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Pourquoi le mot « caca » fait-il tant rire nos enfants ?

enfant qui rit caca boudin

Le monde de l’enfance est bercé de mots aux syllabes répétitives : dodo, pipi, caca… Issu du langage enfantin, ils persistent néanmoins dans le monde des grands et des adultes. Ils rappellent la tendresse du première âge quand on compte combien de dodos avant les vacances ou à l’acquisition de la propreté (combien de pipis dans le pot aujourd’hui ? ). Mais le terme de « caca » a une carrière beaucoup plus controversé. Il dénote tour à tour le rire spontané des enfants de 2 à 8 ans à sa simple énonciation ou devient carrément tabou. Pourquoi ce terme fait-il grincer des dents les adultes et déclenche-t-il le fou rire des plus jeunes ? Comment réagir face aux blagues scatologiques de ses enfants ?

Petite histoire du « caca » à travers les siècles !

Les excréments humains, bien que souvent tabous, ont suscité des réactions variées à travers l’histoire et les cultures.

Gestion des excréments sous l’Antiquité et au Moyen-Age

Sous l’Antiquité, les Romains ont fait preuve de pragmatisme en construisant des latrines publiques et des systèmes de drainage sophistiqués. Ces latrines étaient des lieux de socialisation, où les discussions allaient bon train malgré la nature de l’endroit. Toutefois, une certaine ambivalence s’installe : les excréments sont perçus à la fois comme des déchets impurs et des éléments possédant un certain pouvoir symbolique (C.F. Le miasme et la jonquille de l’historien Alain Corbin).

Avec le Moyen Âge, l’image négative du « caca » se confirme avec l’émergence de nouvelles croyances religieuses et de superstitions. Les déjections s’apparentent à l’impur et au péché. De ce fait, on enregistre un déclin dans la gestion des déchets humains et une propagation accrue des maladies. Cependant, certains textes humoristiques de l’époque, comme les fabliaux, montrent que les excréments sont aussi source de plaisanteries et de rires, reflétant ainsi une dualité dans la perception sociale.

Émergence de l’intérêt scientifique et médical pour le corps humain

Pendant la Renaissance, un intérêt scientifique naît autour des fonctions corporelles et des déjections, notamment grâce aux recherches d’André Vésale qui permettent de mieux comprendre les processus digestifs. En littérature, les célèbres Gargantua et Pantagruel de François Rabelais usent de blagues scatologiques qui servent de base à une satire sociale.

Au XVIIIe siècle, Antoine Lavoisier s’intéresse à la chimie des substances organiques, y compris celle des excréments. Puis dès la fin du XVIIIe siècle, Paris et Londres se dotent de systèmes d’égouts modernes. Au XIXe siècle, les progrès médicaux et hygiéniques font de la question de la gestion des déjections une question de santé publique primordiale.

La perception du « caca » dans la société contemporaine

Aujourd’hui, le thème scatologique persiste comme une source d’humour. Ainsi, les bandes dessinées, les films et la littérature pour enfants intègrent souvent des références au « caca », en exploitant son potentiel comique. Toutefois il s’y mêle toujours une retenue hygiénique qui fait des matières fécales un objet de dégoût, de gêne en même temps que de rire.

L’ambivalence du rapport de l’humain aux excréments : un conflit ancien qui perdure

Depuis Aristote, l’Homme se place en haut de l’échelle du vivant, juste en-dessous du divin et du sacré. Cette position l’éloigne nécessairement du reste du règne animal et du fonctionnement purement organique du corps, dont les fonctions excrémentielles. Avec le développement des villes et les progrès de l’hygiène, la question des excréments devient encore plus taboue. Il faut faire disparaître les déjections pour lutter contre les bactéries, mais aussi parce qu’elles rappellent un monde rural que les habitants des villes rejettent au nom du progrès. Un leurre bien sûr quand on prend la mesure du désastre de l’étalement urbain et des sols artificiels qui contribuent au réchauffement climatique.

