Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
Il participe aux jeux de votre enfant, s’invite à table ou à l’heure du bain… L’ami imaginaire est un compagnon issu de l’imagination de votre enfant. Il lui permet d’exprimer ses émotions et d’enrichir ses scénarios de jeu. À quel âge les enfants créent-ils un ami imaginaire ? Comment réagir et faut-il s’en inquiéter ?
Âge et profil des enfants qui s’inventent un ami imaginaire
En général, les enfants partagent leurs jeux avec un ami qu’ils s’inventent aux alentours de 3-4 ans. Pourquoi sont-ils poussés à le faire ?
À quel âge les enfants commencent-ils à créer des amis imaginaires ?
Les amis imaginaires apparaissent généralement entre 2 et 7 ans, avec un pic autour de 3-4 ans. Cela correspond à une phase importante du développement psycho-moteur et langagier. L’enfant se déplace en autonomie, varie et adapte ses déplacements, découvre chaque jour le monde qui l’entoure.
L’entrée à la maternelle lui confère un statut d’élève, donc d’apprenant, qui stimule son imagination et sa curiosité. C’est l’âge des aventures extraordinaires, des mondes peuplés de créatures fantastiques. L’enfant passe de longs moments à jouer avec ses figurines dont il connait chaque détail et subtilités. Il est capable d’énumérer toute sa collection de dinosaures ou d’animaux sauvages, en citant leur régime alimentaire !
Pourquoi mon enfant a-t-il un ami imaginaire ?
De fait, l’imagination de l’enfant n’a aucune limite ! Pour partager ses aventures, il est fréquent que l’enfant s’invente un compagnon de jeu. Il peut s’agir d’une peluche ou d’un doudou qui occupent une place importante à ses yeux, ou bien d’un personnage invisible. L’intérêt de ce dernier est qu’il est transformable à volonté et s’adapte à toute situation, du quotidien comme d’une histoire inventée. Il est toujours présent et ne peut être oublié ou perdu, ni s’abîmer. Ainsi, il est le compagnon idéal, toujours disponible pour partager les bons comme les mauvais moments.
Quel est le profil des enfants qui s’inventent un ami imaginaire ?
Il n’y a pas vraiment de profil spécifique, mais plutôt une tranche d’âge qui balaie l’acquisition de l’autonomie (marche, langage, propreté). Toutefois, il est certain que les enfants dotés d’une grande imagination sont davantage susceptibles de s’en créer un. La vie intérieure de l’enfant foisonne et déploie sa richesse en interactions variées : témoin d’exploit, interlocuteur, compagnon de blagues…
Par ailleurs, un ami imaginaire peut surgir lors d’événements marquants, joyeux ou malheureux : vacances, déménagement, décès… L’enfant trouve du réconfort à communiquer avec cet ami qui lui sert de soutien émotionnel.
Est-ce normal pour les enfants d’avoir des amis imaginaires ?
Les spécialistes de la petite enfance et de la santé pédiatrique s’accordent pour considérer qu’il est normal pour un enfant d’avoir un ami imaginaire.
Développement cognitif et ami imaginaire chez l’enfant
Les enfants qui créent des amis imaginaires développent des compétences cognitives importantes à travers leurs interactions fictives. Ces amis leur permettent d’expérimenter des scénarios sociaux, d’explorer des émotions complexes et de développer des compétences linguistiques et narratives.
Les amis imaginaires permettent aux enfants de mieux comprendre le monde qui les entoure. En jouant des rôles avec leurs compagnons fictifs, ils apprennent à résoudre des conflits, à négocier et à prendre des décisions, compétences essentielles pour leurs futures interactions sociales. De plus, ces camarades imaginaires offrent un moyen sûr pour les enfants de tester leurs peurs et leurs désirs. Par exemple, un enfant peut créer un ami courageux pour faire face à des situations effrayantes ou un ami drôle et bavard pour surmonter un sentiment de solitude.
Développement des compétences linguistiques et raisonnement abstrait
En discutant avec son ami imaginaire, l’enfant améliore également ses compétences linguistiques. Il s’exerce à raconter des histoires, invente des dialogues et mobilise un vocabulaire de plus en plus étendu. Cette pratique narrative renforce non seulement les capacités linguistiques, mais aussi la mémoire et l’attention aux détails. En outre, les enfants qui interagissent régulièrement avec un ami imaginaire développent une meilleure compréhension de l’autre. Ils font preuve d’empathie, car leur ami imaginaire les pousse à se mettre à la place des autres. Ainsi, ils appliquent dans la vie réelle ce qu’ils ont déjà pratiqué dans un contexte imaginaire.
Par ailleurs, les amis imaginaires favorisent le raisonnement abstrait. Les enfants apprennent à séparer le monde réel de leurs créations imaginaires, développant ainsi leur capacité à concevoir des idées et des scénarios complexes. Cette distinction entre réalité et fiction est cruciale pour le développement de la pensée critique et des compétences de résolution de problèmes.
Les amis imaginaires peuvent-ils être un signe de troubles psychologiques ?
