Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
La capacité à faire des choix fait partie des compétences sociales indispensables pour avancer en confiance dans la vie. Parfois, la simple évocation du mot “choix” génère de l’angoisse. La peur de se tromper, de faire de mauvais choix paralyse et dégrade le bien-être et la santé mentale. Même si les enfants n’ont pas de décisions majeures à prendre, ils sont néanmoins soumis au stress de faire des choix eux aussi. C’est vrai à l’école lorsqu’il faut répondre à une consigne d’exercice ou veiller aux liens de camaraderie. Et c’est vrai à la maison pour préparer ses vêtements, décider à quoi jouer avec un copain ou quelle histoire lire…
Comment aider nos enfants à vivre plus sereinement leurs choix ? Voici 5 conseils pour développer leurs compétences décisionnelles et renforcer leur sentiment de contrôle de leur vie.
Dialogue et jeu aident à faire des choix
Pour éviter de se trouver en difficulté face à une décision, la meilleure arme reste l’anticipation ! En conduisant votre enfant à imaginer dans quels contexte et circonstances il va devoir faire un choix, vous l’aidez à entrevoir les divers scénarios possibles.
Favoriser le dialogue parent/enfants
Avec les plus grands cela passe par un dialogue constructif nourri par de précédentes décisions. Évoquer les réussites et analyser les échecs avec son enfant l’aide à prendre du recul et à relativiser. Tu as voulu porter des chaussures montantes et maintenant elles te font mal aux chevilles… Tu le sauras pour la prochaine fois !
En évoquant les choix passés inappropriés, l’enfant s’en remémore les raisons et les réévalue selon de nouveaux critères. Il comprend que ses choix ne sont pas immuables (il changera bientôt de pointure ! ) et que des solutions pratiques sont envisageables pour patienter (comme laisser la fermeture entrouverte ou desserrer les lacets).
Même si l’achat des chaussures représente un budget, l’adulte conserve son sang froid et discute avec son enfant des remèdes possibles. Il est important qu’il se fasse sa propre expérience pour comprendre par lui-même et gagner en autonomie.
Prendre du recul pour mieux faire ses choix
En outre, chaque décision est remise à sa place dans un ensemble plus vaste. Tu as opté pour les patins à roulettes plutôt que les rollers en ligne et désormais tu es plus à l’aise. En plus, ça te donne un look rétro très à la mode ! Dans cet exemple, l’adulte valorise les choix de l’enfant et souligne sa responsabilité. Il faut choisir l’équipement qui convient à soi et ce n’est pas forcément celui qu’ont choisi les copains.
Mais il y a souvent des avantages à ne pas faire comme tout le monde. Se distinguer par ses choix est un moyen de prendre confiance en soi et de trouver sa place parmi les autres. Tu ne veux porter que des T-shirts à rayures pour montrer que tu adores la mer ? Pas de problème, chacun porte ce qu’il veut et a droit à vivre sa passion ! Ça tombe bien pour un/une spécialiste du Vendée Globe !
Approche ludique et imaginaire pour les plus jeunes
Toutefois avec les plus jeunes, l’absence de points de comparaison ou la faiblesse du nombre d’expériences invite à une approche plus ludique. En effet, à aborder trop sérieusement les décisions d’un jeune enfant, on participe davantage à son anxiété. Si papa et maman ont l’air si impliqués, c’est que ça doit être grave ! Il n’est pas toujours limpide pour un tout-petit d’évaluer le degré d’importance d’un choix. La discussion sérieuse pourra attendre encore quelques mois ou années !
Le psychodrame et le jeu de rôle pour tester les choix
Par conséquent, les parents ont tout intérêt à amener leurs enfants à vivre des situations de choix à travers le jeu. En la matière, le jeu de rôle, appelé aussi psychodrame par les psychothérapeutes, démontre une efficacité remarquable.
Qu’est-ce qu’un psychodrame ?
