nocturne etc. Ils manifestent une activité nocturne anormale due à un sommeil agité. La peur du noir, des cauchemars et des monstres peut en être la cause, à côté de troubles anxieux en lien avec l’histoire de l’enfant.

peur du noir chez l'enfant
Peur du noir chez l’enfant (©Canva Pro)

Quelles sont les causes les plus fréquentes des troubles du sommeil chez l’enfant ?

Il est significatif de constater que la peur du noir touche principalement les jeunes enfants. Lorsque cette peur touche les adultes, elle est toujours liée à une expérience douloureuse non résolue. De même chez l’enfant, une angoisse persistante n’a pas encore trouvé de réponse satisfaisante.

Chez l’enfant, les causes des troubles du sommeil sont multiples : période de changement, évènement marquant, deuil, causes physiologiques (digestion, reflux gastrique) et pathologiques (santé mentale). D’une manière générale, il est admis que le développement neurologique de l’enfant peut perturber son sommeil. De même, les facteurs environnementaux et psychologiques exercent une influence prépondérante. Pour bien dormir, un enfant doit avoir fini de dîner au moins deux heures avant le coucher. Sa chambre doit être à bonne température (19°), correctement aérée et isolée du bruit et d’une luminosité trop importante. En outre, l’enfant a besoin de repères et de régularité pour appréhender sereinement le moment du coucher, notamment à travers un rituel d’endormissement bien rôdé.

Quand consulter pour résoudre la peur du noir et les troubles du sommeil associés ?

Si tous ces facteurs sont réunis et que l’enfant persiste à refuser de s’endormir ou à se réveiller plusieurs fois par nuit, il peut être bon de consulter un spécialiste (pédiatre, psychologue…). Selon Maria Chiara Ragazzi, « quand consulter renvoie à la différence entre la peur saine et sa transformation en anxiété pathologique. Quand une peur n’a pas pu se manifester, être accueillie et donc passer, elle peut persister jusqu’à se transformer en phobie. Donc, il ne faut jamais minimiser la peur de votre enfant, car « une peur tournée en dérision n’est plus exprimée, et ce n’est pas parce qu’elle n’est plus exprimée qu’elle n’existe plus ». (Les peurs de votre enfant, Stephen W. Garber et Marianne D. Garber, Robyn F. Spizman, éditions Odile Jacob, 1997). »

La spécialiste pointe l’importance de la relation parent/enfant pour résoudre les problèmes de sommeil. Ainsi, un parent qui entre en rapport de force avec son enfant au moment du coucher aggrave son anxiété et diminue ses chances d’accéder à un sommeil serein. Pour partager ses peurs, l’enfant a besoin de se sentir en confiance et non pas jugé comme « pas sage » ou « turbulent ».

Certes, il n’est pas toujours facile pour un parent de garder son calme lorsqu’il a lui-même essuyé une rude journée et qu’il a besoin de repos en soirée. Rester à l’écoute de son enfant s’avère pourtant la meilleure piste d’amélioration. Si l’enfant sent que son sommeil est une source d’angoisse pour ses parents, il risque d’endurer de la culpabilité. Ce qui ne fera qu’augmenter son anxiété.

Angoisses nocturnes de l'enfant
Angoisses nocturnes de l’enfant (©Canva Pro)

Comment aider mon enfant à surmonter sa peur du noir ?

La peur du noir surgit fréquemment au moment du coucher, mais elle peut aussi envahir le quotidien lors d’activités diurnes.

Maria Chiara Ragazzi alerte les parents sur le fait que « même si les êtres imaginaires qui suscitent la peur des enfants n’existent pas dans la réalité, la peur est une émotion bien réelle, qui ne doit pas être niée ni minimisée. L’enfant a besoin que son émotion soit accueillie par ses parents, surtout si elle est très forte et difficilement gérable. L’âge et le développement de l’enfant sont à prendre en compte. En cela, le rôle des parents devrait donc être d’offrir aux enfants la reconnaissance de cette émotion qu’est la peur. Après sa « validation » par l’adulte, ce dernier peut offrir à l’enfant des outils pour la dépasser. »

Quand la peur du noir contamine le quotidien

Moins répandue, mais tout aussi spectaculaire dans ses cris, ses pleurs et ses refus d’obéir, la peur du noir transparaît dans des situations courantes à l’état de veille. C’est le cas quand l’enfant assiste à un spectacle vivant, une séance de cinéma ou tout simplement quand il pénètre dans un lieu sombre, voire aveugle.

