Plateaux de jeux renversés, ballon atterri en haut de l’arbre, cartes déchirées… De nombreux enfants ne supportent pas de perdre au jeu. Au point d’entrer dans de sombres colères ou de trainer leur mauvaise humeur toute une journée de beau temps. En tant que parents, nous sommes alors tentés de les laisser gagner pour leur éviter ce brutal découragement. Et, il faut bien l’admettre, pour acheter la paix du foyer. Nous préférons souvent mille fois laisser nos enfants gagner au jeu que d’affronter leur colère. Mais nous nous demandons aussi si c’est bon pour eux. Est-ce que, finalement, la frustration et l’échec ne leur seraient pas profitables pour affronter d’autres épreuves, réelles et non plus ludiques, de la vie ? Quels sentiments ressent l’enfant lorsqu’il perd et lorsqu’il gagne face à ses pairs ou face à ses parents ? Comment apprendre à son enfant à surmonter l’échec et à être « beau perdant » ?
Apprendre en jouant et en surmontant ses échecs
Parfois les enfants sont tellement mauvais joueurs qu’on se demande bien pourquoi on joue avec eux ! Pourquoi s’acharner à sortir le plateau et les dés si c’est pour tout retrouver par terre dans 10 minutes ? Après tout, rien n’oblige à jouer si ça sabote l’ambiance familiale… Toutefois, on peut hésiter à les supprimer purement et simplement quand on sait tout ce que les jeux peuvent apporter aux enfants. Ils développent la motrice globale et fine, la coordination, les capacités cognitives et langagières…
Quand on passe en revue l’ensemble des jeux éducatifs et activités proposés aux enfants, on constate vite qu’aucun n’échappe à la possibilité de la frustration ! C’est ce ressort qui est à l’oeuvre chez les enfants dits « mauvais joueurs ».
La gestion de l’échec dans les jeux qui favorisent le développement moteur de l’enfant
Tout d’abord, et ce dès le plus jeune âge, les jeux d’encastrement, de casse-tête et de puzzles permettent de développer de nombreuses compétences sensori-motrices. L’enfant reconnait les formes, les manipule, teste des emplacements, déploie une logique pour relever des défis. Ce faisant, grâce à l’approche ludo-pédagogique, il collecte des informations sur le monde qui l’entoure et ses caractéristiques physiques (texture, goût, température, résistance, transparence). Il assemble et combine de façon de plus en plus sophistiquée. De la même façon, l’enfant découvre et améliore sa motricité en courant, grimpant, sautant, rampant… Toutes actions qui s’effectuent avec des degrés divers de réussite.
Chaque étape du développement moteur de l’enfant peut provoquer des moments d’agacement. On les range souvent dans la catégorie des colères ou « caprices » d’enfant, voire de bêtises. Or, il n’y a nulle bêtise, nulle contravention aux règles, que de ressentir de la frustration ou d’exprimer de la colère. En revanche, ce sont les effets de ces colères qui ne respectent pas les règlements scolaires et familiaux : cris, violences envers les autres et envers le matériel…
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Jeux de motricité fine et de coordination : dépasser la frustration de l’imperfection
Le challenge des jeux et activités de coordination motrice
Grâce aux jeux de balle, à lancer ou à faire rouler, l’enfant développe sa coordination motrice (oeil/main et oeil/pied). Tous ces jeux sont des défis que l’enfant relève par étape, en fonction de son âge et de ses capacités propres. Il arrive parfois qu’il soit en difficulté. S’il a du mal à lancer la balle, il peut ressentir une brûlante frustration, une mésestime de lui-même qui le pousse à abandonner ou à manifester son mécontentement par des accès de colère. Pourtant, il lui faut bien passer par ces échecs pour réussir un jour. Il éprouvera alors la joie de la victoire. Une victoire pour lui-même, pour se sentir plus grand et reconnu comme tel par ses parents, ses frères et soeurs et ses copains.
Les compétences visées par les jeux de société ne réclament pas de capacités physiques spécifiques. En revanche, elles peuvent inclure des facultés motrices, notamment en termes de motricité fine. Ce sont les jeux de précision (Mikado, Docteur Maboul…), d’engrenages, d’équilibre (Arbre d’équilibre, SOS Ouistiti…), d’enfilage (cartes à décorer, couture, lacets…). Là encore l’enfant peut se trouver en difficulté et ressentir un décalage entre ses capacités et son désir d’accomplissement.