Il est tentant de se demander s’il est « normal » pour un enfant d’avoir un ami imaginaire. Au cinéma, les enfants qui parlent à un ami imaginaire sont soit dotés de pouvoirs paranormaux (Danny dans Shining de Stanley Kubrick), soit possédés par des esprits malfaisants (Silent Hill, Insidious…). Heureusement, récemment les amis imaginaires proposés par le cinéma d’animation rendent justice à l’imagination des enfants et à leurs capacités créatives : Nina et le secret du hérisson (Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli, 2023), Blue et compagnie (John Krasinski, 2024)…
Avoir un ami imaginaire n’est donc pas un trouble psychologique. Bien au contraire, cela est considéré comme bénéfique au développement émotionnel et social de l’enfant. Toutefois, il convient d’être vigilant à ce que l’enfant continue de fréquenter des amis réels. En cas d’isolement, avec ou sans ami imaginaire, il est important d’en parler à l’enfant et de discuter des solutions pour y remédier. Au moindre doute, vous pouvez prendre rendez-vous avec un professionnel de la santé mentale qui évaluera si l’enfant a besoin d’un suivi thérapeutique.
Comment réagir face à l’ami imaginaire de son enfant ?
En tant que parent, on peut parfois s’agacer de cet ami imaginaire qui s’invite dans la famille. Tiraillé par le principe de réalité et les contingences éducatives, la tentation est grande de rejeter ce personnage et d’intimer à notre enfant d’affronter le réel. Plus il grandit, plus nous avons la sensation qu’il est important qu’il assume ses responsabilités, sans se défausser.
Respecter l’ami imaginaire de l’enfant contribue à son équilibre psychique
Or, cet ami imaginaire aide justement l’enfant à mieux supporter l’épreuve du réel. Il ne la fuit pas, mais l’aborde à sa manière et surtout avec le soutien émotionnel de son compagnon. Finalement, celui-ci est bien souvent la projection d’un moi aux capacités impressionnantes. C’est lui qui accepte de goûter le fenouil, lui qui lance une tornade de rangement, lui encore qui met la tête sous l’eau à la piscine ! Grâce à lui, l’enfant remporte bon nombre d’exploits. En outre, il peut également lui faire partager ses échecs, ce qui les rend plus supportables.
Pour toutes ces raisons, les parents ont intérêt à accepter et respecter cet ami imaginaire. Il symbolise les tentatives de l’enfant de faire face aux dangers, à l’inconnu, à l’instabilité ou à une joie trop intense. Ridiculiser, minimiser, voire nier la présence de cet ami imaginaire peuvent nuire à la confiance en soi de l’enfant et à sa créativité. De plus, aller à son encontre revient à diminuer son sentiment de sécurité et donc à le fragiliser sur le plan psycho-affectif.
Maintenir les interactions réelles avec d’autres enfants
Toutefois, les parents conservent leur rôle éducatif d’accompagnement de l’enfant dans sa découverte du monde. Ils favorisent les interactions réelles de leurs enfants avec d’autres enfants : jeux à la maison ou au parc, activités de loisirs… Bien que l’ami imaginaire puisse être une source de réconfort et de distraction, l’enfant doit aussi apprendre à interagir avec le monde réel et ses camarades. À travers les activités sportives, artistiques et les jeux en groupe, de coopération et de compétition, l’enfant développe des compétences sociales essentielles.
Par ailleurs, si l’ami imaginaire devient une échappatoire excessive ou interfère avec les relations réelles, il peut être utile de consulter un professionnel pour obtenir des conseils. Les parents doivent rester vigilants aux signes de détresse ou de confusion liés à l’ami imaginaire: isolement, peur excessive, difficulté à distinguer la réalité de l’imaginaire… Dans ces cas-là, l’ami imaginaire n’est pas la cause du problème, mais il relaie une difficulté sous-jacente qui peut nécessiter une prise en charge médicale.
Fixer des limites et des règles
De fait, les parents ont tout intérêt à conserver une certaine neutralité : ne pas rejeter l’ami imaginaire, mais ne pas non plus lui donner trop d’importance et continuer de s’adresser à l’enfant directement. Il est important que l’enfant comprenne que son ami imaginaire ne peut pas l’aider à transgresser les règles ou à éviter ses responsabilités. En revanche, les manifestations de l’ami fictif délivrent des indices sur le raisonnement et les émotions de l’enfant. Elles permettent aux parents de mieux comprendre leur enfant et d’adapter leur éducation, tout en veillant au respect des règles.
En somme, l’ami imaginaire permet à l’enfant de surmonter bien des épreuves et d’explorer le monde en douceur. Il participe au développement cognitif de l’enfant et facilite les acquisitions linguistiques et sociales, mobilisées dans les interactions réelles. Par leur attitude neutre et bienveillante, les parents maintiennent un équilibre entre réel et imaginaire. Ils sont garants des limites et des règles pour préserver un cadre stable et rassurant, propice à l’épanouissement de leurs enfants.
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