Tunnels, caves, parking : des lieux angoissants pour les enfants

Pris d’angoisse, il se réfugie dans les bras de son parent et réclame de sortir pour retrouver la lumière. Cela se produit lors de moments banals comme le passage dans un tunnel, l’entrée dans une pièce obscure ou une descente à la cave ou au parking. L’obscurité de ces lieux s’avère hautement anxiogène pour de nombreux enfants. Elle leur fait revivre leurs angoisses liées à la tombée de la nuit et au passage de la veille au sommeil. Peur des monstres, sorcières et autres bêtes voraces, la survenue brutale du noir en plein jour réactive la nyctophobie.

Ne forcez jamais votre enfant à se rendre seul dans un endroit sombre. Si sa peur du noir n’est pas résolue, elle sera entretenue par ces expériences négatives. En revanche, vous pouvez vous y rendre avec lui, dédramatiser en faisant des blagues et fixer des étapes pour surmonter petit à petit sa peur. En l’encourageant et félicitant ses progrès, vous favorisez sa confiance en lui et la perspective de vaincre sa peur. De fait, il est normal et naturel d’avoir peur de ces lieux spécifiques. Il s’agit d’un réflexe d’auto-défense sain qui consiste à fuir les situations inhabituelles et contextes de piège naturel. N’oublions pas que des prédateurs piègent leur proie en les attirant dans des lieux fermés et sombres. Ils privent ainsi leur victime des informations visuelles et donc de la possibilité de fuir. Faites valoir à votre enfant que c’est plutôt lui qui dérange et effraie les petites bêtes quand il rentre dans une pièce sombre !

peur du noir enfant état de veille
Jeux pour enfants qui ont peur du noir (©Canva Pro)

Le cas des salles obscures…

Que faire lorsque votre enfant se met à hurler en pleine de salle de théâtre ? Inutile de le gronder, il n’en paniquerait que davantage. Si vous voulez éviter que cette expérience ne se reproduise systématiquement, mieux vaut sortir de la salle et écourter la sortie. Une fois à la lumière, vous pourrez discuter calmement et conduire votre enfant à relativiser ses peurs. Peut-être entendra-t-il ses camarades rire de l’autre côté de la porte ? Peut-être aura-t-il envie de voir le comédien déguisé en loup à sa sortie de scène ?

Si vous ne savez pas comment votre bout de chou va réagir à son premier spectacle, expliquez-lui comment ça va se passer. Rassurez-le sur le fait que vous resterez ensemble pendant toute la durée du spectacle. Même si les enfants sont incités à venir s’asseoir sur les places des premiers rangs pour mieux voir, vous avez entièrement le droit de le garder sur vos genoux. De même, vous pouvez lui parler discrètement pendant le spectacle pour vérifier qu’il comprend bien ce qui se passe. Si vous le sentez anxieux, n’hésitez pas à vous moquer des personnages ou à relever les détails qui montrent que le loup est en fait un humain déguisé. Les enfants adorent se déguiser et incarner des personnages divers. Votre enfant sera sans doute sensible à la dimension ludique du costume de scène.

En focalisant sur l’histoire, les décors, la musique, vous détournez son attention des coins sombres de la salle. Une manière d’acclimater en douceur les plus jeunes au noir. Au théâtre, il sera interprété comme moyen de mettre en valeur l’histoire plutôt que comme source d’angoisse. Et plus vous anticipez avant le spectacle, plus votre enfant a de chance d’oublier ses peurs. Avant et après, pensez à rejouer des scènes, notamment en créant un éclairage spécial et en intégrant l’obscurité à vos improvisions. La présence du noir libère l’imaginaire et n’est pas forcément un facteur négatif. Bien au contraire !

Vaincre la peur du noir au moment du coucher et pendant la nuit

Les meilleures astuces pour aider son enfant à maîtriser sa peur du noir dépendent de l’âge et de la sensibilité de chaque enfant. Si vous cherchez des idées, vous pouvez piocher dans cette liste non exhaustive.