Être en échec lors des activités graphiques est aussi source de frustration
La même problématique se retrouve dans les activités graphiques, de dessin, coloriage, peinture etc. Les productions ne sont pas toujours à la hauteur de l’imaginaire des enfants.
Souvent ils sont capables de visualiser un rendu satisfaisant, c’est-à-dire un visuel esthétiquement ressemblant ou graphiquement harmonieux. Mais lorsque l’enfant constate un écart entre son idée et la réalité, il a tendance à se dévaloriser et à s’énerver. De nouveau, il n’est pas question d’abandonner ces activités, mais plutôt de réfléchir à la pédagogie et aux outils qui vont aider l’enfant à progresser.
Les jeux de société accompagnent le développement langagier et cognitif des enfants
Autre caractéristique des jeux de société : ils réclament à l’enfant de recourir au langage en situation. Il va devoir décrire, comparer, argumenter avec un vocabulaire précis, évaluer différentes stratégies. Du point de vue cognitif, le jeu rassemble donc de nombreux avantages. Et il serait dommage d’écarter cette possibilité d’activité au seul prétexte que l’enfant s’énerve à chaque fois qu’il joue à un jeu. Les jeux de société font appel à la concentration (Puissance 4, Dobble, Le Lynx…), à la mémoire (Memory, Times up), à l’anticipation (jeux de stratégies, dont ceux employés pour l’éducation financière : La Bonne Paye, Monopoly, Big Money…), à la logique (casses-tête, enquêtes comme Cluedo ou Qui est-ce ?)…
Les atouts pédagogiques des jeux de société et des jeux sportifs en font des outils indispensables aux apprentissages. Néanmoins, pour être efficaces, ils nécessitent de réviser le statut – négatif – de l’erreur pour désarmer l’angoisse de l’échec.
Le statut de l’erreur en pédagogie et dans le jeu : vers une meilleure gestion de l’échec
Maintenant que nous avons passé en revue les multiples avantages de l’éducation par le jeu, essayons de mieux comprendre ce qui se passe quand « ça tourne mal ». Cela nous aidera à mieux cerner les moments où nous pouvons laisser les enfants gagner et ceux où au contraire nous pensons qu’ils doivent accepter la défaite. Qu’est-ce que les comportement face à la victoire ou la défaite racontent de l’enfant et de son rapport aux autres ?
Les capacités attentionnelles à l’oeuvre dans le jeu
L’attention fait partie des fonctions cognitives, fonctions supérieures du cerveau, avec la mémoire, les fonctions exécutives, les fonctions visuo-spatiales et le langage.
Les jeux de société et jeux sportifs mobilisent l’attention et l’engagement. En plein coeur d’une partie de foot, tous les sens entrent en action et le cerveau cogite pour analyser les informations visuelles et développer des stratégies. L’investissement physique et mental contribue au plaisir du jeu, au fait de s’y sentir plein et entier. La victoire vient consacrer ce sentiment de puissance, d’efficacité, où tous les joueurs forment une équipe soudée vers la réussite. Quand l’adversaire est plus fort ou plus chanceux, la déception est telle qu’elle est interprétée comme une trahison. Ce revirement de sentiment – de l’excitation de l’action à la chute des espoirs – peut aller jusqu’à un sentiment de honte et d’humiliation fort.
Ce différentiel entre attente et résultat crée une chute d’hormones (endorphines, dopamine) qui affecte l’humeur. Par ailleurs, difficile d’admettre la défaite puisque cela revient à reconnaître ses faiblesses… L’orgueil humain rend parfois insupportable, voire insurmontable l’échec. Les enfants qui perdent au jeu éprouvent une souffrance morale de dépréciation de soi et de sentiment de honte. Perdre face à leurs camarades, leurs frères et soeurs ou leurs parents les embarque dans une spirale négative qui entraîne des comportements inadéquats.
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Apprendre aux enfants à accepter l’échec pour mieux y remédier
Comment remédier aux comportements négatifs de l’enfant en cas d’échec ? Faut-il le laisser gagner ou perdre ? Les spécialistes de l’enfance et psychologues apportent des réponses nuancées à ce sujet. Laisser gagner pour favoriser l’estime de soi, oui. Mais apprendre à perdre pour gérer la frustration, encore oui. Tout dépend de l’âge, du contexte et du caractère de l’enfant. C’est donc au parent d’évaluer la situation. Il va faire le meilleur choix pour son enfant, pour l’encourager à s’améliorer tout en préservant son auto-estime.
