Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
Face au flot continu d’informations, difficile de tenir les enfants à l’écart des actualités du monde. D’ailleurs, pourquoi présupposons-nous que ces informations pourraient être néfastes pour eux ? C’est sans doute pour deux raisons.
La première parce qu’on estime que les enfants n’ont pas les clés nécessaires pour décrypter l’info. Ce serait donc trop difficile pour eux de saisir les conséquences d’un réchauffement climatique à +2 degrés, plutôt qu’à +1 degré.
Deuxièmement, les supports de transmission des informations, essentiellement audio-vidéo, impliquent un risque de voir et entendre des contenants choquants.
Une fois qu’on a identifié ces deux contraintes, le champ est libre pour innover et transmettre de façon adaptée l’essentiel des informations. Car les enfants, comme tous les êtres humains, font partie de la société et ont besoin de comprendre ce qu’il se passe autour d’eux. Par exemple, avec Salut l’info, un podcast conçu par Astrapi et franceinfo, accessible sur l’enceinte Merlin, des experts proposent des séquences audio de 13 minutes pour balayer l’actualité. Par le choix des thèmes, le ton et la dynamique du montage qui inclut la participation des enfants, ce podcast remporte le pari d’un média audio à hauteur d’enfants.
Les actualités donnent de la matière à réfléchir
Avec la banalisation des écrans et l’inquiétude face à la surexposition des plus jeunes à des contenus non adaptés, les parents hésitent à partager l’actualité avec leurs enfants. Est-ce que mon enfant doit tout savoir ? Ne serait-il pas plus heureux en ignorant l’actualité ? N’est-ce pas du devoir des parents de protéger leurs enfants d’informations anxiogènes ? Pourtant, les enfants entendent les conversations des adultes à propos des actualités : allocutions présidentielles, Covid, terrorisme, réchauffement climatique etc. Ils comprennent que le monde des adultes est complexe et parfois extrêmement violent. Et s’ils sont sensibles à l’injustice et à la pauvreté, ils n’ignorent pas la colère et la violence rencontrées dans la cours d’école. Si l’on considère les actualités comme un moyen d’accéder à la diversité du monde, alors les enfants y ont droit aussi.
A contrario, dissimuler une information pour éviter de parler de violence, de mort, d’incertitude ne fait qu’aggraver l’angoisse. L’enfant est sensible aux humeurs de son entourage. Il ne sait pas ce qu’il se passe, mais il ressent l’inquiétude chez les adultes. C’est pourquoi, il est essentiel pour son bien-être et son développement de lui donner des explications adaptées. Ainsi, il pourra verbaliser son propre ressenti et partager avec ses proches ses réflexions.
Avec le réchauffement climatique et les prises de parole de la militante écologiste Greta Thunberg, la question de la transmission des enjeux de notre société auprès du jeune public a considérablement évolué. En partageant des faits réels, chacun peut réfléchir et livrer ses émotions.
Sentir qu’un problème grave mine les adultes, sans savoir lequel, plonge les enfants dans l’angoisse. Que se passe-t-il ? Suis-je en danger ? Voilà le genre de questions que les enfants ont en tête. Il convient dès lors de dire ce que l’on sait. C’est un fait bien connu en psychanalyse, les secrets et mensonges ont des effets dangereux pour la construction de soi. Mieux vaut expliquer, mais de façon réfléchie et adaptée à l’âge des enfants.
Des actualités adaptées pour les jeunes
La presse écrite propose depuis longtemps déjà des supports adaptés aux enfants. En école primaire, les classes sont souvent abonnées à Le Petit Quotidien (Play Bac Presse) ou bien à 1jour 1actu (Milan). Certaines participent également à la Semaine de la presse et des médias à l’école. « Elle a pour objectif d’aider les élèves, de la maternelle au lycée, à : comprendre le système des médias, former leur jugement critique, développer leur goût pour l’actualité et se forger leur identité de citoyen ». (source CLEMI). La prochaine édition aura lieu du 21 au 26 mars 2022. À cette occasion, les élèves peuvent visiter les locaux où travaillent les journalistes. Ils bénéficient d’interventions de professionnels qui leur expliquent comment ils choisissent et traitent l’information. Enfin, des enseignants encadrent des projets plus larges qui débouchent sur leur propre publication en fin d’année.
Depuis quelques années, le numérique occupe une place grandissante dans l’accès à l’information. En 2020, le baromètre de confiance dans les médias Kantar/La Croix indiquait que les adultes accédaient à l’information à 48% par la télévision et 32% via Internet. Pour les moins de 30 ans, il est même devenu le moyen privilégié de s’informer, avec 71% d’entre eux qui utilisent les réseaux sociaux. Le numérique est protéiforme : de fils d’actualité ciblés, abonnement à la presse numérique, réseaux sociaux et radio.