Les objets techniques au secours de la peur du noir

Certains équipements adaptés aux tout-petits, permettent d’adoucir le passage de la veille au sommeil :

  • Maintenir l’éclairage du couloir allumé pour qu’il diffuse une douce lumière dans la chambre. L’inconvénient c’est que vous aurez sans doute envie d’éteindre plus tard dans la nuit. Si votre enfant se réveille à 3h du matin, il se trouvera donc dans le noir complet. À voir donc en fonction de son rythme de sommeil. Vous pouvez aussi équiper la chambre de votre enfant avec un gradateur, une guirlande lumineuse ou tout simplement une lampe avec une ampoule de faible intensité. À vous de voir où placer le luminaire pour maximiser le confort visuel de l’enfant et lui laisser la main sur la commande d’allumage.
  • Fournir une veilleuse individuelle à l’enfant. Il en existe de différentes tailles et textures et adaptées aux enfants dès la naissance. Sorte de doudou lumineux, la veilleuse pour enfant s’active au toucher ou peut être programmée pour s’éteindre au bout d’un certain laps de temps. Les plus grands qui ont besoin d’aller aux toilettes pendant la nuit peuvent se munir d’une lampe de poche adaptée à leur âge (sécurité enfant pour les piles et les matériaux). C’est une solution plébiscitée par les familles et qui a fait ses preuves.
  • Proposer une écoute musicale ou une histoire audio pour se rassurer. En focalisant son attention sur ce qu’il entend, l’enfant éloigne ses peurs au moment du coucher ou lors des réveils nocturnes. Pour cela, il dispose d’une enceinte facile à manipuler (comme l’enceinte Merlin !) et il peut choisir une histoire ou une berceuse pour créer un climat calme et propice à l’endormissement. Par exemple, sur son enceinte Merlin, l’enfant peut ranger ses contenus préférés dans la rubrique « Favoris » et les retrouver rapidement. Pratique en pleine nuit pour éviter de se réveiller complètement ou d’appeler ses parents à l’aide.

Enfant qui utilise une veilleuse pour ne pas avoir peur du noir

La parole demeure le lien primordial qui unit parent et enfant. Elle rassure, explique et dédramatise les angoisses et les peurs. Elle accompagne les temps de partage, d’activités pratiquées en commun et favorise la qualité du lien familial.

Pour instaurer ce climat serein, vous pouvez :

  • Ménager des temps calmes. D’une manière générale, les activités de détente et de calme contribuent à un bon équilibre psycho-affectif. En la matière, les activités destinées aux enfants recouvrent aussi bien la relaxation, la sophrologie, les exercices respiratoires, le yoga, et bien sûr la méditation.
  • Rester à son écoute sans juger et partager votre propre expérience, vos anecdotes d’enfance, votre ressenti face aux cauchemars, monstres etc.
  • Veiller à ce que l’enfant soit en possession de son doudou. L’objet transitionnel (peluche, couverture, jouet…) accueille les tracas des enfants. Il sert de confident, de substitut parental, parfois d’ami imaginaire. Sa présence est indispensable à l’enfant qui l’a investi d’une grande valeur affective. Certains enfants n’en ont pas, mais c’est rare et ceux-là ne rechignent cependant pas à se doter d’une peluche toute douce comme compagnon.
  • Mettre en place un rituel du coucher pour favoriser un climat calme et serein avant de s’endormir. Les parents peuvent pratiquer un temps calme, jouer à un jeu de société coopératif et évidemment lire un album à leur enfant !
Le lecture pour vaincre la peur du noir chez l'enfant
La lecture pour vaincre la peur du noir chez l’enfant (©Canva Pro)

De fait, la lecture a des vertus salvatrices. Elle permet de répondre à des questions et de lever des angoisses infantiles. Elle occupe une place privilégiée dans la relation de l’enfant à l’adulte par sa richesse créative et son potentiel éducatif.

La peur du noir dans l’album jeunesse

Pour nous guider dans l’univers du livre jeunesse spécifiquement sur le thème de la peur du noir, la spécialiste Maria Chiara Ragazzi répond à nos questions et nous partage ses coups de cœur d’albums.

En tant que spécialiste de la petite enfance, vous avez porté une attention particulièrement à la peur du noir. Vers quel âge se manifeste-elle ?

La peur du noir est ancestrale et universelle. Je préfère parler de « peurs » du soir au pluriel parce que la peur du noir se manifeste chez les enfants en prenant des formes différentes. Et parce que la peur du noir survient le plus souvent le soir, quand la lumière du jour laisse la place à l’obscurité.

