La pédagogie est une réflexion et une démarche qui s’intéresse aux moyens et outils pour atteindre des objectifs d’apprentissage. On distingue didactique et pédagogie, la première établissant les connaissances visées par niveau et/ou classe d’âge, la seconde le chemin, la méthode pour y parvenir. Lorsqu’on évoque les pédagogies alternatives, c’est pour les opposer à des pédagogies classiques héritées de l’école publique, comme la transmission magistrale. Quelles sont les différentes pédagogies alternatives et quelle place occupent-elles dans le paysage éducatif français ? Quels sont leurs avantages et inconvénients par rapport à l’enseignement public et privé sous contrat ?
Quelles sont les différentes pédagogies alternatives pour l’éducation des enfants ?
Il existe plusieurs courants de pédagogies alternatives mais tous reposent sur la participation active de l’élève et l’autonomie de l’apprenant.
La pédagogie Montessori
Le matériel Montessori pour la classe et la maison
La pédagogie Montessori est sans doute la pédagogie qui fait le plus parler d’elle. Elle fait partie du paysage ludo-éducatif français et on la retrouve sur divers emballages de jeux éducatifs pour la petite enfance. Ainsi, de nombreuses marques développent du matériel pédagogique d’inspiration montessorienne. Parmi elles, trois marques ont reçu l’agrément de l’Association Montessori Internationale (AMI) : Nienhuis, Gonzagarredi et Matsumoto Kagaku. Mais la grande distribution y puise aussi des idées pour proposer des gammes de découverte et d’exploration sensorielle : Nature et découverte, Cultura, Oxybul, Ravensburger, Educa, Nathan, Janod…
À l’origine de la pédagogie Maria Montessori, le matériel provenait de récupération, de matériaux simples et accessibles comme le bois et le papier. D’ailleurs de nombreux sites ou ouvrages imprimés proposent aux parents des modes d’emploi et tutoriels pour fabriquer des jouets éducatifs Montessori.
Les fondements de la méthode Maria Montessori
Mais quels sont les fondements de cette méthode d’apprentissage ? Maria Montessori, pédiatre et pédagogue italienne de la première moitié du XXème siècle, a oeuvré pour l’éducation des enfants de différents pays (dont l’Inde). Partant de son observation réelle et étant attentive au renouveau pédagogique de l’Entre-Deux-Guerres puis d’après-guerre, Maria Montessori propose des activités adaptées aux différents stades de développement de l’enfant. L’idée principale de sa pédagogie retient le principe d’un enseignement individualisé et autonome. L’adulte agit comme facilitateur en mettant à disposition de l’enfant du matériel conçu pour l’exploration et l’expérimentation. Ce matériel doit permettre de développer des compétences et d’augmenter ses connaissances, notamment par un accès aux outils de savoirs (livres, livres audio, encyclopédies, documentaires…).
« L’éducation est un processus naturel chez l’enfant qui n’est pas acquis par les mots mais par l’expérience de son environnement. »
Maria Montessori
Comment les enseignants appliquent-ils la pédagogie Montessori en classe ?
Ainsi, un enseignement qui fait appel à la pédagogie Montessori ne catégorise pas un enfant dans une classe d’âge avec des aptitudes restreintes. Il donne la liberté à l’enfant d’apprendre et d’approfondir selon sa curiosité et son désir. De cette façon, un enfant de 4 ans peut déjà se saisir de matériel pour déchiffrer les lettres, puis lire s’il est motivé pour le faire. Il n’est pas limité par un programme de niveau comme en école publique. De même, il peut manipuler des jeux éducatifs mathématiques et très tôt construire les principes de la numération en base 10. L’exploration par le jeu est un principe important de la pédagogie Montessori dont la ludopédagogie est un prolongement. Pour en savoir plus sur Montessori à l’école, vous pouvez consulter les ouvrages de Céline Alvarez.
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En outre, l’entraide dans le groupe et l’apprentissage en communauté d’enfants de différents âges favorisent les interactions et diversifient les façons d’apprendre. Un plus grand développera son langage argumentatif en expliquant à un plus jeune la technique de l’addition posée par exemple. Le maître ou la maîtresse interviennent peu, évitent d’être directifs pour laisser les enfants découvrir, expérimenter et se poser des questions. Les adultes référents ont une connaissance pointue des processus d’apprentissage et savent orienter les enfants dans leur quête de savoir.