Pour autant, l’humain ne peut se défaire de ses fonctions digestives. Si la bienséance qualifie le « caca » de gros mot, la fonction excrémentielle est aussi rappelée et mise en scène par des humoristes et des artistes tout le long du XXe siècle. On peut citer, dans le courant de l’arte povera, Pierro Manzoni avec sa « Merda d’artista » (1961) vendue au poids de l’or, ou encore Andres Serrano, connu pour ses photographies utilisant divers fluides corporels, y compris des excréments (Shit, 2008).

enfant qui rit au mot caca
©Canva Pro

Banal, drôle, dégoûtant, inquiétant, le « caca » demeure un sujet pour lequel les parents eux-mêmes ont une attitude ambivalente. Lors de la transmission du soir à la crèche, on s’enquiert de savoir si son enfant est bien allé à la selle, avec tous les détails utiles pour vérifier son état de santé. L’enfant est fréquemment interrogé à ce propos. Il est aussi sollicité pour faire sur le pot « la grosse commission ». De fait, quand on élève un enfant, on est constamment confronté aux problématiques de la propreté et de l’hygiène. De ce fait, dès l’âge de 2/3 ans les conversations à ce sujet vont bon train !

C’est souvent l’occasion de faire des blagues afin de contourner l’aspect déplaisant du sujet. L’humour aide les parents eux-mêmes à surmonter une couche bien pleine ou un accident qui fait gondoler le caleçon ! Pourquoi s’étonner dès lors que les enfants perpétuent cette tradition des blagues autour du « caca » ?

Développement du langage chez l’enfant et apparition des mots tabous

Le rire déclenché par le mot « caca » nait avec le développement du langage de l’enfant. La réaction outrée des adultes ne fait qu’accentuer son propre plaisir de transgression du tabou.

À quel âge les enfants commencent-ils à rire des mots tabous ?

Dès l’âge de 2 ans, un enfant comprend très bien la gêne occasionnée par le « caca ». Ce mot bref et facile à prononcer constitue presque un plaisir pour l’enfant qui le répète en riant. La grimace de ses parents ne fait que redoubler son fou rire. La période « pipi-caca » peut se prolonger bien au-delà de la phase d’acquisition de la propreté. La seule nuance est que les plus grands sauront se censurer si nécessaire, par exemple devant la maîtresse ou le professeur du club de karaté.

enfant sur le pot
©Canva Pro

Quoiqu’il en soit, Karl Abraham a bien relevé une phase importante dans le développement de l’enfant qu’il a appelé le « stade anal », repris ensuite par Freud. La maitrise sphinctérienne donne à l’enfant un sentiment nouveau de maîtrise, de pouvoir sur son propre corps. Son schéma corporel s’affine et l’enfant parvient progressivement à concevoir l’entièreté de son corps avec ses justes proportions. Lorsqu’il est capable de se retenir d’aller à la selle, il accède à un statut supérieur qui marque définitivement sa sortie du premier âge. Cela correspond également à une phase d’opposition, communément appelée « phase du non » , au cours de laquelle l’enfant s’oppose systématiquement à ses parents pour se différencier et gagner en autonomie.

Pourquoi les enfants trouvent-ils le mot « caca » si drôle ?

Finalement, le mot « caca » et les discussions qui l’entourent continuent de fasciner et de faire rire, surtout les enfants. C’est un sujet qui reste à la fois tabou et inévitable. L’enfant teste les interdits et les limites éducatives en jouant avec ce mot. Que va dire papa si je dis caca très fort dans la boulangerie ? Lorsqu’il s’agit d’un tout petit, la plupart des clients esquisseront un sourire entendu, et, quand l’enfant est plus grand, certains adultes manifesteront de la désapprobation. Utiliser le mot « caca » serait donc un bon indicateur pour l’enfant de la place qu’il occupe dans la société. À un tout petit, on permet des digressions à la règle de bienséance, mais passé un certain âge, celles-ci seront perçues comme de l’effronterie. L’enfant comprend alors qu’il doit se conformer à certaines normes sociétales.

