Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
L’offre de divertissements pour les enfants a de quoi faire briller les mirettes des grands et des petits. À tel point que l’ennui semble avoir déserté le quotidien des plus jeunes. Comme si cette petite phrase que nous prononcions quand nous étions nous-mêmes enfants était devenue tabou : « je m’ennuie, j’sais pas quoi faire ! ». Ce qui, il faut bien l’avouer avait deux sens cachés : 1) Demander aux parents de jouer avec nous 2) Inciter les parents à nous allumer le poste de télé. Des questions toujours d’actualité, hormis le fait que l’écran de télé s’est démultiplié en plusieurs supports : tablette, smartphone, ordinateur…
Et dans cette interrogation enfantine réside toujours l’attirance et l’envie d’alterner entre des occupations actives et passives. Quel est le bon équilibre entre toutes les activités possibles ? Comment gérer le temps d’écran pour varier tous les plaisirs et développer toutes les habiletés ? Entre bon sens, recommandations scientifiques et flexibilité, nos réponses à ce (pas si) cruel dilemme.
Quels sont les divertissements actifs pour enfants ?
Qu’ils soit actif ou passif, le propre du divertissement est d’amuser, détendre et faire penser à autre chose qu’aux obligations quotidiennes. Cette définition s’applique à tout âge, à la nuance près que chez les petits on peut associer divertissement et contrainte. Comme se brosser les dents en musique ou ranger sa chambre en imitant un chat qui bondit. Ainsi, nous avons souvent nos petites astuces pour aider nos enfants à surmonter des moments peu attractifs, voire pénibles. Par exemple nous jouons à mimer le contrôleur dans le train. Ou encore nous fabriquons des marionnettes avec une cuillère en bois dans la salle d’attente du pédiatre. Le divertissement englobe un large répertoire de contextes et situations auxquels certaines activités sont plus adaptées que d’autres.
Parmi les divertissements actifs on trouve les :
- activités manuelles, graphiques et artistiques : bricolage, jardinage, cuisine, dessin, collage, grattage, peinture, modelage etc ;
- activités sportives ;
- jeux d’imitation avec des poupées, des figurines ou en interaction avec d’autres enfants qui jouent des rôles ;
- jeux de construction ;
- la lecture ;
- l’écoute de contenus audio (musique, histoires, podcasts documentaires) ;
- activités ludo-éducatives : puzzles, casses-têtes, jeux de société, jeux électroniques…
Tous ces divertissements sollicitent tout ou partie du corps et font plus ou moins appel à la réflexion. N’oublions pas que l’on peut aussi se divertir en occupant son cerveau !
Identifier les divertissements passifs pour enfants
Forcément, le terme « passif » renvoie une connotation négative, contrairement à celui d’ « actif ». Ceci pour deux raisons. Premièrement, la passivité est associée à l’oisiveté que dénonçaient déjà les philosophes du XVIIIème siècle (C.F. Diderot dans l’Encyclopédie). Celui qui est oisif ne participe pas à la société et devient même un poids à son développement et son épanouissement. Cela ne concerne peut-être pas directement l’enfant, non assujetti aux mêmes règles et attentes qu’envers un adulte. Cependant son statut d’apprenti de la vie le projète vers ce modèle de citoyen actif.
Deuxièmement, la passivité associe la faiblesse du corps à la faiblesse de l’esprit. En d’autres termes, la passivité évoque l’absence de réflexion, la pensée facile, sans recul critique. À ceci s’ajoute le manque d’exercice physique qui provoque potentiellement des troubles de la santé (déficit musculaire, surpoids dû à l’inactivité etc.). En opposant divertissements actifs et passifs, on oppose de fait une philosophie de vie orientée vers la mobilisation des capacités physiques et intellectuelles à une sorte de démission et de laisser aller général.
La position des spécialistes de l’enfance face aux divertissements sur écran
En outre, la communauté éducative et médicale a tiré depuis longtemps déjà la sonnette d’alarme face aux dangers de la surexposition des enfants aux écrans. On sait aujourd’hui avec certitude que l’addiction aux écrans a un impact sur le développement des jeunes. Elle peut provoquer un retard de langage, des troubles de la sociabilité, des comportements irritables, un dérèglement du sommeil etc.
Parallèlement, la remise en question des écrans a un impact fort sur l’éducation des enfants. Les parents informés peuvent rencontrer des difficultés à limiter le temps d’écran à la maison. Ce qui implique parfois des situations familiales conflictuelles, voire contradictoires, avec une oscillation entre permission et interdiction. Comment faire alors pour garder raison tout en autorisant plusieurs types de divertissements ? De quoi parle-t-on exactement quand on parle de divertissement passif pour enfants ?
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Quel temps d’écran pour quel âge ?
De fait, pour les enfants de 3 à 9 ans, le temps d’écran concerne essentiellement le visionnage de dessins animés. Or, on ne peut pas affirmer qu’un dessin animé est mauvais en soi. En revanche, le temps passé devant les dessins animés est discutable.
En fonction de l’âge des enfants et du contexte, cette durée varie et les préconisations de temps d’écran sont les suivantes :
- 20 minutes pour les 3-6 ans ;
- 30 minutes pour les 6-8 ans ;
- 45 minutes pour les 8-10 ans ;
- 1h après 10 ans.
Toutefois, lorsque l’enfant est malade, ce temps pourra augmenter et contribuer à faire oublier la douleur. De même, si vous voulez voir un film en famille vous atteindrez facilement 1h10 à 1h30 de visionnage. Mais vous aurez partagé un moment convivial qui aura du sens et dont vous pourrez discuter ensemble.