Le modèle parental influence les représentations de l’échec de l’enfant
Le parent demeure un modèle pour son enfant, jusqu’au seuil de l’adolescence qui butine des modèles hors cercle familial. La façon dont nous gérons nous-même l’échec va donc influencer nos enfants. Si nous acceptons de perdre dans des domaines personnels – et pas seulement dans le jeu – et que nous montrons des capacités à rebondir, alors nous pouvons espérer servir de modèle à nos enfants.
Il faut savoir que les neuro-sciences ont montré que l’erreur occasionnait dans le cerveau une reconfiguration neuronale. L’erreur fonctionne comme un signal qui indique que le chemin précédemment parcouru est erroné. De ce fait, notre cerveau est enclin à chercher d’autres pistes. La multiplication des chemins et connexions améliore les capacités de réflexion. Par conséquent, on pourrait dire que les erreurs enrichissent notre pensée et forment notre cerveau à aborder des situations complexes.
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Apprendre grâce à la méthode par essai/erreur
C’est pourquoi, les pédagogues emploient souvent la méthode par essai/erreur pour aborder de nouvelles notions. Le cerveau dispose d’une remarquable plasticité et, face à la nouveauté, il procède comme un chercheur, en expérimentant, par tâtonnements. En écartant les pistes invalides, il progresse vers des nouvelles solutions et les améliore grâce à de nouvelles connaissances. En outre, les témoignages de personnalités – comme Nelson Mandela, modèle de persévérance et de résilience- mettent en avant un dépassement du statut de l’erreur. Celle-ci n’est plus un échec, mais une étape vers la réussite.
« Je n’échoue jamais, soit je réussis, soit j’apprends »
Nelson Mandela
Gérer la défaite au jeu : une étape vers l’amélioration
Les Japonais appellent la capacité à s’améliorer kaizen. Ils désignent par là une véritable philosophie de vie. Comme Marc-Aurèle sous l’Antiquité, elle prône l’amélioration constante par une meilleure connaissance de soi. En tant qu’éducateur, nous pouvons sensibiliser nos enfants à cette problématique d’amélioration permanente. Qu’est-ce que je peux faire de mieux la prochaine fois ? Comment améliorer mon comportement pour que je me sente plus à l’aise dans le jeu et avec les autres ? Et ce, quelle que soit l’issue de la partie. Si j’ai perdu, sur quels points puis-je progresser ? Sur lesquels ai-je été performant ?
Pour que l’enfant accepte de poursuivre ses efforts en cas d’échec, il a besoin qu’on le félicite pour ses réussites. Par exemple, il aura amélioré la tenue de sa raquette, touché plus de balles que d’habitude, remporté davantage de points que précédemment etc. Il est fondamental de trouver quelque chose de positif pour le pousser à continuer et retenter sa chance.
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Les enjeux d’autonomie de l’enfant dans la gestion de l’échec
Finalement, l’enfant, en visant la réussite dans le jeu, vise symboliquement la réussite de sa vie. Il interprète ses succès comme autant de signes favorables pour son avenir. Il se sent rassuré de gagner et continue d’aller de l’avant. C’est pourquoi, quand les échecs se répètent, le manque de confiance en soi s’installe. Et il finit par agir comme un biais de comportement. Le psychologue canadien Albert Bandura (1925-2021) a montré comment l’estime de soi intervient dans la réussite. Embringué dans la spirale de l’échec, l’enfant s’auto-persuade qu’il n’arrivera à rien de bon… Et c’est exactement ce qui se passe.
Estime de soi et autonomie pour s’armer face à l’échec
D’où la nécessité de redonner de l’estime de soi aux enfants pour favoriser leur réussite personnelle. Cela est valable dans tous les domaines : scolaires, personnels, sportifs etc. Pour y parvenir, il faut procéder par étape, avec à chaque fois un objectif atteignable, c’est-à-dire raisonnable. La voie de la réussite emprunte des paliers progressifs. La « malédiction » de l’échec vient souvent d’objectifs irréalistes. Et depuis Piaget (1896-1980), psychologue suisse spécialiste du développement de l’enfant, on sait qu’à chaque âge correspond un stade de développement précis. Par exemple, entre 7-12 ans les enfants commencent à recourir à l’abstraction, mais ils ont encore besoin d’avoir un support concret, de manipuler. Il faut attendre l’adolescence pour accéder à un raisonnement abstrait.