L’ouvrage Les peurs de votre enfant (1997) propose une classification minutieuse des peurs enfantines. Elles sont reparties en catégories construites selon l’âge d’apparition et l’objet de la peur. La peur de l’obscurité se développe à partir de deux ans et atteint son paroxysme entre 3 et 6 ans.

Pourquoi l’enfant est-il particulièrement sujet à la peur du noir au moment du coucher ?

Le moment du coucher coïncide avec la disparition de la lumière. Avec la pénombre, l’enfant perd ses repères, tout disparaît : les contours des objets dans sa chambre, ses peluches. Le connu devient inconnu et l’enfant se sent démuni. Le silence peut aussi devenir déroutant, car il marque la fin des activités familières. C’est alors dans le noir que l’enfant a peur du noir. Dans l’obscurité, des ombres, des monstres, des sorcières, des loups et des ogres envahissent sa chambre.

Les êtres effrayants qui font leur apparition le soir se nourrissent d’ailleurs de tout ce qui se passe dans la journée, des évènements que les enfants vivent et des émotions qui les accompagnent.

Dans l’inconscient collectif, le sommeil est d’ailleurs assimilé à une « petite mort », la peur de s’endormir devenant aussi celle de ne pas se réveiller. Cela est vrai surtout pour les enfants, qui vivent l’endormissement comme un risque. La prise de conscience que la mort existe, qui advient normalement autour des 5 ans, peut faire craindre le sommeil.

angoisses enfant sommeil
Enfant angoissé par les peurs du soir (©Canva Pro)

Comment le thème de la peur du noir est-il traité en littérature jeunesse ? pour quel âge ? 

Les livres qui apaisent la peur du noir

Au cours de mes recherches, j’ai remarqué que la plupart des livres pour enfants sur la peur ont une approche psychologisante. La peur du noir est souvent intégrée dans des collections ou dans des séries qui offrent des outils pour gérer les émotions des plus jeunes. Par exemple, la psychothérapeute et médecin Catherine Dolto (La peur, Gallimard jeunesse, 2020) offre des explications pour comprendre et apprivoiser cette émotion. Ce type d’ouvrage fonctionne comme un outil pour gérer les émotions qui est davantage destiné aux parents qu’aux enfants. Car les adultes redoutent d’être confrontés à la peur de leurs enfants.

J’ai pu observer sur le terrain une amplification des craintes des parents à l’égard de leurs enfants. Bien sûr, le désir de protéger les plus jeunes est tout à fait compréhensible. Surtout à l’époque actuelle, où la facilité d’accès à tout genre d’information, favorisée par internet, est susceptible d’exposer les enfants à des contenus inappropriés et à des dangers réels. Toutefois, l’attitude hyper protectrice des adultes, qui consiste à mettre les enfants à l’abri de toutes les émotions jugées négatives ou trop fortes, me semble parfois excessive. Elle peut même devenir nuisible pour le développement des enfants.

Lire des livres qui font peur : un bon remède !

Il est désormais reconnu que lire, ou se faire lire des histoires qui font peur, est nécessaire au bon développement psychique et affectif des enfants. Comme l’explique le psychiatre et neurologue Boris Cyrulnik, « Un enfant trop sécurisé ne s’attache pas, il n’a pas appris la fierté d’avoir été plus fort que la peur » (Assises du roman, 2012).

Les enfants ont donc besoin de lire des récits effrayants, pour vivre la peur par procuration, dans un cadre protégé, c’est-à-dire l’espace fictionnel de la narration. Ce que les enfants vivent à travers les récits et les personnages se transforme en expériences réelles. Claude Ponti, créateur de héros et héroïnes qui n’ont peur de rien, a affirmé la nécessité de ne pas cacher aux enfants les aspects les plus difficiles de la vie (Interview de Nathalie Brisac enregistrée en 2018 à Strasbourg). Au contraire, l’auteur propose d’inciter les enfants à ne pas avoir peur d’avoir peur. En effet, ils pourront toujours trouver une solution aux difficultés. Il ajoute que c’est beaucoup plus intelligent, dans les livres, de montrer à un enfant que la peur est surmontable, plutôt que de lui éviter de connaître cette émotion. Car, dans ce dernier cas, l’enfant ne saura pas affronter la peur dans la vraie vie.

