Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
Qu’est-ce que la transmission ? Pourquoi vouloir transmettre ? Qu’est-ce qu’on a envie de partager avec nos enfants ? Aborder la question de la transmission c’est entrer dans un foisonnement mêlé de culture familiale, intime et aussi d’histoire de ses origines, de ses traditions. En somme, tout ce qui constitue notre singularité et aide nos enfants à forger la leur.
Transmettre une passion culturelle
Patrimoine culturel et pratiques familiales
D’après une étude du DEP (département des études et la prospective du ministère de la culture et de la communication), 50% des passions culturelles sont transmises par les parents. Un même pourcentage concerne les activités de loisirs, tels que le bricolage, le jardinage, la couture, le sport ou la fréquentation d’amis et voisins. La famille représente bien le lieu des possibles en matière de transmission et de pratique culturelle. Elle est relayée par l’école qui abonde également dans le sens de la transmission de valeurs communes. Cela passe par les valeurs républicaines, le vivre ensemble et s’illustre à travers l’histoire des arts, le chant, l’histoire, la géographie etc. avec une appellation générique de « culture commune ».
De son côté, la famille véhicule ses valeurs propres qui recouvrent un large prisme : des valeurs morales, religieuses, des pratiques culturelles, des activités spécifiques. Les enfants s’imprègnent de tous ces éléments glanés dans et en dehors de la famille pour intégrer à leur façon tout cet héritage. Au sein du cercle familial, le patrimoine culturel passe d’une génération à l’autre avec une accumulation de contenus et de pratiques extrêmement variés. Parfois, les parents et grands-parents partagent leur passion avec les enfants. Ils commencent par leur faire découvrir ce qui leur procure de la joie, du réconfort aussi. Il naît de ce partage une transmission des émotions qui donne du sens à la fois à l’activité ou au contenu culturel, mais aussi au temps d’échange lui-même. Souvent l’enfant sera enclin à apprécier ce qui lui est montré comme positif et agréable.
Construire son identité à travers le patrimoine culturel
Toutefois, l’enfant peut aussi se construire en opposition à une forte tradition familiale. On retrouve d’ailleurs fréquemment ce thème dans la littérature jeunesse. Par exemple, un vampire désire être un enfant normal, un loup ne veut pas manger Le petit chaperon rouge etc. De cette opposition ressort cependant l’affirmation d’un caractère en écho à la passion qui anime une famille. Et souvent, l’enfant qui refuse d’adhérer à une pratique est amené à suivre son propre chemin et vivre ses passions. Ceci lui permettra de trouver sa place. Tout comme ses frères et soeurs ont pu aussi trouver la leur en perpétuant la tradition familiale ou en choisissant une voie originale. Dans l’idéal, transmettre un patrimoine culturel sous-tend une position de partage, d’initiation à la connaissance de soi. Et non une injonction à suivre le modèle parental.
L’analyse du sociologue Pierre Bourdieu a révélé la prégnance du déterminisme familial, social et culturel pour pointer les inégalités de chance. Mais il a aussi insisté sur la possibilité de dépasser la tendance à la reproduction sociale à travers la culture artistique et littéraire. La fréquentation des établissements culturels et le développement des pratiques artistiques entrent d’ailleurs dans le cadre d’une politique culturelle à visée démocratique et égalitaire. La famille constitue ce premier lieu, ce premier lien avec le patrimoine culturel.
Pourquoi avons-nous envie de transmettre un patrimoine culturel ?
Vous avez déjà fait répéter tous les chants de Noël à vos enfants ? Ils connaissent par coeur les génériques de dessins animés des années 80 ? Vous ne pouvez prendre le volant s’en écumer le répertoire de Céline Dion ? Ou bien vous avez scrupuleusement conservé toutes vos BD de Boule et Bill et les premières éditions d’Harry Potter ? Bien plus que la nostalgie du passé, c’est tout un pan de patrimoine culturel que vous avez préservé pour vos enfants.