Apprivoiser les écrans et aider les enfants à s’autoréguler
Toutes les activités sur écran n’impliquent pas de la passivité de la part de l’enfant. En particulier les jeux vidéos réclament des actions et une certaine réflexion. Ils requièrent coordination, repérage dans l’espace, raisonnement stratégique etc. L’aspect négatif de ces jeux sur écran réside dans la répétitivité des actions et l’addiction qui peut s’installer. Une pratique trop « assidue » des jeux vidéos peut avoir des répercussions sur la qualité de vie des enfants. Elle empêche d’explorer d’autres fonctionnalités motrices pour développer sa dextérité et capte toute l’attention et l’envie de s’investir dans une tâche. Il peut s’ensuivre une baisse de motivation générale, voire un syndrome dépressif. Dans un jeu vidéo, tout est fait pour retenir l’attention du joueur et l’inciter à poursuivre sa quête. Les autres divertissements paraissent alors peu attractifs, voire insipides ou réclamant des actions trop complexes donc décourageantes.
De plus, les mouvements de la main et des doigts sollicités empruntent toujours les mêmes schémas, ce qui ne permet pas un développement complet des muscles. À ce propos le site Sciencepost titrait « Des chirurgiens de moins en moins habiles à cause des écrans » en 2019. Certains scientifiques américains avancent que « les enseignements primaire et secondaire offrent moins de cours créatifs tels que le dessin ou la musique. Surtout, les jeunes ne pratiquent pas d’activités permettant de développer la motricité fine tels que la couture ou la menuiserie. » À grande échelle, le déficit d’activités manuelles pourrait avoir un impact sur la société future.
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En fait, tout comme une alimentation gagne a être variée pour trouver le bon équilibre, il en va de même pour les divertissements des enfants. Une bonne occasion aussi de leur apprendre à s’auto-réguler.
Fixer des règles simples pour varier les divertissements
Poser un cadre rend autant service à l’adulte qu’à l’enfant. L’enfant sera plus autonome, il sait ce qu’il a le droit de faire ou de ne pas faire. Il en comprend les raisons et peut évoluer dans ce cadre en faisant preuve d’inventivité et d’initiative. Ainsi, il organise son emploi du temps en fonction des possibilités. Par exemple, en rentrant de l’école, il termine ses devoirs puis il file à la douche écouter une histoire tout en jouant avec son pistolet à eau. Ensuite il peut aider à la préparation du dîner. Et pendant la cuisson regarder deux dessins animés de son choix. Au repas chacun raconte sa journée et on débarrassera tous ensemble pour gagner du temps avant le coucher. Ensuite, une activité calme procurera la sérénité nécessaire au sommeil : écoute musicale, lecture autonome, jeu calme, yoga, relaxation, méditation, écoute d’une histoire adaptée (voix haute ou histoire audio).
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Le jeu vidéo pourra trouver sa place le mercredi ou le week-end et pourquoi pas en profiter pour faire une partie en famille ? Une façon de contrecarrer l’isolement redouté dans ce type de divertissement.
De son côté en posant des règles, l’adulte évite de répéter constamment les limites. Il responsabilise son enfant en lui laissant le choix de son divertissement. En journée, il incitera les divertissements actifs énergiques (sport, casse-tête, activités nécessitant du matériel). Et en fin de journée, pour s’adapter à la fatigue, il orientera plutôt vers un divertissement calme, voire passif. En effet, si on devait relever l’avantage d’un divertissement passif c’est qu’il permet de suspendre les problèmes. Alors, certes une fois le dessin-animé terminé, les difficultés restent entières mais elles sont désormais mises à distance et trouveront plus facilement résolution.
Par ailleurs, pour rappel, il est fortement déconseillé d’exposer les enfants aux écrans dès le réveil comme le montre une étude remontant à janvier 2020 (source Santé Publique). Cette étude révèle que ces enfants sont « trois fois plus à risque de développer des troubles primaires du langage ». Et six fois plus en cas d’absence de dialogue parent/enfant à propos du contenu des écrans.
Souplesse et humour pour cimenter la relation parent/enfant
Finalement, la clé d’un bon équilibre c’est la communication et l’écoute mutuelle entre les adultes et les enfants. De plus, rire en famille diminue le stress et favorise le développement de l’enfant.
Tous les divertissements actifs comme passifs présentent des avantages. Tout dépend de leur quantité et du contexte. Les enfants qui ont besoin de se défouler apprécieront les activités de plein air et pourront passer du temps au parc ou dans leur jardin. Pour d’autres en revanche, les meilleurs divertissements découlent de jeux d’imagination où calfeutrés dans leur tente ils vivent de trépidantes aventures imaginaires. En définitive, nous aimons voir nos enfants s’amuser et prendre plaisir dans les activités qu’ils ont choisies.
Et si par fatigue ou besoin de faire une pause face aux multiples sollicitations scolaires et sociales, votre enfant a envie de ne rien faire sur le canapé… c’est aussi très bien. Dans ces moments d’inactivité apparente son imagination vagabonde, sa réflexion se déploie à l’abri des jugements. L’ennui provient plutôt d’un manque d’interactivité que d’une absence d’activité. En initiant un nouveau divertissement, l’adulte réveille ses capacités d’attention, son envie de dire et de faire. La plupart du temps, il suffit d’amorcer un scénario pour que l’enfant s’en saisisse et le peuple de son propre imaginaire.
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À cet égard, l’audio stimule les capacités cognitives, l’autonomie et ravive l’intérêt de l’enfant pour le monde qui l’entoure. Il constitue une bonne alternative aux écrans et un divertissement tour à tour actif (chanter, danser ou dessiner tout en écoutant) ou plus contemplatif/imaginatif/méditatif (yoga, musique calme, conte).