L’apport des sciences cognitives et de la psychologie nous permettent de réfléchir à une pédagogie efficace pour aider les enfants à gérer leurs échecs et leurs réussites. L’enjeu de ce processus débouche sur l’autonomie des enfants. Savoir se comporter avec tact et calme en situation de jeu est une compétence liée à l’acquisition de l’autonomie.
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En effet, la performance peut alors être envisagée indépendamment de celle des autres et recouvrir des qualités propres, en dehors de la compétition. Ainsi, on saluera son adversaire pour la qualité de son jeu, qu’il soit gagnant ou perdant.
Les différents niveaux de jeux pour faciliter la progression et gérer l’échec
On l’a vu avec Piaget et les stades de développement de l’enfant, il est important de respecter l’âge requis pour les jeux de société. Vérifiez les indications du fabricant ou adaptez vous-mêmes les règles de telle manière que votre enfant puisse jouer à son niveau. D’ailleurs, certains jeux de société prévoient différents niveaux de jeux, parfois avec la même boîte. Par exemple pour le Times Up family (Asmodée, 8+), les cartes comportent deux niveaux de difficulté : des mots d’usage courant pour les enfants et des mots plus compliqués pour les plus grands. Les jeux Les incollables (Play Bac éditions) suivent aussi ce concept avec des questions pour enfants et d’autres pour les adultes. Une façon d’équilibrer les catégories de joueurs, comme lors des compétitions sportives.
Ainsi, chaque joueur relève les défis qui correspondent à ses facultés. Un enfant qui ne sait pas encore lire pourra jouer au Scrabble junior (Mattel, 6+) en reconstituant les mots écrits sur le plateau. Et les tout-petits se réfèreront aux couleurs ou pictogrammes du dé pour avancer sur les cases d’un jeu de l’oie ou de poursuite, comme Premier verger (Haba, 2+). Pour les jeux sportifs et de précision, les règles seront modulées : plus d’essais, une zone de lancer plus proche de la cible, un niveau de visée plus bas etc. Il est important que les objectifs soient différents en fonction de l’âge, afin que chacun ait la possibilité d’essayer et de réussir.
L’acquisition de la confiance en soi : gagner ou perdre ?
L’acquisition de la confiance en soi chez les enfants passe par la progressivité et la répétition des apprentissages. L’enfant doit pouvoir s’entrainer autant de fois qu’il le souhaite. Afin que les règles et le déroulement du jeu soient bien compris, il est judicieux d’effectuer une première partie « pour de faux ». Pour débuter, vous pouvez laisser gagner l’enfant pour qu’il assimile la mécanique du jeu et les stratégies de base. Par exemple, il est facile de gagner contre un enfant à Puissance 4 car il n’anticipe pas toutes les configurations d’alignement. Vous pouvez donc commencer par un seul type de ligne, les horizontales, poursuivre avec les verticales, puis les deux, puis les obliques et enfin les trois types de lignes
En procédant par intégrations successives, on laisse plus de chances à l’enfant de réussir. En outre, il bâtit sa confiance en lui étape par étape, ce qui lui confère une assise solide et fiable. Lorsqu’on laisse systématiquement gagner un enfant, il peut penser que le succès s’obtient facilement… Et être extrêmement déçu lorsqu’il joue avec d’autres personnes. Alors que, lorsque la réussite coïncide avec la maîtrise avérée du jeu, l’enfant ressent un Sentiment d’Efficacité Personnelle qui lui permet de progresser.
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Ce concept de SEP, théorisé par Albert Bandura, influence la réussite dans de nombreux domaines de la vie – personnelle, scolaire, sentimentale et professionnelle. Il postule que si on a confiance en ses capacités personnelles, on peut entreprendre, accepter les échecs, s’améliorer et profiter de ses réussites. Un SEP fondé sur des feedback erronés des parents s’écroulera et sapera l’estime de soi nécessaire à une réussite stable. C’est pourquoi, nous, parents, devons bien doser les réussites faciles que nous laissons à nos enfants et les amener à remporter des victoires méritées.