Ce dernier média n’a pas failli depuis ses débuts. L’écoute des actualités par le biais de la radio, en direct ou en différé, attire un grand nombre d’auditeurs (15% d’après l’enquête Kantar/La Croix). L’avantage de l’audio est incontournable : accessible partout et tout le temps avec une possibilité de « faire autre chose en même temps ».
Dans la même veine, l’actualité audio à destination du jeune public s’est développée. Propulsée par des chaînes d’information comme franceinfo, l’audio permet aux enfants d’accéder à l’actualité avec un un format adapté à leur âge :
- des séquences calibrées pour un temps d’écoute optimale (13 minutes pour Salut l’info),
- un choix pertinent de sujets (la COP26, le Covid plutôt que des informations boursières !),
- une neutralité stylistique doublé d’un vocabulaire précis,
- un recul critique pour choisir les meilleurs axes et thématiques (différé dans le temps),
- un traitement qui valorise les pistes d’amélioration.
En étant informés, les enfants deviennent des citoyens éclairés
Comprendre le monde dans lequel on vit grâce aux informations
L’accès à l’information est un droit fondamental, une garantie de liberté pour les citoyens. Quand on informe un enfant, on lui reconnait aussi ce droit. Il est un citoyen à part entière qui peut participer à la société par ses pensées et ses actions. C’est pourquoi, par exemple, en 1994, l’Assemblée nationale et le ministère de l’Éducation nationale ont créé le Parlement des enfants afin de permettre aux élèves de CM2 de participer à la vie démocratique. Dans cette optique, une bonne connaissance des sujets d’actualité autorise les débats et préparent les décisions. Bien sûr, tous les enfants n’y siègent pas. Mais cette instance symbolise la participation des enfants à la vie politique. Elle leur reconnait le droit de penser la société et la possibilité s’insuffler des lois.
Au final, à quoi sert de suivre l’actualité ? Certainement à comprendre le monde dans lequel on vit. Pour pouvoir agir en conséquence et prendre des décisions raisonnées, avec des arguments vérifiés. Les programmes scolaires privilégient les fondamentaux (lire, écrire, compter) et l’acquisition de connaissances pour se forger une culture commune (scientifique, historique…). Elle donne peu de place à l’actualité considérée comme changeante et soumise aux effets de « mode ». L’actualité, temps court, s’oppose à l’histoire, temps long, enseigné en classe.
Filtrer et adapter la retranscription des actualités en fonction de l’âge et de la sensibilité des enfants
Par ailleurs, toutes les informations ne doivent pas nécessairement être partagées. En effet, selon Stéphane Clerget, pédopsychiatre, certaines informations à caractère violent et éloignées des enfants pourraient générer de l’angoisse. Certains évènements ont des causes et conséquences très éloignés de leur quotidien. Il précise qu’ « il est essentiel qu’ils [les enfants] perçoivent que la situation actuelle ne barre pas leur avenir ni celui de leur famille ». (source Psychologies). Il s’agit donc d’expliquer et de rassurer.
C’est pourquoi, il est bon de choisir un média dédié aux enfants qui prend la peine de trier les informations et d’en tirer l’essentiel au regard de tendances plus longues. Par exemple, les faits divers n’auront que peu d’intérêt. Alors que les sujets abordant l’écologie, le bien-être animal, la santé ou encore l’égalité homme/femme déploieront des perspectives plus larges et portées vers le futur. De plus, ce sont des sujets qui intéressent spontanément les enfants et sur lesquels ils ont des choses à dire.
L’éducation scolaire et parentale accompagnent les enfants dans leur quête de compréhension du monde en les outillant. En grandissant, les enfants deviennent de plus en plus attentifs à ce qui se passe autour d’eux. Et se préparent à prendre des décisions éclairées. Lorsqu’ils ont pris l’habitude de s’informer via des médias de qualité, ils sont davantage aptes à évincer les fake news. Car ils sont dotés d’un esprit critique. Ils savent que les sources doivent être vérifiées et repèrent les indices de fiabilité. Cette formation de la pensée leur sera profitable toute leur vie.
Dans cette perspective, Merlin a participé à l’événement “Comment expliquer l’actualité à nos enfants” organisé par Mouvement Up en partenariat avec KissKissBankBank le 17 novembre 2021, avec Julien Mast, directeur du Mouvement e-graine et Jérôme Saltet, cofondateur des Éditions Play Bac, co-inventeur des Incollables et de Le Petit Quotidien.