La pédagogie active par projets de Freinet
La pédagogie Freinet a de nombreux points communs avec celle de Maria Montessori. Il s’agit d’une pédagogie active où l’enfant est placé au centre des apprentissages. Sa curiosité et son autonomie sont favorisées et l’expérimentation et la sociabilité dans le groupe mises en avant. La principale différence tient dans les outils et matériels : des jeux et jouets spécifiques pour Montessori, des objets et des projets réels qui ont un impact sur la société, ou du moins la communauté pour Freinet.
Contrairement à Maria Montessori, première femme médecin en Italie (1896), Célestin Freinet exerce le métier d’instituteur en école publique jusqu’en 1933. Il fonde ensuite sa propre école où il peut tester ses innovations pédagogiques. En 1947, il crée l’Institut coopératif de l’école moderne (Icem). Selon Freinet, l’enfant apprend en faisant. C’est pourquoi il place l’expérimentation au coeur des apprentissages et part du principe que chacun apprend à son rythme. Chaque semaine, les élèves suivent une feuille de route collective donnée par le maitre, mais ils définissent aussi leurs propres objectifs selon leurs capacités.
La classe suit une organisation en coopérative : les enfants mettent en commun leurs compétences pour résoudre des problèmes et mener à bien des projets. Parmi le plus célèbre, il y a celui du journal avec la classe imprimerie (L’imprimerie à l’école, 1927). Au fil des années, les élèves améliorent le matériel d’impression et continuent d’écrire de nouvelles histoires et textes à imprimer et vendre aux parents et adultes. Aujourd’hui encore on s’inspire de son travail pour créer un journal de classe.
« Toute méthode est regrettable qui prétend faire boire un cheval qui n’a pas soif. Toute méthode est bonne qui ouvre l’appétit de savoir et aiguise le besoin puissant de travail. »
Célestin Freinet, Les Dits de Mathieu, 1959
La méthode Steiner/Waldorf
La pédagogie Steiner Waldorf fait partie du mouvement de l’éducation nouvelle. Elle a été fondée par Rudolf Steiner, un philosophe et occultiste. Il faut noter que ce mouvement fait l’objet d’une surveillance par la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) suite à plusieurs signalements (source Tout Educ du 27/03/23 ou encore La Croix du 10/03/23). Si l’on s’en tient à la théorie, la pédagogie Steiner, associée au nom de Waldorf, une usine d’Allemagne près de Stuttgart, repose essentiellement sur la liberté et la créativité dans l’éducation des enfants. Elle consacre une part importante de son temps à la musique, l’orchestre, les jeux sportifs et les travaux manuels (couture, bois etc.). De nombreux temps d’échange et d’éveil à la spiritualité complètent l’éducation des enfants. En outre, chaque personnalité est respectée et les adultes référents sont des accompagnateurs plutôt que des enseignants.
La pédagogie Reggio Emilia
Initialement conçue pour les enfants d’âge préscolaire, l’approche Reggio privilégie l’autonomie et l’épanouissement de l’enfant. Elle favorise la communication sous diverses formes et fait la part belle à la créativité et à l’art. Les enfants réalisent des activités qui développent leur expression : artistique, corporelle, langagière, émotionnelle…
Les adultes qui encadrent les groupes respectent le rythme de chaque enfant et lui reconnaissent des compétences pour être acteur de son propre développement. Par l’observation de son comportement, ils sont à même de proposer les activités les plus adaptées pour le faire progresser (sensorialité, manipulation…). Ils créent des situations pédagogiques engageantes où l’enfant peut être autonome et en interaction avec ses pairs. En outre, l’environnement occupe une place essentielle : découvertes dans la nature, aménagement de l’espace d’accueil…
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L’éducation démocratique et dynamique
Parallèlement à la pédagogie libre de Steiner, un nouveau courant de pédagogie alternative a émergé aux États-Unis vers 1920 : l’éducation démocratique. Ce mouvement confère aux enfants les mêmes droits démocratiques qu’aux adultes : égalité, liberté, respect, justice, droit à disposer de soi-même… L’éducation démocratique, parfois appelée aussi dynamique, part du postulat que l’enfant sait ce qui est bon pour lui et ce qu’il doit apprendre. C’est donc lui qui décide sur quel(s) domaine(s) porter son attention, s’exercer etc. Les adultes n’imposent pas un cadre mais facilitent les apprentissages en guidant les enfants vers les outils adaptés aux besoins et aptitudes des enfants. Ils font preuve de bienveillance et d’écoute et respectent le fonctionnement et la personnalité de chaque enfant.