Réactualisation de notre propre enfance dans celle de nos enfants
Lorsqu’on transmet des références culturelles à nos enfants, on partage aussi avec eux le plaisir que nous avons nous-mêmes éprouvé plus jeunes. Remarquez comme nous amorçons souvent le dialogue par « quand j’étais petit… ». Les enfants adorent écouter nos anecdotes et bêtises. Et ils aiment aussi feuilleter les albums photos et explorer la malle à jouets chez les grands-parents. Enfin, ils sont tout ouïe quand on leur lit une histoire ou passe une musique autrefois aimée.
Cette passation de notre patrimoine culturel est héritée de nos propres parents et enrichie par nos expériences et goûts personnels. Il s’agit d’un patrimoine immatériel, à forte valeur émotionnelle. En le partageant nous montrons à nos enfant que nous aussi nous avons grandi. Nous avons appris et bâti notre identité en fonction d’un bagage. Dans cette valise bien remplie, nous avons puisé des modèles, des exemples, des envies. Une fois devenus adulte, nous nous y sommes référés pour prendre nos décisions, faire nos choix. Et quand nous sommes à notre tour devenus parents, nous l’avons dépoussiérée pour la remettre en service.
Enrichir sa parentalité par la transmission culturelle
On peut distinguer la culture familiale du patrimoine culturel familial. La culture familiale rassemble des traditions et habitudes. Tandis que le patrimoine culturel familial concerne plus largement les oeuvres et pratiques artistiques appréciées dans la famille. En tant que parents nous assumons toutes les tâches qui visent la santé et le bien-être de nos enfants. Mais nous avons envie aussi que notre parentalité ne se résume pas à les nourrir, les soigner et les instruire. C’est pourquoi nous cherchons à provoquer cette étincelle de bonheur, cette petite lumière qui réchauffe nos coeurs. Le bonheur d’être ensemble tout simplement. En nous retrouvant autour d’une lecture, d’une écoute partagée ou dans la contemplation d’une oeuvre.
Nous voulons transmettre ce patrimoine culturel qui nous a fait réfléchir et qui suscite des voyages imaginaires. On se prend à rêver de nouveau à Babar, et on prend aussi du plaisir à découvrir, lire et relire les albums du Père Castor (Roule Galette, Marlaguette) et ceux de l’Ecole des Loisirs. Comment ne pas craquer pour le loup vaniteux mais attachant de Mario Ramos ? Ou encore Blaise, le facétieux poussin masqué de Claude Ponti et Simon, le lapin de Stéphanie Blake qui aimerait bien ne manger que des pâtes ? Nous reviennent en tête également les mélodies du Carnaval des animaux, de Pierre et le Loup. Et ces merveilleuses chansons d’Henri Dès (C’est le printemps), Anne Sylvestre (Dans ma fusée) et du spectacle musical Emilie Jolie de Philippe Chatel.
Laisser une trace de soi pour ses enfants
D’un point de vue psychanalytique, nous transmettons pour ne pas disparaître. En passant le relai à nos enfants, nous recréons un panthéon virtuel et l’espace pour l’enrichir. Chaque référence, musicale, narrative, picturale ancre l’histoire de l’enfant et lui permet d’avancer sur son propre chemin. En semant ces petites graines, vous ouvrez des possibles que votre jardinier d’enfant décidera de cultiver ou non à son tour. On peut citer comme exemple Beethoven dont le père et le grand-père étaient eux-mêmes musiciens. Et plus proche de nous, on trouve la famille de Marie-Aude Murail, célèbre autrice pour la jeunesse. Sa mère était journaliste et écrivaine, son père poète et trois de leurs quatre enfants sont devenus auteurs (Moka, Loris Murail). Sans forcément souhaiter que nos enfants exercent la même profession, nous pouvons leur donner le goût des choses. Et participer à leur éveil au monde en développant et nourrissant leur curiosité naturelle.