Bruno Bettelheim, d’un point de vue psycho-analytique, a été le premier à souligner l’importance des contes de fées. Selon lui, ils « débutent là où se trouve réellement l’enfant dans son être psychologique et affectif. Ils lui parlent de ses graves pressions intérieures d’une façon qu’il enregistre inconsciemment et […] lui font comprendre par l’exemple qu’il existe des solutions momentanées ou permanentes aux difficultés psychologiques les plus pressantes ». (Psychanalyse des contes de fées, Éditions Pocket, 1999)

Enfant qui dort avec son doudou
Enfant qui dort avec son doudou (©Canva Pro)

Quelle place pour l’humour dans l’album qui met en scène la peur du noir ?

En littérature jeunesse, l’album a souvent vocation à apaiser la peur du noir, comme le désormais classique Tu ne dors pas Petit Ours ? (Martin Waddell et Barbara Firth, Pastel, 1995). Une autre voie peut être de proposer à l’enfant des astuces pour la dépasser, notamment grâce à l’humour.

Peur du noir et gestion des émotions

À mon avis, il faut faire la différence entre l’émotion de la peur et l’objet qui la suscite. L’émotion de l’enfant ne doit pas faire l’objet d’une dérision, elle doit être prise au sérieux par l’adulte. L’objet qui suscite la peur, qu’il soit un être imaginaire (fantôme, ogre, sorcière…) ou non, peut en revanche faire l’objet d’une dérision. Rire de son cauchemar, le ridiculiser, (comme dans les albums Le slip du cauchemar (Claudine Aubrun, Magali Le Huche, Seuil Jeunesse, 2018) ou Tromboline et Foulbazar : le cauchemar (Claude Ponti, l’école des loisirs, 1998) donne à l’enfant une sensation de puissance. Il prend le contrôle de son émotion et trouve ainsi une manière de la dédramatiser, sans qu’elle ne soit niée ni réprimée. Les livres deviennent alors des écrans où projeter ses émotions.

La littérature est ainsi le lieu par excellence où les enfants peuvent vivre les émotions et les situations les plus complexes, même celles effrayantes ou difficiles, à l’abri des dangers potentiels qui pourraient se manifester dans la vraie vie.

Lecture par l’adulte : complicité et production de sens

Quand il s’agit de livres destinés à des enfants jusqu’à 6 ans, en principe non-lecteurs, la place de l’adulte joue un rôle important dans le rituel de la lecture d’albums. On considère alors que le lectorat est double. Les livres plaisent aux adultes comme aux enfants ! Le récit peut se jouer sur deux (ou plusieurs) niveaux de lecture.  L’enfant « lit » de façon immédiate les images et l’adulte se charge du texte. C’est tout l’intérêt des albums qui valorisent le rapport texte/images. En outre, en s’adressant à l’adulte lecteur, l’auteur peut insérer des références littéraires et culturelles que le jeune enfant n’est pas supposé connaître. Cela constitue une attraction pour l’adulte, qui est souvent le prescripteur, et une source de dialogue parent/enfant fécond.

Par ailleurs, la lecture à voix haute de l’adulte constitue un vecteur de communication des émotions des personnages. Par ses intonations, ses silences et ses variations de ton et de volume, l’adulte-lecteur aide l’enfant à mieux saisir les enjeux de l’album. Plus spécifiquement, le ton humoristique nécessite une participation active de l’adulte. Celui-ci va transmettre les subtilités de l’intertexte (implicite et sous-entendus, références et clins d’œil).

L’humour comme moyen de désamorcer la peur du noir

En étudiant le rôle de l’humour dans les albums qui traitent de la peur du noir, je suis parvenue à la conclusion qu’il est un moyen – subversif – de réhabiliter la pleine expression de la peur.

Si les livres « médicaments » sur la peur du noir, à caractère psychologisant, sont des ouvrages conçus pour désamorcer rationnellement une puissante charge affective, les albums que j’ai retenus proposent une attitude différente.

L’humour intervient souvent quand la peur est à son comble. Il permet ainsi de dissoudre la tension émotionnelle par le mécanisme libératoire du rire. Il constitue alors une alternative aux formes de soulagement utilisées pour contenir la puissance des émotions. De plus, le texte humoristique est plutôt un texte pour rire avec, qu’un texte pour rire de ou rire contre.

Quelle sélection d’ouvrages conseilles-tu pour les 2-4 ans ? pour les 4-8 ans ? On va se limiter à 5 par catégorie, même s’il en existe beaucoup d’autres !