Les pédagogies alternatives dans le système éducatif français
La plupart des pédagogies alternatives ont vu le jour dans la première moitié du XXème siècle. Au succès de leurs débuts leur a suivi une période de désintérêt relatif. Cependant aujourd’hui les pédagogies non conventionnelles ont le vent en poupe. Ce regain d’intérêt tient sans doute à une perte de confiance dans le système éducatif français souvent pointé du doigt dans les classements internationaux. Ainsi les résultats de la dernière enquête PISA de 2018 placent la France « entre le 20e et le 26e rang des 79 pays présents aux enquêtes de l’OCDE. Sur les 36 pays de l’OCDE en 2018, la France se situe entre le 15e et le 21e rang (au même niveau que l’Allemagne) » (source vie-pubique.fr). La prochaine enquête donnera ses résultats en décembre 2023.
Dans ce contexte d’inquiétude, les parents cherchent des solutions dans d’autres pédagogies que celles usitées à l’Éducation nationale. Et ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les écoles hors contrat. En 2018, on comptabilisait 73 000 élèves scolarisés dans le primaire et le secondaire hors contrat, sur un total de 12,5 millions. Ce qui semble infime. Mais la tendance est à l’augmentation, avec par exemple 122 nouvelles écoles Montessori ouvertes à la rentrée 2017. (source Le Monde du 31/08/18)
Les pédagogies alternatives à l’école primaire publique et privée sous contrat
Difficile d’estimer le nombre d’enseignants de l’Éducation nationale qui font appel à une pédagogie active dans leur classe. On peut déjà relever que treize écoles publiques adhèrent à la Fédération des établissements scolaires publics innovants (FESPI) créée en 2005 en France.
Mais en dehors de ces établissements on trouve aussi des maîtres et des maîtresses qui appliquent des principes de la pédagogie Montessori ou Freinet. Ils peuvent utiliser du matériel éducatif Montessori en maternelle (lettres rugueuses, barres numériques de couleur…) ou adopter le système de fichier autonome Freinet (plutôt en élémentaire). Dans ce cas l’élève gère seul son travail et se corrige à l’aide de fiches auto-correctives.
Toutefois, dans l’enseignement classique primaire, les professeurs n’appliquent que rarement une pédagogie alternative à la lettre. Ils ont plutôt tendance à y puiser des idées et à les adapter à leur classe ou à leurs projets. C’est le cas notamment lorsque les élèves conduisent un projet technologique et/ou artistique en classe (exposition, spectacle etc.). La démarche coopérative de Freinet peut contribuer à donner un cadre et un élan bénéfiques aux apprentissages. De même, ils ont recours à l’exploration et à la manipulation montessoriennes pour aider les élèves en difficulté scolaire ou comportementale.
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Enfin, d’une manière générale, les pratiques de méditation, relaxation et bien-être en classe se sont généralisées. Elles ont l’avantage de favoriser le retour au calme, un climat de confiance et une meilleure écoute et attention des élèves.
Les écoles hors contrat à pédagogie alternative
Les seules écoles à appliquer des méthodes non conventionnelles et à proposer des programmes d’apprentissage individualisés, sont les écoles hors contrat. Elles ne sont pas tenues de respecter les programmes de l’Éducation nationale, ce qui leur laisse une grande liberté quant aux contenus et méthodes d’apprentissage. Néanmoins, ces écoles doivent garantir aux élèves un socle commun de connaissances et les amener à un niveau « scolaire » suffisant en fonction de leur âge.
En outre, autant Maria Montessori s’adressait aux enfants de toute condition sociale, autant les écoles alternatives concernent les familles les plus aisées. Avec des coûts de scolarité avoisinant les 10 000 euros par an, la mixité sociale ne peut être garantie. Ce n’était certes pas l’objectif des pédagogues de la première heure, mais les écoles hors contrat se financent sur leurs fonds propres, d’où leur coût élevé.
