Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
L’apprentissage de la lecture réclame un entrainement régulier pour atteindre l’objectif d’automatisation. Les progrès attendus dépendent de l’âge et des exercices mis en place. Ils débutent par la reconnaissance graphème/phonème exprimée à voix haute, puis par la rapidité du décodage ou fluence, et enfin par la lecture de phrases puis de textes. Par ailleurs, on évalue la compréhension sur des temps à part pour ne pas surcharger l’effort de lecture/déchiffrage. À chacune des étapes d’apprentissage de la lecture, les parents peuvent accompagner leur enfant pour faciliter leur entrée dans l’écrit. Cela passe par la motivation bien sûr mais aussi par une pratique régulière et systématique. D’autre part, continuer de développer le langage oral et la connaissance du monde contribuent à faciliter l’entrée dans l’écrit.
Quelles sont les étapes d’apprentissage de la lecture ?
L’apprentissage de la lecture est au coeur des objectifs de la GS au CE1. Dès la maternelle, un travail sur les sons permet de travailler la reconnaissance des phonèmes de la langue française. Ensuite vient l’encodage, c’est-à-dire comment on écrit ce qu’on entend. Les enfants commencent par lire puis écrire leur prénom. Petit à petit ils savent aussi reconnaître les étiquettes de leurs camarades affichés pendant le rituel d’accueil du matin.
En entrant en CP, ils ont compris que les lettres de l’alphabet se combinent pour former des sons. Ils sont capables de faire des propositions pour écrire des mots simples comme « papa, moto, bateau » sans tenir compte de l’orthographe. Ainsi le mot « bateau » sera écrit « bato », ce qui constitue un encodage correct pour les enfants de 5-6 ans.
Aujourd’hui la méthode syllabique prédomine car les experts en pédagogie de la lecture ont montré qu’elle donnait les meilleurs résultats. En CP, les sons sont abordés par niveau de difficulté : correspondance grapho-phonétique complète comme pour le [a], [i], [d], [p] etc. des plus courants au moins fréquents comme [z]. Puis les élèves déchiffrent des graphèmes complexes comme ceux du son [o] qui s’écrit o, au, eau pour aller vers des phonèmes complexes comme ail, eil, euil, ouil. À la fin du CP, tous les sons ont été étudiés.
Au CE1, les élèves révisent leurs acquis et gagnent en fluidité et rapidité. Ils commencent à lire de façon autonome et à pouvoir traiter des questions de compréhension littérale. Progressivement, ils vont être capables de faire des inférences en s’appuyant sur des passages du texte, c’est-à-dire analyser le sous-texte, tout ce qui n’est pas explicitement écrit mais suggéré par divers indices textuels.
Comment préparer son enfant à l’apprentissage de la lecture ?
D’une manière générale, les enfants qui ont accès à des contenus culturels variés ont plus de facilité à apprendre à lire. En particulier, la lecture d’albums dès le plus jeune âge s’avère extrêmement bénéfique. Ce seront tout d’abord des livres cartonnés à manipuler, puis de petites histoires répétitives et enfin des histoires plus longues. De même l’écoute d’histoires audio fait appel aux mêmes zones cérébrales que la lecture. On considère donc que l’audio favorise l’apprentissage de la lecture. Par extension tout contenu audio, documentaires, podcasts, musique développent l’attention, la concentration et la curiosité naturelle de l’enfant. C’est pourquoi de plus en plus d’enseignants organisent dans leur classe un coin d’écoute avec casque pour donner accès au plus grand nombre à la richesse de l’audio jeunesse.
Par ailleurs, le facteur motivationnel ainsi que la maturité affective de l’enfant impactent l’apprentissage de la lecture. Tous les enseignants sont d’accord pour dire que l’enfant doit avoir un déclic pour passer au statut de lecteur. On sait par exemple que certains enfants ont peur de quitter la petite enfance et peuvent éprouver des difficultés à entrer dans l’écrit, symbole du monde « adulte ». Dans tous les cas, il est bon de respecter la progressivité des apprentissages et les capacités de travail des enfants en fonction de leur âge. Inutile d’insister pendant des heures car la surcharge cognitive empêche tout nouvel apprentissage. Des plages d’activité de 5 à 10 minutes à la maison (en général 20 à 30 minutes en collectif) montreront de bien meilleurs résultats.
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D’autre part, lorsque l’on propose une activité de lecture à un enfant, il faut la programmer au moment le plus opportun de la journée. L’attention atteint son pic en début de matinée puis en deuxième partie d’après-midi. De même, alterner une activité intellectuelle avec une activité physique permet de canaliser l’énergie et d’augmenter la qualité de la concentration.