Quelles sont les passions et oeuvres que nous aimons transmettre ?
La musique transcende les âges !
Parmi les passions culturelles les plus répandues, on trouve la musique, tant dans l’écoute, le chant et/ou la pratique d’instrument. Il existe un véritable répertoire musical qui voyage à travers les générations. Chez papy et mamie l’enfant écoutera les classiques des ses grands-parents, les artistes qu’ils ont écoutés étant plus jeunes et les rengaines que leurs propres parents et grands-parents fredonnaient en passant le balai. Imaginez un peu un mélange de Luis Mariano, des Beatles et de Stromae que côtoieraient Aldebert et Steve Waring (La baleine bleue). Vous obtenez une bande-son tout-à-fait originale !
La musique fait partie du patrimoine commun de l’humanité, en tant que Patrimoine Culturel Immatériel. À ce titre, « l’UNESCO a établi, en 2009, un nouveau partenariat avec Smithsonian Institution pour rendre accessible au public plus de 100 volumes de la collection [de musique traditionnelle du monde] provenant de plus de 70 pays de tous les continents ». Par ailleurs, la musique classique continue également de cheminer au travers des générations qui se la réapproprient par leurs interprétations renouvelées. Partager ce patrimoine culturel c’est donner aux enfants la possibilité d’appréhender la permanence des sentiments humains grâce à l’universalité de la musique.
Les livres et les contes pour transmettre des histoires atemporelles
Bien sûr, chaque époque a ses goûts et fréquente certaines oeuvres plutôt que d’autres. Mais la transmission des contes, d’abord orale, survole les siècles. Nous en avons aujourd’hui une version écrite, parfois transformée ou même édulcorée. D’ailleurs, les contes dépassent très largement le cadre de l’enfance pour s’ancrer dans l’histoire de l’humanité. A vocation édificatrice ou morale, ils frappent les esprits par le destin qu’il mette en exergue. Tranches de vie sortant subitement de l’ordinaire pour flirter avec le monde magique, les contes en disent beaucoup sur les joies et les peurs. Ils jouent avec nos émotions primitives : la peur de la dévoration, de l’abandon, de la maladie etc. Et s’adressent à tous les âges. Ceux que nous connaissons le mieux sont sans doute les contes de Grimm et de Perrault.
C’est pourquoi nous éprouvons nous-mêmes toujours un certain pincement à la lecture d’un conte qui nous a ému dans notre enfance. On se rappelle du Vilain petit canard, auquel nous nous sommes identifié lorsque nous nous sentions faible ou repoussé par les autres. Nous nous rappelons aussi avoir ri à la lecture du Costume neuf de l’empereur, lorsqu’il se promène tout nu et que l’enfant révèle la supercherie. Enfin nous avons rêvé de sauver nos frères et soeurs comme le Petit Poucet, d’enfiler les bottes de sept lieues du Chat Botté ou encore de pousser la sorcière dans le poêle, tels Hansel et Gretel. En transmettant à notre tour ces contes à nos enfants, nous espérons qu’ils leur apportent matière à réfléchir et à rêver.
Dans le même registre, les mythes et légendes fondateurs ont traversé l’histoire de l’humanité pour mettre en scène les tensions et rapports de force entre les hommes et les dieux. Par exemple, vous pouvez écouter en famille, sur votre enceinte Merlin, le podcast Les Odyssées qui propose des épisodes sur le roi Arthur, L’Iliade et l’Odyssée, mais aussi Sinbad le marin ou encore Shéhérazade.
Transmettre un patrimoine culturel varié : une éducation à la richesse du monde
Quand on parle de patrimoine culturel, on pense à l’héritage de l’humanité, son histoire, ses temples, ses oeuvres d’art. En outre, ce patrimoine peut revêtir de multiples aspects. Il peut s’agir d’une autre langue, de recettes de cuisine, d’artisanat ou d’activités ancestrales. Et chez vous, quel patrimoine culturel partagez-vous avec vos enfants ?
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