L’idée est simple : distribuer des rôles antagonistes et imaginer les réactions, paroles, comportements qu’ils manifestent les uns vis-à-vis des autres. Cette technique a été inventée par Jacob Levy Moreno (1889-1974), l’initiateur de la psychothérapie de groupe. Elle est largement utilisée en thérapie, mais aussi en formation et en pédagogie.
En outre, elle a trouvé un prolongement ludique dans le jeu de rôle. Associé au jeu Dungeons & Dragons des années 1970 qui s’inspire des jeux de guerre et de l’univers de Tolkien, le jeu de rôle fait interagir des personnages censés résoudre des situations problématiques.
Faire des choix dans un cadre ludique et sans pression
D’ailleurs, qu’est-ce que le jeu de rôle si ce n’est la conceptualisation du jeu libre de l’enfant ? Quand ils et elles s’imaginent chevaliers ou exploratrices, chanteurs à succès ou sportives olympiques, ils/elles incarnent des personnages auxquels s’identifier.
L’enfant a cette capacité d’imagination de transformer son monde pour en créer un nouveau – et opérationnel – avec deux chaises et une couette. Dans cet univers il interagit avec d’autres enfants et des objets investis d’une aura magique (la poupée qui parle, le miroir ensorcelé…). Le jeu de rôle pour enfants n’a pas besoin de plateau ni de pions, seulement d’autres enfants désireux comme lui de vivre un temps présent déconnecté de la réalité immédiate. Mais qui peut recouvrir une réalité symbolique…
Exemple de jeu de rôle pour aider son enfant à faire des choix
De fait, c’est là que réside tout l’intérêt de jouer à « faire comme si » avec les enfants. Par exemple lorsque l’enfant doit choisir son activité extra-scolaire, vous pouvez jouer avec lui les différentes possibilités et mimer la natation, le ski, le hip-hop etc. Ainsi il pourra se projeter et tester dans quelle activité il se sent le plus à l’aise. Bien sûr, les journées portes ouvertes et séances d’essai présentent également un intérêt indéniable pour essayer une discipline avant de s’inscrire. Mais le psychodrame permet de mettre en concurrence toutes les alternatives dans le même temps de jeu, de basculer de l’une à l’autre et d’évaluer son ressenti.
Apprendre à faire des choix avec les smart games
L’éducation parentale s’appuie beaucoup sur le jeu pour aider les enfants à se découvrir et à développer leurs aptitudes intellectuelles et manuelles.
Développer les capacités de réflexion
Les jeux de société aident à augmenter les capacités de concentration, le respect des règles et le plaisir de jouer à plusieurs (modulation des émotions). Ils contribuent à une bonne entente entre frères et soeurs lorsqu’ils s’adonnent à des jeux coopératifs et ils développent le sens de la stratégie.
Toutefois, ce sont surtout les jeux de réflexion, appelés aussi smart games, qui apprennent à résoudre des problèmes. La résolution de casse-tête, énigmes, enquêtes etc. oblige l’enfant à mobiliser toutes ses ressources pour analyser une situation et trouver une solution. De fait, cette solution s’apparente à une décision, une action que l’enfant décide de conduire pour mettre fin à un problème.
Quelques exemples de jeux qui réclament de faire des choix
C’est pourquoi lorsque les parents mettent à disposition de leurs enfants un échantillon varié de smart games, ils contribuent à développer leurs capacités de prise de décision. Prenons l’exemple du Cluedo (Hasbro) ou encore de Camelot Junior (Smart Games). Pour gagner l’enfant doit, soit faire appel à ses capacités de déduction logique, soit faire les bons choix de placements spatiaux.
Tous ces jeux réclament de prélever des informations, de les analyser et de tirer des conclusions pour agir. Ils incitent l’enfant à davantage d’organisation et de logique dans leur raisonnement. Autant de facteurs qui conduisent à faire des choix. L’enfant comprend qu’un choix ne se joue pas sur un coup de hasard, mais bien plutôt sur de multiples critères qu’il évalue au regard de son objectif.