La gestion de la frustration et de la défaite dans la compétition parent/enfant
Bien souvent, l’enfant rêve d’être plus fort que ses parents. Dans une sorte d’Oedipe réactualisé, il fantasme sur ses capacités et imagine surpasser ses parents en tout. Il veut prouver qu’il est un être humain de force et de capacité égales aux adultes. Avez-vous remarqué que même le plus jeune veut tenter sa chance pour ouvrir le bocal de cornichons ? Pour ne pas blesser son amour propre, nous le laissons essayer de lutter lui aussi contre le couvercle récalcitrant. Et parfois, telle Excalibur destinée au roi Arthur, votre tout-petit de 4 ans arrive à dompter le pot de cornichons. Vous savez que ce sont les essais répétés qui ont contribué à cette victoire. Mais votre enfant préfère imaginer que c’est sa seule force qui l’a fait triompher.
Lorsque vous jouez avec votre enfant, il y a un peu de cette rivalité qui anime le tout-petit. Il sait qu’il est faible physiquement par rapport à un adulte, mais il rêve de le dominer. Il pense que l’ancienne génération doit céder sa place à la nouvelle – forcément meilleure, plus forte… et plus cool ! Sauf que bien sûr, ce n’est pas tout à fait ça… Et si vous laissez gagner tout le temps votre enfant, vous prenez le risque qu’il développe un sentiment de toute puissance. Ce leurre le conduira à vivre d’intenses frustrations lorsqu’il sera au contact d’autres personnes, qui, elles, n’auront pas autant de délicatesse que vous concernant son amour propre.
C’est pourquoi, il est essentiel que l’enfant expérimente l’échec et la frustration. Oui, il va se tromper, comme tout le monde, et non, ce n’est pas grave. Adopter une attitude fair play, reconnaitre les qualités des autres, prendre modèle sur des personnes inspirantes… Toutes ces attitudes contribuent à bâtir ses réussites futures. Évidemment, cela fonctionnera d’autant mieux que les parents eux-mêmes illustreront cette position tempérée et constructive. On peut s’inspirer des travaux de Carol Dweck (1946-), psychologue américaine, qui a développé la théorie du growth mindset. En fonction des individus, l’état d’esprit sur nos propres capacités serait fixe (inné) ou en expansion (susceptible d’amélioration). Lorsqu’il est fixe, nous craignons l’échec et vivons dans le stress. Alors que s’il grandit constamment, nous envisageons la possibilité de progresser, de nous adapter et nous sommes plus confiants.
Apprendre aux enfants à gérer leurs émotions pendant le jeu
Au cours du jeu, l’enfant fait face à des émotions qu’il peut avoir du mal à contrôler. Excitation, colère, fanfaronnade, gros mots, désobligeance envers les autres joueurs, alternance de tristesse et de joie… Comment aider son enfant à retrouver son calme ?
Techniques et astuces pour mieux gérer la frustration de la défaite
Si la victoire engendre parfois un comportement pénible de l’enfant (par manque d’humilité), c’est plutôt la défaite qui a des conséquences négatives. Voici quelques pistes pour la surmonter et remonter le moral des troupes !
Les techniques de relaxation pour diminuer le stress
Il faut savoir repérer le point de basculement qui conduit l’enfant du plaisir du jeu à la colère. Avant que la crise ne l’envahisse, vous devez stopper le jeu pour prendre du recul. Lors de cette pause, vous allez proposer des exercices de respiration pour maîtriser le stress. Inspirer doucement et expirer le plus profondément possible demeure une technique imparable pour réduire les battements du coeur. Si votre enfant a l’habitude de pratiquer le yoga, la sophrologie ou la relaxation, il saura de lui-même comment revenir à un état normal. Vous pouvez l’aider en formulant les paroles qui accompagnent ces activités de détente.
Par ailleurs, lorsque l’enfant est initié à la méditation en pleine conscience, il peut se ressaisir de l’instant présent et évacuer toute la charge négative. Évidemment, ce n’est pas au moment de la crise qu’il faut démarrer des séances de méditation. L’enfant qui est habitué à ces techniques pourra plus aisément les activer au moment opportun. Dans les écoles, les maîtresses le savent quand elles créent des rituels pour encadrer et rassurer les enfants tout au long de la journée. Les moments de retour au calme s’accompagnent de gestes, de chansons, de comptines qui font retomber les tensions et servent de transition vers une autre activité.