Les activités extra-scolaires et les pédagogies alternatives
Comment faire profiter ses enfants des bienfaits des pédagogies alternatives sans pour autant avoir à les inscrire dans une école hors contrat ? Bienveillance, épanouissement, bien-être, confiance en soi… Les activités de loisirs peuvent aussi développer une approche éducative alternative. Peut-être trouverez-vous près de chez vous :
- des ateliers Montessori,
- des ateliers de yoga, de méditation, de relaxation,
- des salles de jeux (ludothèques, espaces-jeux etc.) où les enfants ont le droit de manipuler, d’expérimenter…
- des lieux et espaces dédiés aux enfants dans des musées, institutions culturelles…
- des espaces d’accueil petite enfance encadrés par des professionnels (éducateur de jeune enfant, psychologue…)
- des activités aventure, nature, scientifiques…
- des ateliers de construction (Lego, Kapla…et même dans des musées)
Pour retrouver toutes nos idées de sorties en famille à Paris, Lyon et Marseille, reportez-vous sur nos articles qui présentent une sélection des meilleures activités du moment pour tous les petits curieux et curieuses !
Avantages et inconvénients des pédagogies alternatives
Vérifier le sérieux des écoles à pédagogie alternative hors contrat
L’avantage indéniable des pédagogies alternatives est de rendre l’enfant autonome, indépendant. C’est lui qui prend en charge son chemin de vie et acquiert les connaissances dont il a besoin au cours de son développement. Ainsi il apprend à son rythme et conserve sa confiance en lui. Il peut pousser plus loin ses compétences s’il le souhaite et s’il est prêt à le faire. Son développement est donc plus harmonieux et comprend aussi le volet social, collaboratif et interpersonnel.
Cependant, il convient d’être attentif à la conception de l’enfant et de l’humain prônée par les éducateurs. Il faut veiller à ce que les écoles à pédagogie alternative n’enferment pas les enfants dans un modèle de pensée unique (anthroposophie de Steiner). Les enseignants qui y travaillent sont souvent sélectionnés sur leur parcours de vie et non sur leur formation. L’article du Monde déjà cité plus haut (Mathilde Damgé, 31/08/18) pointe le peu de contrôles pratiqués sur les écoles hors contrat et la volonté de l’État d’y remédier. De fait, le journal relève que sur la trentaine d’écoles inspectées inopinément dans l’Académie de Versailles en 2016 aucune « n’enseignait le socle commun de connaissances ». Méfiance donc si vous prévoyez de faire revenir votre enfant dans l’enseignement traditionnel.
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Les pédagogies alternatives à la maison
Enfin, pourquoi ne pas vous inspirer des différentes pédagogies et les appliquer chez vous ? La pédagogie active et l’éducation holistique peuvent aussi trouver leur place à la maison. Pour rappel, l’éducation holistique prend en compte l’enfant dans sa globalité. En tant que parent, c’est justement ce que nous souhaitons pour nos enfants : qu’ils soient considérés comme des êtres complets et complexes et non pas seulement comme des élèves. Certaines écoles appliquent aussi cette vision complète de l’individu apprenant. L’objectif est de s’intéresser à tous les facteurs qui influencent les apprentissages, dans et en dehors de l’école. Pour accompagner et aider l’enfant à grandir, à devenir une personne responsable et autonome qui fait les bons choix pour elle-même, dans le respect de sa personne et des autres.
Ainsi, on s’intéressera aux aspects cognitifs (le processus d’apprentissage), affectifs (reconnaitre et gérer ses émotions), relationnels (socialisation) et aux réalisations concrètes (actions). En outre, les capacités de métacognition (apprendre à apprendre) guideront l’enfant toute sa vie. Elles vont lui permettre de s’améliorer grâce à une bonne connaissance de lui-même, de ses capacités, méthodes et moyens d’apprentissage.
Pour finir, la méditation et la relaxation à la maison apportent également de bons moments de détente, nécessaires au bien-être de l’enfant.
Et vous, quelles sont les pédagogies qui vous inspirent dans votre quotidien de parent ou d’enseignant ? Rendez-vous sur nos réseaux sociaux FB et Instagram pour partager vos références et auteurs fétiches !