Lutter contre le sentiment d’échec et reprendre le contrôle
Par ailleurs, les jeux de société et smart games ont cette vertu de lutter contre le sentiment d’échec. Quand l’enfant se trompe, se corrige à l’aide des fiches de solutions puis rejoue une nouvelle partie, il développe ses capacités de résilience. En apprenant à gérer l’échec comme une étape normale du processus d’apprentissage ou un obstacle possible dans la vie, l’enfant se protège d’une trop grande frustration. Il fait plus facilement face à ses émotions et accroit ses ressources mentales pour rebondir à nouveau.
Les aides visuelles et organisationnelles pour choisir
Avec les tous-petits ou les enfants présentant un handicap ou un trouble de l’attention, le recours à des outils d’aide à la décision peut s’avérer judicieux.
En fonction de l’enfant, de son âge et de ses capacités, ces aides prennent différentes formes.
Les supports photos
L’enfant peut observer les différentes alternatives qui se présentent à lui. Par exemple, il consulte les possibilités de vêtements de son armoire : short, jean, chemisette, en fonction de la météo. Les photos suggèrent que par temps froid il vaut mieux opter pour une pull épais, alors qu’en été il pourra choisir un short ou un bermuda. L’enfant dispose ainsi d’informations visuelles sur une affichette qui lui sert de repère pour faire ses choix vestimentaires.
Les tableaux à double entrée
Afin d’initier les enfants à l’équilibre alimentaire, on peut leur fournir un tableau récapitulatif des différents éléments (nutriments) à consommer pour être en bonne santé. En fonction du menu familial et des règles fixées, il pourra par exemple choisir un yaourt plutôt qu’un morceau de fromage pour son apport en calcium. On peut même imaginer un tableau avec des étiquettes qui reprennent le menu de la cantine pour équilibrer celui du soir.
En associant l’enfant à l’élaboration des menus, on l’aide à faire les bons choix alimentaires pour sa santé future. Ce type de tableau peut servir aussi pour l’hygiène en rappelant les tâches à effectuer : prendre sa douche, se brosser les dents, se laver les mains avant les repas etc. Les choix sont très encadrés mais une fois intégrés, ils sont voués à être pris seul sans support, quand l’enfant est prêt.
Les matériaux à manipuler
En passant par la manipulation d’objets concrets, l’enfant estime mieux les paramètres de ses choix. Les jeux d’eau et de sable par exemple lui montrent que ses choix sont déterminés par les propriétés physiques de la matière. Il ne pourra pas remplir son seau au-delà de sa capacité et devra faire plusieurs voyages pour remplir la bassine.
Le planning
En tant qu’outil visuel, le planning donne aux enfants les informations nécessaires à leurs choix. Avoir une visibilité sur les impératifs quotidiens (repas, bain, courses, activités sportives, séances de rééducation chez l’orthoptiste etc.) les aide à choisir leur organisation en fonction des contraintes. Je ne peux pas inviter un ami samedi après-midi car je vais à mon cours de piscine. Je vais donc demander si c’est possible dimanche.
En fournissant à l’enfant des supports visuels et des outils pour faire ses choix, on favorise son acquisition de l’autonomie.
Respecter les choix de son enfant
Exprimer un choix permet de s’affirmer en tant que personne. Votre enfant a choisi les baskets rouges et non les bleues. Cela peut paraître anodin, mais c’est une manière pour lui de se distinguer et de prendre confiance. Critiquer ses choix risque de provoquer une blessure narcissique, justement à l’âge où la personnalité se construit. Il est important donc de respecter ses préférences.
Affirmation de soi
Cela ne signifie pas que vous deviez mentir ou vous extasier à chacune de ses décisions. Mais vous restez à son écoute et montrez que vous acceptez ses choix. Les baskets rouges sont très jolies et iront bien avec ton blouson. J’aurais choisi les bleus parce que c’est ma couleur préférée et que j’aime bien les bandes blanches. Mais tu as bien fait de choisir celles que tu préfères, car c’est toi qui vas les porter.