enfant qui rit humour caca
©Canva Pro

Toutefois, l’humour scatologique pratiqué entre amis et au sein de la famille joue un rôle cathartique. Ce qui n’est pas permis à l’extérieur trouve une voix d’expression dans un cadre plus intime, microcosme rassurant où les bêtises trouvent des réponses adaptées à l’âge et au caractère de l’enfant. La famille peut être ce cadre rassurant où s’essayer à la transgression. Ainsi, les parents, tout en rappelant la règle du monde extérieur qui appelle à la retenue, tolèrent les blagues « pipi-caca » des enfants. Ainsi, s’échappent de leurs bouches ces petites phrases dénuées de sens mais porteuses du mot tabou. Bonjour caca ! Bon anniversaire caca ! Je veux manger du… caca. Je veux faire… caca etc.

Existe-t-il des différences culturelles dans ce qui fait rire les enfants ?

Indéniablement, la réponse à cette question est oui. Tout comme chez les adultes ! On ne rit pas des mêmes choses d’un bout à l’autre du globe. Néanmoins, l’humanité entière s’entend pour cacher les manifestations les plus intimes du corps, hormis peut-être quelques exceptions dans certaines tribus. On peut donc penser que le « caca » est universel et fait rire sur les cinq continents, même si le degré de transgression varie d’une culture à l’autre.

Par exemple, au Japon les toilettes sont un lieu d’intimité dont l’hygiène et le confort doivent être irréprochables. Le « caca » n’y est pas forcément considéré comme un tabou et les enfants n’ont alors pas lieu de jouer spécifiquement avec ce terme.

Quelle attitude éducative adopter lors de la période « pipi-caca » des enfants ?

Comprendre pourquoi le mot « caca » fait rire les enfants permet d’ajuster son éducation parentale. Afin de diminuer la charge comique du « caca » souvent associée à son aspect repoussant, veillez à normaliser le sujet. Parler des fonctions corporelles doit pourvoir se faire de manière ouverte et sans tabou. Cela évacue les fous rire nerveux et renforce une compréhension saine des processus corporels. De cette façon, vous éviterez les sentiments de honte et de gêne et vos enfants seront plus à l’aise pour parler de leurs besoins naturels.

N’oublions pas que les fonctions digestives concernent la santé des enfants, mais aussi leur autonomie. En cas d’accident, restez neutre et ne grondez surtout pas l’enfant. Essayez plutôt de l’associer à la conquête de sa propreté pour l’aider à développer son autonomie : choix du pot, valorisation de ses gestes d’hygiène, économie d’eau… Cette approche neutre respecte le développement de l’enfant tout en favorisant l’acquisition des règles d’hygiène. De fait, le sujet du « caca » appartient à la sphère privée. Ainsi, l’enfant peut parler de ses difficultés sans tabou auprès de ses parents. Il a aussi le droit d’en rire et de faire des blagues à condition de respecter les règles familiales et celles imposées par la société.

enfants qui font des blagues pipi caca
©Canva Pro

Le mot « caca » a toujours fait rire les enfants et correspond en psychologie enfantine à un stade d’acquisition du langage et de prise d’autonomie théorisé sous le terme de « stade anal ». En fonction des cultures, les excréments sont plus ou moins tabous et la société attend une retenue langagière dans ce domaine. Quoiqu’il en soit, l’enfant est toujours en apprentissage et ses progrès suivent son développement et sa capacité à comprendre la société dans laquelle il vit. Vers l’âge de 9/10 ans, on peut même le sensibiliser à la gestion des excréments, enjeu environnemental majeur qui nécessite des initiatives pour recycler et valoriser les déchets humains et mieux gérer l’eau potable.

Et chez vous, comment se manifeste la période « pipi-caca » ? Si vous voulez partager vos expériences et conseils, rendez-vous sur nos réseaux sociaux FB et Instagram !

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