Jeux autour des sons pour faciliter la compréhension du code alphabétique à partir de 5 ans
En GS et début de CP, on peut proposer des jeux de reconnaissance de sons, très efficaces pour préparer son enfant à la lecture. Par exemple, vous pouvez lui demander de trouver tous les mots qui commencent par le son [s] dans la cuisine : savon, serviette, sel, serpillère, citron, ciboulette, ou le son [t] : table, torchon, toast, tomate, tasse. Un peu plus difficile : trouver des mots qui riment (vers 6 ans), comme tous les animaux où on entend [o] à la fin : escargot, chevreau, chiot, lapereau, corbeau, manchot, asticot, chameau.
Pour préparer l’entrée au CP, vous pouvez tenir un petit cahier de découverte pendant les vacances. Le principe est simple : lorsque votre enfant apprend un mot nouveau, il le recopie en majuscules et en attaché (écriture cursive) à l’aide d’un modèle. Puis il réalise un dessin pour l’illustrer. Par exemple, au bord de la mer, il peut observer des mouettes et des goélands, la marée, un chalutier etc. Autant d’occasion de lire et de manipuler les mots (encodage/décodage) pour se familiariser avec l’écrit avant d’entrer en CP. De plus, il aura un carnet de voyage qu’il pourra conserver et feuilleter plus tard pour mesurer ses progrès. Après quelques mois, il s’écriera certainement « regarde comment je faisais mes « a », maintenant je les écris facilement. » Ce qui est encourageant pour la suite : lire et écrire de mieux en mieux !
Automatiser la lecture par des exercices ludiques de fluence à partir du CP
L’objectif principal du CP est l’automatisation de la lecture des graphèmes. On attend des enfants qu’ils lisent rapidement et sans erreur des suites d’unités (syllabes, mots) sans prêter attention au sens. En effet, on sait que 30% des élèves de CM ne lisent pas de façon fluide. Or pour accéder au sens du texte, il faut être libéré de l’effort du déchiffrage. C’est pourquoi les directives actuelles de l’Education nationale mettent l’accent sur le décodage systématique. Vous pouvez aider votre enfant à s’entraîner en l’encourageant à lire tout ce qui se trouve dans son environnement : panneaux de signalisation, paquets de céréales, modes d’emploi, recettes de cuisine etc.
Par ailleurs, en quelques coups de ciseaux, vous pouvez fabriquer des étiquettes de graphèmes à cacher dans un sac. Votre enfant peut relever un défi de son choix : tirer deux ou trois étiquettes à assembler puis à lire avec toutes les combinaisons possibles. Par exemple avec par/euil/sou, il pourra former des combinaisons de deux ou trois graphèmes comme pareuil/parsou/soupar/soupareuil etc. Une autre possibilité consiste à lire le plus d’étiquettes en un temps limité par un compteur ou un sablier. Un bon moyen de s’occuper pendant les trajets ou temps d’attente ! À noter qu’il existe de nombreux kits d’étiquettes de graphèmes aimantées ou repositionnables dans le commerce.
Comment aider les enfants de 7 ans et plus à acquérir des compétences supérieures dans l’apprentissage de la lecture ?
Lire régulièrement tous types de textes pour fluidifier la lecture
En général, à la fin du CP, les enfants savent déchiffrer tous les sons et peuvent lire des textes. Alors se pose la question du choix des livres. Faut-il les laisser choisir au risque qu’ils sélectionnent des ouvrages trop compliqués ? Doit-on leur procurer une sorte de liste idéale issue de recommandations de professionnels (enseignants, bibliothécaires, libraires…). En la matière, aucune préconisation ne peut imposer son choix à un enfant. Ce n’est pas en devenant lecteur que l’enfant découvre le livre. Il le fréquente souvent depuis ses premiers mois et a sans doute des centres d’intérêt précis.
Néanmoins si certains ont des goûts bien arrêtés (les animaux, les chevaliers, les histoires réalistes etc.), certains enfants ont peur de les exprimer. Ou du moins ils se sentent parfois perdus face à la masse éditoriale. On peut parfaitement leur vanter tel ou tel ouvrage, mais ils pourront préférer lire le même livre qu’un copain. Quoiqu’il en soit, nous adultes prenons garde à ne pas émettre de jugement de valeur. Il est important pour préserver la confiance en soi de son enfant de le laisser lire ce qu’il veut : récits courts, romans d’aventure, documentaires, BD, manga… Toute lecture développe la compétence de lire et amène à découvrir des oeuvres littéraires de qualité.
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Série mania : les enfants raffolent des héros et héroïnes récurrents !
Des séries conçues pour les jeunes lecteurs de 6 et 7 ans qui favorisent l’apprentissage de la lecture
Toutefois, on note une tendance des enfants à apprécier les séries avec héros récurrents. C’est pourquoi les éditeurs développent souvent leur catalogue dans ce sens. Les jeunes lecteurs (et les plus âgés aussi !) aiment retrouver les mêmes personnages et suivre leur évolution au travers de nouvelles aventures. Parmi les plus connues on trouve la série Je suis en CP, puis Je suis en CE1 chez Flammarion. Mais il en existe de nombreuses autres : Premières Lectures chez Nathan (romans et BD), la collection Poussin pour les 5-7 ans et Benjamin (6-8 ans) chez Milan, Moucheron puis Mouche à l’école des loisirs, le magazine Mes Premiers J’aime Lire chez Bayard Jeunesse et J’apprends à lire chez Milan etc.