Ainsi l’enfant découvre l’altérité et constate que chacun est libre d’exprimer ses goûts. Évidemment ce type de choix est rarement problématique.
Les “bons” choix de comportement
Les parents s’inquiètent davantage de la capacité de leurs enfants à faire les « bons choix » en matière de comportement. Ont-ils été sages avec leurs grands-parents ? Ont-ils aidé leurs camarades en difficulté sans se moquer d’eux ? Quand on parle de choix, on sous-entend souvent ceux qui concernent la morale et la politesse. Faire le bon choix c’est refuser de voler le goûter du copain oublié sur le banc, c’est ramasser la trousse du voisin, c’est tenir la porte en sortant de la boulangerie…
Toutes ces qualités humaines résultent de choix doublement déterminés : par l’éducation parentale d’une part et par la personnalité d’autre part. Le modèle parental influe sur la perception du monde par l’enfant. Une attitude civique et responsable de la part des adultes a un impact significatif sur les choix de l’enfant.
De même, donner la parole à son enfant et le laisser choisir dans le cadre familial l’aident à trouver ses marques et à s’insérer dans le collectif. L’enfant a soif d’autonomie et sait que c’est en devenant responsable de lui-même qu’il sera apprécié par son entourage. C’est pourquoi il est important de l’impliquer dans les décisions familiales qui le concernent. Il peut participer au choix du menu, du film de la soirée cinéma, de l’itinéraire de la balade…
Analyser les conséquences positives et négatives d’un choix
L’enfant a besoin de feedbacks pour analyser ses choix et en formuler de nouveaux plus éclairés.
Respect des règles familiales et autonomie
À partir du moment où les règles familiales sont respectées, il n’y a pas de raison éducative valable de punir un enfant pour un mauvais choix. Le parent a pour rôle d’accompagner le retour critique sur ses expériences. Était-ce une bonne idée ? Pourquoi ? Que les choix s’avèrent judicieux ou non, le retour d’expérience contribue grandement à forger les décisions de demain. L’enfant comprend qu’il engage sa responsabilité personnelle et qu’il ne peut incriminer personne à sa place. S’il a choisi une glace à la vanille et que finalement il aurait préféré le parfum chocolat, il réfléchira plus longuement la prochaine fois !
Aider l’enfant à se projeter et à anticiper
Par ailleurs, les parents peuvent également initier une conversation en amont de la décision pour évaluer les avantages et les inconvénients. Par exemple, si l’enfant veut pratiquer une nouvelle activité, il l’interrogera sur ses motivations et lui exposera d’éventuels aspects négatifs (horaires, durée, localisation, risques…). Les enfants ne peuvent bien évidemment pas penser à tout et ont tendance à ne considérer que les facteurs positifs.
Par ailleurs, lorsque les parents prennent la peine de verbaliser leurs propres réflexions et tergiversations, ils montrent qu’une décision repose sur une estimation du rapport bénéfices/risques. J’ai envie de manger une pizza ce soir, mais le temps que je la fasse il sera très tard, je vais plutôt faire des pâtes avec une bonne sauce.
Vous avez sans doute beaucoup d’autres exemples en tête qui concernent la vie quotidienne et le travail ! Car nos journées sont remplies de choix, banals ou cruciaux, faciles ou cornéliens…
Faire des choix sans stress réclame un certain degré de sérénité et de technique (méthode du tableau pour/contre, psychodrames, feedbacks d’autres personnes confrontées aux mêmes problèmes…). Les enfants ont également leur lot de choix à effectuer. Ils leur permettent de s’affirmer et de devenir plus responsables. Grâce à eux, ils acquièrent aussi confiance et estime de soi, pour continuer d’aller de l’avant. En favorisant le dialogue et en respectant leurs choix, les parents accompagnent en douceur ces moments d’enthousiasme et de doute.
Si vous avez des idées à partager pour guider les enfants dans leurs choix, rendez-vous sur nos réseaux sociaux FB et Instagram !