Le dialogue parent/enfant pour dépasser l’échec
Bien sûr, à tout moment du jeu le dialogue reste un outil indispensable pour maintenir le contact avec l’enfant. Pour le rassurer, l’encourager, le féliciter, le consoler lorsqu’il perd, partager ses émotions au cours du jeu. Le dialogue parent/enfant demeure la clé de voûte de l’éducation pour comprendre, dire et faire respecter les règles, communiquer ses sentiments. Pour alerter aussi, désamorcer les frustrations et les prévenir. Enfin pour discuter des règles du jeu, de ses difficultés, des stratégies pour réussir et analyser les échecs et victoires pour progresser d’une partie à l’autre.
L’humour et l’auto-dérision pour éloigner les pensées négatives
Si dans ce dialogue vous ajoutez une bonne dose d’humour, vous désamorcez le conflit et rendez possible la discussion. Toutefois, les enfants ne sont pas dupes et ils savent très bien que nous empruntons la voie du rire pour améliorer l’ambiance. Certains font preuve de susceptibilité et les plus jeunes ne comprennent pas le second degré. Ainsi, l’humour, quoique très utile, doit être manié avec précaution en respectant la personnalité de chaque enfant. Certains se saisiront de cette bouffée d’air, d’autres au contraire se braqueront contre ce qu’ils identifient comme une moquerie. Même si c’est vous qui vous moquez de vous-mêmes, l’enfant pourra interpréter vos propos comme une critique détournée.
Attention donc à ne pas blesser leur amour propre et à utiliser un ton sérieux avec les enfants qui le réclament. Rire d’une défaite pour signifier qu’elle n’est pas bien « grave » revient à minimiser son impact émotionnel chez certains enfants.
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Chaque parent sait comment fonctionne son enfant et adapte ses réactions selon cette connaissance. Ce qui n’exclut pas de rire ultérieurement d’une situation, une fois qu’elle est résolue. C’est généralement une bonne conclusion, après coup.
Diversifier les contenus de jeux pour équilibrer échec et réussite
Un bon moyen de donner à chacun sa chance de réussir est de varier les types de jeux. Ainsi, votre enfant peut afficher un palmarès de rêve au basket ball et encaisser des défaites au jeu de dames par exemple. Au passage, varier les jeux permet aussi de diversifier les compétences sollicitées et donc les apprentissages. Pour donner aux enfants l’occasion de développer un maximum de compétences, vous pouvez veiller à :
- organiser des séances de jeux fréquentes ;
- proposer des jeux de société différents ;
- valoriser les jeux sportifs ;
- ne pas oublier les activités manuelles et artistiques ;
- alterner entre des jeux libres et des jeux encadrés ;
- trouver des jeux coopératifs pour toute la famille, pour que la victoire repose sur une équipe et non sur l’enfant seul ;
- contrôler les niveaux de difficulté des jeux et leur progressivité…
Parmi tous ces jeux et activités, les enfants auront la possibilité d’essayer, de découvrir, de s’entrainer, d’établir des préférences. Ils connaîtront des victoires et des défaites, expérimenteront l’échec, ressort de tout apprentissage, et développeront leur résilience.
Finalement, laisser gagner son enfant au jeu peut être une bonne idée pour lui donner une chance supplémentaire ou pour restaurer son estime personnelle. En revanche, éviter les colères en laissant systématiquement son enfant remporter la victoire s’avère une mauvaise stratégie à moyen et long terme. Les échecs et les frustrations sont autant d’occasions d’apprendre la persévérance et le dépassement de soi, des compétences dont l’enfant va avoir besoin pour grandir et s’épanouir. Pour l’accompagner dans les moments difficiles de défaites, la gestion des émotions par des activités de relaxation et de méditation constituent une bonne option, surtout lorsqu’elles sont encadrées par un dialogue constructif.
Et chez vous, comment ça se passe si votre enfant perd ? Est-ce que vous avez des astuces pour lui faire accepter sa défaite et continuer à aller de l’avant ? Avez-vous trouvé un équilibre entre gagner et perdre ? Si vous voulez partager votre expérience, rendez-vous sur nos réseaux sociaux FB et Instagram.