Pour les lecteurs confirmés de 7-8 ans, certaines séries comme La Cabane magique ont fait leurs preuves depuis plusieurs décennies. Le principe d’une aventure temporelle à chaque volume embarque les jeunes lecteurs aussi bien dans l’Egypte des pharaons qu’au coeur du carnaval de Venise ou encore au temps des dinosaures ou en expédition sur la Lune. La narration adopte un rythme soutenu par de multiples rebondissements et un style accessible. L’enfant lit avec facilité et a la satisfaction d’achever rapidement un ouvrage. Le nombre de pages augmente à mesure que la série se poursuit, sans que cela ne perturbe le lecteur qui en ressort aguerri pour aborder des ouvrages plus difficiles.
Des aventures originales qui captent l’attention : sélection de romans et BD pour les CP et CE1
Cette série est un exemple « institutionnel » mais d’autres plus récentes ravissent également les jeunes générations : Le Buveur d’encre qui met en scène un vampire qui boit l’encre des livres, Emma et Loustic qui suit une jeune fille et son chat dans des enquêtes bien fouillées, ou encore Migali une BD trépidante avec une princesse araignée à six bras et deux jambes.
Enfin, le genre humoristique (et de série aussi) ravit de nombreux enfants lecteurs de BD comme Tom Tom et Nana, Anatole Latuile, Ariol, Mortelle Adèle… Accessibles dès le CE1 pour les enfants à l’aise en lecture.
Quelles solutions pour aider les enfants en difficulté d’apprentissage de la lecture ?
Lire tous les jours et de tout pour que l’enfant déchiffre de manière automatique
Cependant, certains enfants affichent une réticence à la lecture qui perdure au-delà du CP. Elle peut avoir deux causes : une absence de maîtrise de la combinatoire (déchiffrage) et/ou un désintérêt pour l’écrit. Lorsqu’il s’agit d’un défaut de technique, la meilleure solution réside dans l’entrainement et la répétition quotidienne d’exercices de déchiffrage systématique. Tant que cette étape n’est pas automatisée, l’enfant ne sera pas délesté du poids de l’effort de décodage. Que le texte soit intéressant ou non, de qualité supposée ou non, rien n’y change.
En revanche, il faut absolument continuer de proposer en parallèle des exercices de lecture, l’écoute d’histoires lues par un parent ou en version audio. En effet, pour maintenir le désir de lecture, l’envie de progresser pour y arriver comme un grand, il faut laisser toujours ouverte la porte de l’imaginaire littéraire. Que l’enfant puisse entrevoir la richesse du monde de l’écrit, qu’il sache que derrière les mots imprimés se cachent des trésors de vies réelles et rêvées, des connaissances sur le monde qui pourront le transporter loin de lui. Que peut-être aussi dans toutes ces histoires il trouvera des clés pour comprendre les autres et lui-même.
Comment donner le goût de lire aux enfants ?
D’autre part, pour les enfants qui se déclarent « non intéressés » par la lecture, il s’agit souvent d’une position fondée sur une représentation erronée. Il peut être intéressant de démêler les raisons de ce désamour. Certains enfants se définissent comme « terre à terre », ils ont du mal à s’immerger dans des univers inventés. Pourquoi ne pas leur proposer des encyclopédies et des ouvrages documentaires pour combler leur soif d’apprendre. Ils développeront aussi bien leurs capacités de lecture et profiteront des cours en classe pour travailler des textes plus littéraires.
Dépister des troubles et dysfonctionnements pour apporter une remédiation aux difficultés de lecture
Enfin, devant des difficultés de lecture persistantes, il convient de s’interroger sur un éventuel trouble de l’apprentissage et en déterminer la cause :
- trouble visuel qui empêche de se concentrer pour lire (la lecture est par essence « visuelle ») : il est recommandé de faire contrôler l’acuité visuelle des enfants à 3 ans et à 6 ans puis une fois par an en élémentaire ;
- dyslexie (difficulté à traiter les mots et à décoder) : des aménagements et des outils spécifiques permettent aux enfants de progresser. Ainsi, les séances d’orthophonie améliorent significativement les performances de lecture ;
- dyspraxie (difficulté à gérer l’espace de la page qui occasionne une lenteur dans la lecture et par conséquent une déperdition de la compréhension) : prise en charge par une ergothérapeute et une orthophoniste ;
- trouble du comportement qui nécessite un suivi psychologique pour aider l’enfant à reprendre confiance en lui et mettre en place une thérapeutique globale.