Sélection d’albums sur la peur du noir pour les tout-petits (2-4 ans)

Voici 5 albums incontournables à lire et relire avec les enfants entre 2 et 4 ans :

  • Tromboline et Foulbazar : le cauchemar (L’école des loisirs, 1998). Album de Claude Ponti qui fait partie de la série de Tromboline et Foulbazar. L’auteur met en scène deux poussins ridiculisant Adémar le cauchemar, qui essaye sans succès de perturber leur sommeil. À partir de 2 ans.
  • Trabakaloum ! (L’école des loisirs, 2005) de Jean-Luc Englebert. C’est l’histoire de Thomas, un enfant qui trouve une manière de renverser une situation devenant dangereuse… grâce à une formule magique !

  • Le cauchemar de Gaëtan Quichon (L’école des loisirs, 2004). Quand la peur laisse la place à la réflexion, Gaëtan, un petit cochon très attachant, conçoit une ruse pour sortir du ventre du cauchemar qui l’a avalé. Humour scatologique qui fait rire les petits comme les grands !
  • Boris : bande de trouillards ! (Éditions Thierry Magnier, 2010) de Mathis. Boris, petit ourson de la série homonyme de Jean-Marc Mathis, nous fait rire avec ses doudous et jouets anthropomorphisés, par un langage familier qui joue sur les termes désignant la peur.
  • La peur du monstre (L’école des loisirs, 2011) de Mario Ramos. Cet album joue sur le renversement des rôles, pour apprendre aux plus petits que chacun de nous peut être un monstre pour quelqu’un d’autre.

Sélection d’albums sur la peur du noir pour les enfants à partir de 4 ans

Ces albums raviront des enfants un peu plus grands et qui aiment observer le moindre détail !

  • Monstres de maison (Éditions Grasset, 2020) d’Eleonora Marton. Il s’agit de l’album phare qui a guidé mes analyses graphiques sur la peur et l’humour. Pour découvrir que la peur peut être générée par une illusion de la perception.
  • Peurs du soir (Éditions La Partie, 2024) de Laurie Agusti. Album très riche graphiquement, qui met en scène, du point de vue de l’enfant protagoniste, des stratégies pour faire face à la peur du noir.

  • Papa ! (L’école des loisirs, 1995). Un album culte de Philippe Corentin, qui joue avec les attentes du lecteur en renversant les rôles du binôme monstre-enfant. Qui est le monstre ? La voie vers plusieurs interprétations est laissée ouverte au lecteur.
  • J’ai peur du noir (Kaléidoscope, 2017) de Jean-François Dumont. Le trait saillant de cet album est son jeu esthétique sur la peur du noir. Celle-ci devient peur du blanc ou du gris… selon la culture d’appartenance !

  • Le loup ne viendra pas, (Ed. Élan vert, 2017) de Myriam Ouyessad et Ronan Badel. Où la peur est suscitée chez le lecteur par l’avancée menaçante d’un loup qui s’approche de plus en plus de la maison du lapin protagoniste… Mais la fin fera rire grands et petits !
  • Il y a des monstres dans ma chambre (l’Atelier du Poisson Soluble, 2016) de Fanny Pageaud. Album très graphique qui demande la collaboration de l’enfant avec une lampe de poche, pour faire apparaître et disparaître tous les monstres cachés dans les pages du livre.

Et chez vous, quelles sont vos astuces pour aider votre enfant à surmonter sa peur du noir et des monstres nocturnes ? Rendez-vous sur nos réseaux sociaux Facebook et Instagram pour partager vos idées !

Si vous cherchez d’autres idées de lecture, vous pouvez consulter notre sélection pour les 0-3 ans, celle sur la BD ou encore sur la thématique du fantastique ou de Noël

*Maria Chiara Ragazzi est éducatrice spécialisée en petite enfance, enseignante et formatrice. Son mémoire de M2 « Quand l’humour illumine la peur du noir dans les albums pour enfants » sera bientôt accessible sur la base de données HAL (Master 2 Littérature d’enfance et de jeunesse, Université d’Artois, 2024).

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CHARGEMENT DE L'ENCEINTE
2ème génération

🌱 Pour réduire les déchets électroniques,  conformément à la réglementation européenne, les nouvelles enceintes Merlin se chargent avec un “chargeur universel” USB-C, non fourni dans l’enceinte, tel qu’indiqué sur le schéma ci-dessus.